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RD Congo : L’UE et les États-Unis sanctionnent de hauts responsables

L’ONU et l’UA devraient élargir leurs mesures contre les auteurs d’atteintes aux droits humains, et faire pression pour des élections crédibles

Kalev Mutondo (deuxième en partant de la gauche), le directeur de l’Agence nationale de renseignements (ANR) en RD Congo, en compagnie de Marie Olive Lembe, la Première dame, et du président Joseph Kabila lors des célébrations pour l’anniversaire de l’indépendance du pays à Kindu, capitale de la province du Maniema, le 30 juin 2016. © 2016 Reuters

(Washington) – Le 1er juin 2017, les États-Unis ont imposé des sanctions ciblées à l’encontre du chef de la « Maison militaire » du Président Joseph Kabila de la République démocratique du Congo, a déclaré aujourd’hui Human Rights Watch. Les États-Unis ont également imposé des sanctions à l’encontre d’un complexe touristique appartenant au conseiller en périphérie de la capitale, Kinshasa.

Ces mesures des États-Unis surviennent peu de temps après les nouvelles sanctions ciblées annoncées par l’Union européenne le 29 mai à l’encontre de huit hauts responsables et du chef d’une milice impliqués depuis longtemps dans de graves abus en RD Congo. Les sanctions consistent en des interdictions de voyager, des gels d’avoirs, et une interdiction de mettre des fonds ou des ressources économiques à la disposition des personnes et de l’entité inscrites sur la liste, ou de se livrer à des transactions avec elles.

« Les nouvelles sanctions ciblées de l’UE et des États-Unis à l’encontre de hauts responsables congolais et d’intérêts commerciaux envoient un message puissant : la répression violente menée par le gouvernement à l’encontre d’activistes, de journalistes et de l’opposition politique a un coût élevé », a déclaré Ida Sawyer, directrice pour l’Afrique centrale à Human Rights Watch. « Les sanctions indiquent que les auteurs des pires violations des droits humains et ceux qui repoussent les élections devront en payer le prix, quel que soit leur grade ou le poste qu’ils occupent. »

Le Président Joseph Kabila était censé quitter le pouvoir le 19 décembre 2016, à la fin de la limite de deux mandats prévue par la constitution, mais il s’est maintenu au pouvoir, alors que les élections destinées à élire son successeur ont été repoussées à de plusieurs reprises.

Les nouvelles sanctions américaines montrent que les intérêts commerciaux d’individus puissants impliqués dans des abus peuvent également être ciblés, a déclaré Human Rights Watch. En 2016, les États-Unis avaient sanctionné sept hauts responsables du gouvernement et des forces de sécurité. Les nouvelles sanctions de l’Union européenne frappent des personnes plus haut placées du gouvernement du Président Joseph Kabila que les anciennes. Elles ont ciblé le chef de l’agence de renseignements, deux ministres du gouvernement, un ancien ministre et deux gouverneurs, ainsi que deux officiers des forces de sécurité et un chef de milice. En décembre 2016, l’UE avait déjà sanctionné sept officiers supérieurs des forces de sécurité.

Les États-Unis ont sanctionné le Gén. François Olenga pour son rôle à la tête de la « Maison militaire » du président, « qui supervise la Garde républicaine, une entité qui a, ou dont les membres ont, mené des actions ou des politiques qui minent les processus ou les institutions démocratiques » en RD Congo. Le « Safari Beach », un complexe touristique en périphérie de Kinshasa, a également été ajouté à la liste de sanctions « pour être la propriété ou être contrôlé par Olenga ».

Dans une déclaration du Bureau du contrôle des avoirs étrangers du Trésor américain (OFAC) annonçant les nouvelles sanctions, le directeur du Bureau, John E. Smith, a affirmé : « Cette mesure contre Olenga envoie un message fort, à savoir que la persistance d’actes de violence, d’agression et de répression par l’armée congolaise contre ses propres citoyens est inacceptable. Les États-Unis sont prêts à mettre en œuvre des sanctions supplémentaires à l’encontre des personnes qui minent les processus démocratiques ou électoraux de la RDC ».

