Myanmar : Nouvelle vague de crimes atroces dans l'État de Chin

Des incendies ravageaient des maisons dans la ville de Thantlang, dans l'État de Chin, au Myanmar, le 29 octobre 2021. © 2021 Chin Human Rights Organization via AP

Nous, soussignées 521 organisations myanmaraises, régionales et internationales de la société civile, appelons le Conseil de sécurité de l'ONU à convoquer d'urgence une réunion sur l'escalade des attaques dans l'État de Chin, et à aborder la détérioration rapide de la crise humanitaire, politique et des droits humains au Myanmar. Nous appelons le Conseil de sécurité de l'ONU à adopter une résolution pour consolider l'action internationale visant à mettre fin aux violentes agressions militaires contre le peuple du Myanmar. Le Conseil de sécurité de l'ONU devrait également imposer un embargo mondial sur la vente d’armes à ce pays, pour arrêter le transfert d'armes et de biens à double usage à la junte militaire du Myanmar.

Cela fait neuf mois depuis la tentative de coup d'État par l'armée brutale du Myanmar. À ce jour, 1 236 personnes ont été tuées et 9 667 détenues arbitrairement au 3 novembre 2021. La junte a poursuivi son assaut violent dans tout le Myanmar, a récemment déployé des troupes et a intensifié ses attaques contre les civils dans l'État de Chin, les régions de Sagaing et de Magwe dans le nord-ouest du Myanmar, tandis que poursuivre ses attaques dans les États Karenni, Karen et Shan.

Le vendredi 29 octobre, l'armée birmane a commencé à bombarder la ville de Thantlang dans l'État du Chin occidental, incendiant jusqu'à 200 maisons et au moins deux églises. Les soldats ont également délibérément incendié des maisons au hasard.

Save the Children - dont le bureau de Thantlang a été incendié aux côtés d'organisations de la société civile locale, dont l'Organisation des droits de l'homme Chin - a fermement condamné les récentes attaques, déclarant que "l'incident est une preuve supplémentaire d'une aggravation de la crise au Myanmar" alors que la violence continue de toucher un grand nombre de personnes. d'enfants à travers le pays. De telles attaques aveugles contre des civils et des organisations humanitaires sont des violations du droit international et constituent des crimes de guerre.

À la suite de la tentative de coup d'État du 1er février, l'État Chin a été à l'avant-garde de l'une des plus fortes résistances à la junte militaire du Myanmar. Cela s'est heurté à de violentes attaques de la part de l'armée, notamment à l'utilisation d'avions de combat et d'artillerie lourde utilisés contre des civils tandis que des centaines ont été arbitrairement détenus et des dizaines ont été tués. Même avant la récente attaque, environ 10 000 habitants avaient déjà fui Thantlang, après que des forces de la junte militaire eurent tiré sans discernement sur des maisons en septembre, et provoqué des incendies déclenchés par des bombardements. Un pasteur chrétien qui tentait alors d'éteindre un incendie a été abattu ; des assaillants ont cruellement coupé son annulaire, où il portait son alliance. Les personnes déplacées se sont réfugiées dans les villages voisins et d'autres ont cherché refuge en Inde. Beaucoup de ceux qui ont été déplacés n'ont pas pu accéder à l'aide humanitaire ; la junte instrumentalise l'aide afin d’obtenir un avantage politique, bloquant souvent l'accès ou détruisant même des colis d’aide dans le but d'affaiblir la résistance.

Début octobre, au milieu du déploiement croissant d'armes lourdes et de troupes par la junte militaire, le porte-parole du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme a exhorté « la communauté internationale à parler d'une seule voix, pour empêcher la commission de nouvelles violations graves des droits de l'homme contre le peuple du Myanmar. Le Rapporteur spécial de l'ONU sur la situation des droits de l'homme a également souligné le risque d’une aggravation de la catastrophe des droits humains et d'autres crimes d'atrocités de masse, compte tenu du déploiement de dizaines de milliers de soldats. Il a déclaré : « Ces tactiques rappellent de façon inquiétante celles employées par l'armée avant ses attaques génocidaires contre les Rohingyas dans l'État de Rakhine en 2016 et 2017. » Faisant écho à ces préoccupations, 29 organisations rohingyas ont exhorté le Conseil de sécurité de l’ONU à ne pas répéter les erreurs commises en 2017 en ne donnant pas suite aux avertissements d'une offensive militaire imminente contre les Rohingyas.

Depuis le début de la tentative de coup d'État il y a neuf mois, des centaines d'organisations de la société birmane et internationales ont appelé à plusieurs reprises et avec véhémence le Conseil de sécurité de l'ONU à agir. Cela comprend une déclaration de 92 organisations de la société civile Chin et de Burma Campaign UK, qui ont appelé le Royaume-Uni en tant que « porte-plume » (« penholder ») du Myanmar au Conseil de sécurité de l'ONU à agir d'urgence. Le Conseil consultatif spécial pour le Myanmar a également appelé le Conseil de sécurité de l'ONU à « publier une résolution pour consolider l'action internationale en vue de résoudre la crise ».

Pourtant, le Conseil de sécurité n'a pris aucune mesure efficace au-delà des déclarations. Alors que les offensives s'intensifient dans l'État Chin, le Conseil de sécurité de l'ONU devrait agir avant qu'il ne soit trop tard. Il devrait convoquer d'urgence une réunion sur l'escalade des attaques dans l'État Chin et l'aggravation de la crise politique, humanitaire et des droits humains. Cette triple crise est due à la recherche du pouvoir et à la cupidité des chefs militaires du Myanmar qui ont causé d'immenses souffrances au peuple. Le risque pour la sécurité humaine menace non seulement le peuple du Myanmar, mais aussi la sécurité et la paix régionales et donc mondiales. Le Conseil devrait immédiatement s'appuyer sur les déclarations précédentes et adopter des actions concrètes en adoptant une résolution qui consolide l'action internationale pour résoudre la crise qui s'aggrave, un embargo mondial sur les armes pour arrêter le flux d'armes, y compris les biens à double usage, et renvoyer la situation au Myanmar à la Cour pénale internationale. Le Conseil devrait démontrer qu'il prendra des mesures concrètes pour empêcher la junte de commettre d'autres crimes atroces, et menacer davantage encore la sécurité du peuple du Myanmar.

L'ONU ne doit pas continuer à s’abstenir d’aider le peuple du Myanmar.

521 organisations signataires, dont 308 citées ci-dessous, et 213 autres ONG (*)