(New York, 15 décembre 2025) – La condamnation par la Haute Cour de justice de Hong Kong de Jimmy Lai, fondateur du journal Apple Daily qui a été contraint à la fermeture, est le dernier signe en date de l’évolution dramatique observée à Hong Kong, a déclaré aujourd'hui Human Rights Watch ; dans cette ville, le respect de la liberté de la presse a été remplacé par une hostilité ouverte envers les médias. Les autorités de Hong Kong devrait annuler cette condamnation sans fondement, et libérer immédiatement Jimmy Lai.
Le 15 décembre, la Haute Cour qui jugeait Jimmy Lai, 78 ans, l’a reconnu coupable de deux chefs d'accusation de « complot en vue de collusion avec des forces étrangères » en vertu de la loi draconienne sur la sécurité nationale, et d'un chef d'accusation de « complot en vue de publier des publications séditieuses » en vertu de l'Ordonnance sur les crimes. Il encourt une peine pouvant aller jusqu'à la prison à vie.
« La condamnation de Jimmy Lai sur la base d'accusations fallacieuses après cinq ans d'isolement cellulaire est une cruelle parodie de justice », a déclaré Elaine Pearson, directrice pour l'Asie à Human Rights Watch. « Les mauvais traitements infligés à Jimmy Lai par le gouvernement chinois visent à réduire au silence tous ceux qui osent critiquer le Parti communiste. »
La Haute Cour a jugé que Jimmy Lai était le « cerveau » des complots présumés, cités dans les trois chefs d'accusation. Selon le tribunal, Jimmy Lai aurait conspiré avec d'autres personnes pour se rendre coupable de « collusion avec des forces étrangères » en se livrant à un « lobbying international » et en exhortant des gouvernements étrangers à imposer des « sanctions ou des blocus, ou à se livrer à d'autres activités hostiles » contre le gouvernement chinois par le biais de ses écrits, de ses émissions-débats et de ses interviews dans les médias.
Le tribunal a également jugé que Lai avait conspiré avec l’ONG Stand with Hong Kong, qui a organisé des campagnes à l'étranger appelant à des sanctions contre les autorités chinoises et hongkongaises.
En ce qui concerne l'accusation de sédition, les procureurs ont affirmé que 161 articles du journal Apple Daily, dont 33 écrits par Lai, constituaient des publications séditieuses car ils auraient alimenté la méfiance et la haine du public envers les autorités. Le tribunal a donné raison à l'accusation, jugeant que Lai avait utilisé son « influence personnelle pour mener une campagne cohérente visant à saper la légitimité » des gouvernements chinois et hongkongais.
Poursuivre quelqu'un pour avoir exercé son droit à la liberté d'expression viole le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui est intégré dans le cadre juridique de Hong Kong via la constitution de facto de la ville, la Loi fondamentale, ainsi que dans la Loi sur la déclaration des droits. Toutefois, la Loi sur la sécurité nationale en vigueur à Hong Kong est incompatible avec ces garanties en matière de droits humains.
Six anciens dirigeants et rédacteurs en chef d'Apple Daily avaient déjà plaidé coupables à des accusations similaires dans la même affaire. Une audience visant à examiner les circonstances atténuantes est prévue le 12 janvier 2026, suivie du prononcé de la peine. En vertu de l'article 29 de la Loi sur la sécurité nationale, les personnes reconnues coupables de « collusion avec l'étranger » de « nature grave » encourent une peine de 10 ans à perpétuité, tandis que les autres encourent une peine de 3 à 10 ans. L'accusation de « sédition », en vertu de l'Ordonnance sur les crimes, est passible d'une peine maximale de 2 ans de prison.
Les poursuites engagées contre Jimmy Lai ont été entachées de nombreuses violations graves du droit à un procès équitable, notamment le fait d'avoir été jugé par des juges choisis par le gouvernement de Hong Kong, de s'être vu refuser un procès devant jury, d'avoir été soumis à une détention provisoire prolongée et de s'être vu refuser le droit de choisir son avocat. En 2023, la Haute Cour a confirmé la décision du gouvernement d'interdire à un avocat britannique, Timothy Owen, de représenter Lai. Les autorités ont également refusé à Lai, citoyen britannique, l'accès au consulat du Royaume-Uni, en violation de la Convention de Vienne sur les relations consulaires, à laquelle la Chine est un État partie.
Jimmy Lai purge déjà une peine de 5 ans et 9 mois de prison pour « fraude » et « participation à un rassemblement non autorisé ». Il souffre de diabète et est détenu en isolement cellulaire prolongé, une forme de torture, depuis décembre 2020. Sa famille a exprimé à plusieurs reprises ses inquiétudes concernant la détérioration de son état de santé, notamment des problèmes cardiaques et des signes de déclin physique.
Depuis que Pékin a imposé la Loi sur la sécurité nationale à Hong Kong en juin 2020, au moins 14 médias indépendants ont été fermés, dont Apple Daily en juin 2021 et Stand News en décembre 2021. Ces deux médias influents ont été contraints de fermer à la suite de descentes de police très médiatisées et de l'arrestation de leurs rédacteurs en chef pour des crimes contre la sécurité nationale.
En août 2024, deux journalistes de Stand News ont été condamnés pour « sédition » en vertu de l'ordonnance sur les crimes. Le gouvernement de Hong Kong a également harcelé à plusieurs reprises l'Association des journalistes de Hong Kong et des journalistes, exigeant le paiement d'arriérés d'impôts sans aucune justification évidente.
« Suite au simulacre de procès subi par Jimmy Lai, les gouvernements étrangers devraient faire pression sur les autorités hongkongaises pour qu'elles annulent sa condamnation et le libèrent immédiatement », a conclu Elaine Pearson. « Le gouvernement chinois et les autorités de Hong Kong devraient subir des conséquences pour leurs efforts incessants visant à museler la presse hongkongaise. »
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