L’UE a sanctionné huit responsables pour avoir « contribué, en les planifiant, dirigeant ou commettant, à des actes constituant de graves violations des droits de l’homme » : Kalev Mutondo, directeur de l’Agence nationale du renseignement ; Évariste Boshab, ancien vice-Premier ministre et ministre de l’Intérieur et de la sécurité ; Ramazani Shadari, actuel vice-Premier ministre et ministre de l’Intérieur et de la sécurité ; Gédéon Kyungu Mutanga, chef d’une milice ; Muhindo Akili Mundos, commandant de l’armée ; le Gén. de brigade Éric Ruhorimbere, autre commandant de l’armée ; Jean-Claude Kazembe Musonda, gouverneur de la province du Haut-Katanga ; et Alex Kande Mupompa, gouverneur de la province du Kasaï-central. Le neuvième, le ministre de la communication et des médias et porte-parole du gouvernement, Lambert Mende, a été décrit comme « responsable de la politique répressive menée envers les médias » en RD Congo, « politique qui viole le droit à la liberté d’expression et d’information et compromet une solution consensuelle et pacifique en vue de la tenue d’élections ».

Dans sa déclaration annonçant les nouvelles sanctions, l’UE a exprimé sa préoccupation au sujet de la « détérioration de la situation » en RD Congo, y compris les restrictions persistantes sur « l’espace démocratique et les droits fondamentaux », ainsi que de la crise dans la région du Kasaï, qui « a atteint une ampleur exceptionnelle sur le plan à la fois sécuritaire, humanitaire et des droits de l’Homme ».

L’UE a exhorté les autorités congolaises à « agir dans le respect des droits de l’Homme et des libertés fondamentales et à initier sans retard des enquêtes sérieuses et transparentes, en parallèle d'une expertise internationale de haut niveau ». Sur le plan politique, l’UE a appelé à un calendrier électoral, des « institutions de transition réellement inclusives », une mise en œuvre rapide des « mesures de décrispation » et un « espace d'expression et de débat sans entrave ».

L’UE a indiqué qu’elle suivrait de près l’évolution de la situation politique et des droits humains au cours des mois à venir et qu’elle se tenait prête à « envisager des mesures restrictives additionnelles, ou à l’inverse, d’en retirer certaines ».

En juin 2016, les États-Unis ont prononcé des sanctions ciblées à l’encontre du chef de la police de Kinshasa, le Gén. Célestin Kanyama, et en septembre, à l’encontre du Gén. Gabriel Amisi Kumba, commandant de l’armée dans la région occidentale du pays, et de l’ancien inspecteur de la police John Numbi. En décembre, les États-Unis ont élargi les sanctions visant également Évariste Boshab, qui était alors ministre de l’Intérieur, et Kalev Mutondo, chef des services de renseignements.

En décembre 2016, l’UE a imposé des sanctions ciblées contre le Gén. Amisi ; le Gén. Delphin Kahimbi, chef du service du renseignement militaire ; le Gén. Ilunga Kampete, commandant de la Garde républicaine; le Gén. Kanyama ; Roger Kibelisa, chef du département de la sécurité intérieure de l'agence nationale de renseignements (ANR) ; le Col. Ferdinand Ilunga Luyolo, commandant de la Légion nationale d'intervention (LENI), une unité anti-émeutes de la Police nationale congolaise ; et l’ancien inspecteur de la police John Numbi.

Le Conseil de sécurité des Nations Unies a décrété des sanctions ciblées à l’encontre de nombreuses personnes et groupes armés responsables de graves violations des droits humains, principalement dans l’est de la RD Congo, mais n’a pas sanctionné de hauts responsables impliqués dans la répression gouvernementale.

