(New York) – Le coup d’État militaire commis le 1er février 2021 au Myanmar a renversé le régime démocratique et a plongé le pays dans des violations des droits humains qui ne cessent de s’aggraver, a déclaré aujourd’hui Human Rights Watch dans l’édition 2022 de son Rapport mondial. Les forces de sécurité de la junte dirigée par le général Min Aung Hlaing se sont livrées à de graves abus généralisés qui constituent des crimes contre l’humanité.
« Les militaires du Myanmar, qui ont longtemps abusé de leur pouvoir, ont démantelé le gouvernement démocratiquement élu, commis des crimes contre l’humanité contre les manifestants opposés au coup d’État, et perpétré de nouvelles atrocités dans les régions où vivent les minorités ethniques », a constaté Brad Adams, directeur de la division Asie de Human Rights Watch. « Les gouvernements concernés devraient répondre à cette crise des droits humains par des sanctions ciblées et un embargo international sur les armes, et en coupant les sources de revenus de la junte. »
Dans son Rapport mondial 2022, dont c’est la 32e édition et qui compte 752 pages, Human Rights Watch examine les pratiques en matière de droits humains dans près de 100 pays. Kenneth Roth, son Directeur exécutif, y remet en question l’idée reçue selon laquelle l’autocratie serait en plein essor. Récemment, dans divers pays, de nombreuses personnes sont descendues dans la rue malgré le risque d’être arrêtées ou de se faire tirer dessus, preuve que l’attrait de la démocratie reste fort. Dans le même temps, les autocrates ont de plus en plus de mal à manipuler les élections en leur faveur. Pour Kenneth Roth, il n’en reste pas moins que les dirigeants démocrates doivent faire plus encore pour relever les défis au niveau national et mondial, et s’assurer que la démocratie tienne ses promesses.
Des millions de personnes sont descendues dans les rues à travers le Myanmar lors de manifestations largement pacifiques pour demander à l’armée de renoncer au pouvoir, tandis que des membres du Parlement, des représentants des minorités ethniques et de la société civile ont formé un gouvernement d’unité nationale pour contester la junte. Les forces de sécurité du Myanmar ont réagi en commettant des abus qui constituent des crimes contre l’humanité, notamment des meurtres, des actes de torture, des privations de liberté, des disparitions forcées, des viols et autres abus sexuels.
Entre le 1er février et le 1er décembre, la police et l’armée ont tué au moins 1 300 manifestants et passants, dont environ 75 enfants, et arrêté plus de 10 596 manifestants, responsables gouvernementaux, activistes, journalistes et fonctionnaires. La dirigeante de la Ligue nationale pour la démocratie (LND), Aung San Suu Kyi, a été l’une des premières à être arrêtées le 1er février, et elle reste détenue sur la base d’accusations criminelles fabriquées de toutes pièces.
Des milices anti-junte se sont formées sous le nom de Forces de défense du peuple (PDF) à travers tout le pays, s’en prenant aux forces de sécurité gouvernementales et aux civils perçus comme étant des partisans de la junte. Certaines ont procédé à des bombardements illégaux de lieux et bâtiments publics. Les militaires ont répondu par des attaques contre des civils et la destruction de quartiers urbains et de villages. Des combats soutenus dans les zones peuplées par les minorités ethniques, notamment dans le nord-ouest de l’État Chin et dans la région de Sagaing, ont provoqué le déplacement de 30 000 personnes.
Les 600 000 Rohingyas restés au Myanmar depuis la campagne de nettoyage ethnique et d’actes de génocide menée par l’armée en 2017 dans l’État de Rakhine restent confinés dans des camps et des villages où ils sont victimes de crimes contre l’humanité de persécution et d’apartheid. Ils se voient refuser l’accès à une alimentation suffisante, aux soins de santé, à l’éducation et à des moyens de subsistance. Après le coup d’État, les restrictions à l’accès humanitaire se sont multipliées, entraînant des décès et des maladies évitables dans les camps et les villages rohingyas.
La multiplication des combats entre l’armée du Myanmar et les groupes armés ethniques dans les États de Chin, Kachin, Karen, Karenni et Shan a entravé l’accès à l’aide humanitaire. Des pénuries alimentaires ont été signalées dans tout le pays et l’ONU estime que le nombre de personnes souffrant de la faim pourrait atteindre 6,2 millions.
Le Canada, l’Union européenne, le Royaume-Uni et les États-Unis ont imposé diverses sanctions ciblées contre des officiers de haut rang au sein de l’armée du Myanmar et des entreprises qu’ils contrôlent. Cependant, aucun gouvernement n’a imposé de sanctions ou d’autres mesures pour tarir les revenus issus du pétrole et du gaz, qui forment la principale source de devises étrangères de la junte.
En juin, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté une résolution condamnant fermement le coup d’État. Elle a également formulé plusieurs recommandations importantes, appelant notamment tous les États membres à mettre fin aux ventes d’armes en direction du Myanmar. Cependant, le Conseil de sécurité de l’ONU n’a pas donné suite en adoptant une résolution contraignante qui aurait imposé une interdiction globale des transferts d’armes vers ce pays.