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Burundi : Un journaliste accusé de trahison acquitté

Les médias font toutefois l’objet de poursuites pénales pour des critiques émises de façon pacifique

(Nairobi) - L'acquittement d'un journaliste accusé de trahison le 13 mai 2011 constitue une avancée positive pour le Burundi, où les harcèlements pour motifs politiques des journalistes n'ont cessé de croître, ont déclaré aujourd'hui Human Rights Watch et le Comité pour la protection des journalistes. Cependant, sa condamnation pour un chef d'accusation moins lourd révèle la nécessité pour le gouvernement burundais de modifier la loi sur la presse en vue de décriminaliser les prétendus délits de presse, ont précisé les organisations.

Le journaliste Jean-Claude Kavumbagu a été arrêté en juillet 2010 après la publication d'un article dans son journal d'actualités en ligne, NetPress, remettant en question la capacité de l'armée burundaise à répondre aux éventuelles menaces du groupe militant somalien al-Shabaab. « Nos forces de défense et de sécurité brillent plus par leur capacité à piller et à tuer leurs compatriotes qu'à défendre notre pays», avait-il écrit. Les autorités l'ont accusé de trahison, un crime passible d'une peine d'emprisonnement à perpétuité. Son procès a eu lieu le 13 avril à Bujumbura, la capitale. Selon le verdict prononcé le 13 mai, Jean-Claude Kavumbagu a été déclaré non coupable de trahison mais coupable, en vertu de l'article 50 de la loi sur la presse, d'avoir publié un article « susceptible de porter atteinte au crédit de l'État ou à l'économie nationale ». Il a été condamné à une peine de huit mois de prison, mais a été libéré le 17 mai étant donné qu'il a été maintenu en détention provisoire pendant 10 mois.

« La libération de Jean-Claude Kavumbagu est une bonne nouvelle, mais il n'aurait pas dû être emprisonné en premier lieu », a déclaré Daniel Bekele, directeur de la division Afrique chez Human Rights Watch. « Sa condamnation pour un autre délit de presse vient nous rappeler que les journalistes au Burundi encourent toujours des peines de prison  s'ils osent critiquer le gouvernement ou les forces de sécurité. »

Le gouvernement burundais a récemment adopté plusieurs mesures positives démontrant un plus grand respect de la liberté d'expression après une situation préoccupante en 2010, lorsque les autorités ont menacé et arrêté de manière arbitraire plusieurs journalistes et professionnels des médias. La plupart d'entre eux avaient été relâchés au bout de quelques jours.

Faustin Ndikumana, le chef de charroi de la station Radio Publique Africaine (RPA), qui a été arrêté le 15 septembre sous le chef d'accusation de « menacer la sécurité de l'État », a été détenu pendant près de sept mois. Il a été accusé d'avoir participé à une réunion pendant laquelle il aurait été question de fournir des armes aux rebelles. La station de radio a affirmé que l'arrestation était une forme d'intimidation contre cette radio, qui était souvent critique à l'égard des politiques du gouvernement. Faustin Ndikumana a été acquitté le 14 avril après que l'unique témoin se fut abstenu de comparaître devant le tribunal.

Le 3 mai, Journée mondiale de la liberté de la presse, les journalistes ont organisé une marche de protestation pour attirer l'attention sur la détention toujours d'actualité du journaliste Jean-Claude Kavumbagu. Deux semaines auparavant, la police avait dispersé une manifestation pacifique d'organisations de la société civile qui réclamait que justice soit faite pour le cas d'un activiste abattu. La police avait également détenu deux des manifestants pendant plusieurs heures. Toutefois, elle a laissé la manifestation des journalistes se dérouler, une étape positive dans un pays où les protestations de la société civile sont souvent interdites.

Malgré ces avancées, la liberté des médias au Burundi reste entravée par des lois pénales, ont poursuivi Human Rights Watch et le Comité pour la protection des journalistes. Les soi-disant délits de presse soumettent les journalistes et les professionnels des médias à des sanctions pénales pour diffamation, « atteinte au crédit » de l'État, insulte au chef d'État et « atteint à la sûreté de l'État ». Alors que les journalistes sont rarement accusés de crimes aussi graves que la trahison, quatre journalistes ont été emprisonnés pendant des périodes de quatre à six mois en 2006 et 2007 pour des délits de presse et d'autres ont été convoqués pour être interrogés sur des accusations similaires.

En vertu de l'article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, dont le Burundi est signataire, les limitations de la liberté d'expression doivent être imposées par la nécessité et étroitement définies. Les sanctions pénales en cas d'atteinte à la réputation d'une personne sont disproportionnées et doivent être abolies. Les lois sur la diffamation et l'incitation à commettre des délits sont suffisantes pour protéger la réputation des personnes et maintenir l'ordre public. Elles peuvent être rédigées et mises en œuvre de manière à fournir les protections adéquates pour la liberté d'expression.

« Le fait qu'un procureur au Burundi peut toujours requérir une peine à perpétuité à l'encontre d'un journaliste simplement pour avoir critiqué les forces de sécurité burundaises démontre la grande faiblesse du gouvernement à l'égard de la presse», a déclaré Tom Rhodes, consultant sur l'Afrique de l'Est pour le Comité pour la protection des journalistes (Committee to Protect Journalists, CPJ). « Le Burundi doit dépénaliser les délits de presse et permettre aux journalistes de parler et d'écrire librement sans crainte d'être harcelé ou arrêté. »

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