Les sanctions ciblées à l’encontre des auteurs présumés d’atteintes aux droits humains semblent généralement bien accueillies en RD Congo, a déclaré Human Rights Watch. Dans une déclaration commune en date du 27 avril, 165 organisations congolaises de droits humains ont demandé une pression accrue et de nouvelles sanctions ciblées à l’encontre des hauts responsables congolais. Un nouveau sondage représentatif au niveau national, effectué par le Groupe d’Étude sur le Congo, basé à l’Université de New York, et par un institut de sondage congolais, le Bureau d’Études, de Recherches, et de Consulting International (BERCI), a conclu que 72 pour cent de toutes les personnes ayant répondu au sondage approuvaient les sanctions ciblées décidées l’an dernier par les États-Unis et l’UE à l’encontre de hauts responsables du gouvernement et des forces de sécurité.

Les annonces des États-Unis et de l’UE ont été faites à un moment où la perspective d’élections démocratiques d’ici la fin de l’année en RD Congo, comme il en avait été convenu dans un accord conclu à la Saint-Sylvestre, semble se dissiper. La coalition au pouvoir en RD Congo a remis en cause les principes fondamentaux de l’accord, qui jette les bases des élections, alors que la répression politique et les atteintes aux droits humains à grande échelle se poursuivent sans relâche, a déploré Human Rights Watch.

« Des mesures internationales plus fermes et un engagement de haut niveau sont nécessaires pour empêcher la situation en RD Congo d’échapper à tout contrôle », a déclaré Ida Sawyer. « Le Conseil de sécurité de l’ONU devrait aussi imposer de nouvelles sanctions ciblant les personnes les plus responsables d’abus, tandis que l’Union africaine et les dirigeants régionaux devraient exercer des pressions sur le gouvernement de Kabila pour qu’il mette fin aux abus et organise d’urgence des élections crédibles. »

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Profil de l’individu sanctionné par les États-Unis le 1er juin 2017

François Olenga

Depuis 2014, François Olenga est le chef de la « Maison militaire » du président Joseph Kabila, qui exerce un contrôle opérationnel sur la Garde républicaine, une force composée de 12 000 hommes dont la principale tâche est d'assurer la protection du président. Aux termes de la loi congolaise, la Garde républicaine n'a aucune responsabilité dans le domaine du maintien de l'ordre public, mais ses membres ont été impliqués à plusieurs reprises dans la répression violente de manifestations politiques pacifiques.

Lors de manifestations à Kinshasa en janvier 2015, les forces de sécurité ont tué par balles au moins 38 personnes. Des membres de la Garde républicaine étaient parmi les éléments qui ont tiré à balles réelles sur les rassemblements de manifestants. Les gardes républicains ont également tiré sans discernement dans l'enceinte d'un hôpital, blessant gravement trois personnes. Human Rights Watch a également documenté plusieurs cas dans lesquels des membres de la Garde républicaine ont emporté les cadavres de personnes abattues, dans une tentative apparente de faire disparaître les preuves de ces meurtres.

Des membres de la Garde républicaine affectés au groupe de protection rapprochée du président – dont certaines unités de la Garde républicaine déployées en uniforme de la police – se sont rendus responsables de nombreux abus lors des manifestations de septembre 2016 à Kinshasa. Des membres de la Garde républicaine ont tiré sur les manifestants et ont attaqué et incendié le quartier général du parti d'opposition, causant la mort de plusieurs personnes qui ont été brûlées vives. Des membres des forces de sécurité ont affirmé à Human Rights Watch que l'ordre avait été donné de « réprimer » ou d'« écraser » les manifestations. Les membres de la Garde républicaine déployés à Kinshasa pendant la semaine du 19 septembre auraient reçu de l'argent en prime le 16 septembre, afin d'être motivés pour donner une réponse ferme lors des manifestations, a affirmé un membre des forces de sécurité à Human Rights Watch.

En 2002, les Nations Unies ont accusé Olenga d'avoir utilisé les profits tirés de l'extraction de diamants pour acheter des armes pour l'armée congolaise. Olenga a été activement impliqué dans l'importation d'armes destinées aux forces de sécurité au cours des dernières années, selon plusieurs responsables du secteur de la sécurité interrogés par Human Rights Watch.

