(Paris) – Les paiements effectués par les entreprises du secteur de l'énergie et de l'extraction à des entités sous le contrôle de l'armée du Myanmar fournissent des fonds essentiels au maintien de la junte et posent de sérieux risques juridiques, financiers et de réputation aux investisseurs de ces entreprises, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui.
En octobre, Human Rights Watch a écrit à plusieurs dizaines de sociétés d'investissement qui détiennent des actions dans des sociétés opérant en partenariat avec des entités sous le contrôle de la junte installée par l'armée du Myanmar, qui a pris le pouvoir lors d'un coup d'État en février, a mené une répression brutale contre les manifestants et est impliquée dans de multiples crimes contre l'humanité, meurtres, tortures et crimes de guerre. Les projets conjoints dans le secteur du gaz naturel génèrent chaque année plus d'un milliard de dollars de revenus étrangers pour la junte, versés en dollars américains sur les comptes bancaires de la junte dans des pays étrangers.
"Il est crucial que les investisseurs agissent maintenant pour aider à bloquer les paiements massifs qui alimentent une junte militaire brutale", a déclaré John Sifton, directeur du plaidoyer pour l'Asie à Human Rights Watch. "La junte est très dépendante des revenus étrangers en dollars provenant de l'exploitation minière et du gaz naturel, et de nouvelles mesures ciblées pour les bloquer pourraient être le seul moyen réel d'obtenir des changements dans ses agissements."
Dans le cadre des contrats existants avec les entités étatiques, les sociétés dans le secteur de l’énergie ont des options limitées pour arrêter les paiements allant à la junte, mais elles devraient se conformer aux sanctions ou à d’autres mesures de réglementation financière bloquant ces paiements si elles étaient imposées par les États-Unis, l'UE et d'autres gouvernements clés, a déclaré Human Rights Watch.
Human Rights Watch a écrit aux sociétés d'investissement ayant des investissements importants dans au moins une des entreprises suivantes : TotalEnergies, Chevron, PTT ou sa filiale PTTEP, et POSCO, qui sont ensemble responsables de la majeure partie de la production et des revenus du gaz naturel au Myanmar.
Blackrock, State Street et Vanguard détiennent des participations substantielles dans ces quatre entreprises, ce qui leur donne un pouvoir de négociation particulièrement puissant auprès de leurs dirigeants. En France, Human Rights Watch a écrit à BNP Paribas, la Caisse des Dépots, La Banque Postale AM, ainsi qu'à plusieurs autres fonds de tailles diverses ayant des parts dans TotalEnergies. Human Rights Watch a précédemment correspondu avec TotalEnergies et PTT au sujet de leurs opérations au Myanmar.
Les lettres adressées aux entreprises et aux investisseurs expliquent en détail comment les entreprises qui fournissent des revenus à la junte s'exposent à de graves risques juridiques, financiers et de réputation et sont dans l’incapacité de s'acquitter de leurs responsabilités en matière de droits humains au Myanmar en vertu des Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme.
Les sociétés d'investissement ont également des responsabilités en matière de droits humains et pourraient elles-mêmes être confrontées à des risques financiers et de réputation en tant qu'actionnaires de sociétés générant des milliards de dollars pour la junte.
Human Rights Watch n'a reçu aucune réponse de Blackrock, Vanguard ni d'autres investisseurs basés aux États-Unis. En France, plusieurs investisseurs ont répondu à la lettre de Human Rights Watch, indiquant suivre de près l'évolution des événements au Myanmar et être en dialogue régulier avec TotalEnergies sur ce sujet. Mais aucun n'a explicitement indiqué son soutien aux mesures visant à bloquer le versement des revenus du gaz naturel à la junte.
Pour faire face à d'éventuelles conséquences négatives involontaires, les lettres décrivent des méthodes permettant de bloquer les paiements sans perturber la production de gaz naturel elle-même.
Les investisseurs devraient agir rapidement pour encourager les sociétés extractives opérant au Myanmar, dont TotalEnergies, à soutenir ces mécanismes particuliers de sanctions financières, selon Human Rights Watch.
"Les sociétés d'investissement devraient utiliser leur influence en tant qu’actionnaires pour convaincre les entreprises de soutenir des sanctions de la part des États-Unis, de l'UE et d’autres gouvernements concernés, en gelant les paiements sur les comptes offshore de la junte", a déclaré Sifton. "Ne pas agir perpétue le préjudice causé au peuple du Myanmar et ne fait qu'exposer les entreprises à des risques supplémentaires."
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