Olenga est d'autre part le propriétaire du site balnéaire bien connu de Safari Beach, non loin de Kinshasa.

Les États-Unis ont imposé des sanctions à l’encontre d’Olenga et au Safari Beach le 1er juin 2017.

Profils des 9 personnes sanctionnées par l’UE le 29 mai 2017

Kalev Mutondo

Dans son rôle d’administrateur général de l’Agence nationale de renseignements (ANR), Kalev Mutondo a été l’un des principaux architectes des efforts du gouvernement visant à réprimer la contestation politique. Human Rights Watch a interviewé plus d’une dizaine de responsables gouvernementaux, membres de la coalition de la majorité de Kabila, et responsables des forces de sécurité au cours des deux dernières années sur le rôle de Mutondo.

L’agence de renseignements dirigée par Mutondo a arbitrairement arrêté des dizaines de jeunes activistes défenseurs des droits humains et pro-démocratie et de leaders de l’opposition, dont beaucoup ont été détenus au secret pendant des semaines ou des mois, sans inculpation et sans accès à leur famille ou à un avocat. Certains ont été jugés sur la base d’accusations forgées de toutes pièces ; Mutondo aurait aussi joué un rôle dans l’intimidation de juges, et dicté des verdicts.

Certaines des personnes détenues par l’agence de renseignements à l’occasion de la répression du gouvernement ont été malmenées ou torturées, notamment à l’aide de chocs électriques et d’une forme de quasi-noyade. Ses agents ont aussi à maintes reprises intimidé, menacé et harcelé des activistes, journalistes et chefs ou partisans de l’opposition, apparemment dans le cadre d’une campagne plus large visant à répandre la peur et à réduire leurs activités.

Avant une manifestation de l’opposition à Kinshasa en septembre 2015, Mutondo fut au nombre de plusieurs responsables des services de sécurité et du parti au pouvoir qui ont engagé des hommes pour agresser des manifestants pacifiques. Armés de gourdins et de bâtons en bois, les assaillants ont frappé les manifestants, répandant peur et chaos parmi une foule de milliers de personnes. Plusieurs de ces recrues ont déclaré à Human Rights Watch qu’elles avaient été convoquées à une réunion avec des responsables organisée dans un camp militaire de Kinshasa la veille au soir, été payées environ 65 USD chacune, et reçu des directives pour mener l’attaque.

Plusieurs hauts responsables du gouvernement et des forces de sécurité ont indiqué à Human Rights Watch que Mutondo était le principal officiel à l’origine de l’interdiction de travailler en RD Congo de la chercheuse senior de Human Rights Watch, Ida Sawyer, d’abord en août 2016 puis à nouveau en janvier 2017.

Mutondo a été sanctionné par les États-Unis le 12 décembre 2016 et par l’Union européenne le 29 mai 2017.

Lambert Mende

En tant que ministre des Communications et des Médias et porte-parole du gouvernement, Lambert Mende a été le visage public de la politique répressive du gouvernement à l’encontre des mouvements citoyens pro-démocratie, des organisations de défense des droits humains et de l’opposition politique. Mende figurerait aussi parmi les responsables de la répression des médias, à l’origine de l’arrestation de journalistes et de la fermeture de médias.

Le porte-parole du gouvernement, Lambert Mende, s'adresse aux médias à Kinshasa, en République démocratique du Congo, le 31 décembre 2016.  © 2016 Reuters

En janvier 2015, les autorités ont fait fermer toutes les communications par Internet et par SMS à Kinshasa et ailleurs après que les manifestations politiques ont éclaté dans le pays. Les forces de sécurité ont tué au moins 43 personnes pendant ces manifestations.

Le 18 mars 2015, Mende a publiquement déclaré que les leaders du mouvement pro-démocratie Filimbi préparaient des « activités terroristes » et une « insurrection violente ». Une commission parlementaire a plus tard conclu qu’il n’y avait pas de preuves pour soutenir ces allégations.

Le 20 janvier 2016, Mende a ordonné la fermeture de Nyota Radio Télévision et Télévision Mapendo, deux chaînes de télévision détenues par le leader d’opposition Moïse Katumbi, au motif qu’elles n’avaient pas respecté leurs obligations fiscales. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la communication (CSAC), organisme d’État chargé de réguler les médias, a indiqué que les taxes avaient été payées et a appelé à la réouverture des chaînes. Les deux chaînes sont toujours fermées.

Le 5 novembre 2016, préalablement à des réunions publiques prévues dans des villes à travers la RD Congo, les autorités ont coupé le signal de Radio France Internationale (RFI) à Kinshasa et à Lubumbashi, dans le sud du pays, et ont brouillé le signal de Radio Okapi, soutenue par les Nations Unies. Le signal d’Okapi a été bloqué pendant plusieurs jours dans certaines parties de Kinshasa avant d’être à nouveau autorisé sur les ondes. RFI a été à nouveau autorisée sur les ondes à Lubumbashi, mais elle est actuellement coupée à Kinshasa depuis près de sept mois. En brouillant les signaux des deux principales stations de radio en RD Congo, les autorités ont bloqué l’accès de millions de personnes à des informations indépendantes et dignes de foi. Mende a cherché à justifier la décision en affirmant que RFI était devenue la caisse de résonance et l’attaché de presse de l’opposition.

Dans une tentative manifeste d’entraver le travail des observateurs indépendants pour documenter la répression par le gouvernement pendant les manifestations à Kinshasa le 19 septembre 2016, les forces de sécurité ont arrêté au moins huit journalistes congolais et internationaux, dont une journaliste de RFI, un photographe de l’Agence France-Presse et deux journalistes de TV5. Ils ont tous été libérés avant la fin de la journée.

Avant les manifestations prévues dans le pays en décembre 2016, les autorités ont bloqué plusieurs médias au matin du 19 décembre. Elles ont aussi ordonné aux sociétés de télécommunications internationales de fermer ou bloquer l’accès aux réseaux sociaux, notamment pour empêcher le partage de photos et de vidéos, y compris un appel vidéo sur YouTube lancé par feu Étienne Tshisekedi, alors leader de l’opposition, pour cesser de reconnaître l’autorité du président, son mandat s’étant officiellement terminé.

Les forces de sécurité ont aussi arrêté ou interdit d’accès six journalistes internationaux et congolais qui couvraient les manifestations à Kinshasa, Mbuji-Mayi et Goma entre le 19 et le 22 décembre, et ont expulsé cinq journalistes belges le 16 décembre.

D’après Reporters Sans Frontières, les autorités ont persécuté au moins 63 journalistes depuis janvier 2016. Le 7 novembre, par exemple, des agents des services de renseignements ont arrêté le directeur général de la station de radiotélévision Manika et un de ses collègues à Kolwezi, dans la province du Lualaba, après qu’il ait diffusé une interview avec le leader d’opposition Katumbi, dont l’équipe de football, le Tout Puissant Mazembe, avait remporté un match la veille. Les deux journalistes ont été libérés le lendemain.

Au moins cinq médias congolais proches de l’opposition sont toujours censurés, à l’heure de la rédaction de ces lignes.

La ligue des jeunes du parti politique de Mende, la Convention des Congolais unis (CCU), aurait aussi été impliquée dans des abus. Ces jeunes ont été recrutés en même temps que les membres de la ligue des jeunes du Parti du Peuple pour la Reconstruction et la Démocratie (PPRD) dans le but de perturber les manifestations en septembre 2016, d’après les membres des ligues de jeunes interrogés par Human Rights Watch. Le président de la ligue de jeunes du parti de Mende a aussi violemment pris à parti l’ancien envoyé spécial des États-Unis, Tom Perriello, sur le tarmac de l’aéroport de Ndjili à Kinshasa en septembre 2016.

À plusieurs reprises, Mende a répandu de fausses informations lors de ses déclarations et a fait obstruction aux efforts réalisés en faveur d’enquêtes indépendantes. Cela a été le cas pour les meurtres récents de deux des experts de l’ONU et la disparition de leurs collègues congolais. Mende a indiqué aux médias le 28 mars que le corps de l’interprète de l’équipe de l’ONU avait été retrouvé dans la fosse qui contenait les deux experts de l’ONU, même si l’ONU a déclaré que les Casques bleus n’avaient trouvé que deux corps dans la fosse. Cette fausse déclaration a créé des confusions et a été souvent relayée sur les canaux d’information nationaux et internationaux. Le 14 avril, le procureur militaire de la RD Congo a confirmé que seuls les deux corps des experts de l’ONU avaient été retrouvés. Le 7 avril, Mende a affirmé qu’Ida Sawyer de Human Rights Watch était impliquée dans la mort des experts, une accusation infondée.

L’UE a imposé des sanctions à l’encontre de Mende le 29 mai 2017.

Évariste Boshab

En tant que vice-Premier ministre en charge de l’Intérieur et de la Sécurité de décembre 2014 à décembre 2016, Évariste Boshab a joué un rôle de commandement important dans la répression gouvernementale. Il était officiellement en charge des services de police et de sécurité et de la coordination du travail des gouverneurs provinciaux. Ces entités ont à maintes reprises interdit ou réprimé les manifestations de l’oppositionemprisonné des activistes et des opposants, fermé des médias, et entravé la liberté de mouvement de dirigeants de l’opposition.

Évariste Boshab. © Radio Okapi/Ph. Innocent Olenga Lumbahee

Avant les manifestations du 19 septembre 2016 à Kinshasa, Boshab a signé un communiqué présenté à la télévision nationale annonçant l’interdiction de toutes les manifestations et que quiconque sortirait « serait confronté aux rigueurs de la loi et que la police ferait son travail. » De nombreuses personnes ont interprété ceci comme un feu vert accordé aux forces de sécurité pour réprimer les manifestants.

Après la répression des manifestations à Kinshasa en janvier 2015 et en septembre 2016, le cabinet de Boshab a envoyé des policiers autour de la morgue principale et donné l’ordre aux employés de la morgue de ne donner aucun renseignement aux journalistes ou aux défenseurs des droits humains sur les corps des victimes tuées au cours de manifestations, ont déclaré des témoins.

Boshab a aussi été impliqué dans des tentatives visant à empêcher des organisations de droits humains et des mouvements pro-démocratie internationaux et congolais d’agir librement en RD Congo. Le 3 novembre, Boshab a donné l’ordre aux 26 gouverneurs d’interdire aux mouvements citoyens Filimbi et LUCHA de mener des activités sous le prétexte que ces groupes n’étaient pas légalement enregistrés. Cela va à l’encontre de la législation congolaise, qui n’exige pas des citoyens d’enregistrer leur organisation pour tenir une réunion pacifique.

Compte tenu de sa responsabilité à l’égard des affaires coutumières en RD Congo en sa qualité de ministre de l’Intérieur, Boshab aurait joué un rôle clé dans l’intensification des différends concernant le contrôle des chefferies locales dans la région du Kasaï dans le centre de la RD Congo. Sa décision unilatérale de nommer des dizaines de nouveaux chefs coutumiers dans la région à la fin de l’année 2016 a aggravé une situation déjà tendue et a contribué à nourrir la récente vague de violences, selon des activistes locaux. Près de vingt chefs coutumiers ont été décapités dans le Kasaï-central ces derniers mois, d’après les informations de médias congolais. L’ONU a rapporté que plus de 1,3 million de personnes ont été déplacées de leurs foyers et qu’au moins entre 500 et 1000 personnes ont été tuées dans la région depuis août 2016. La plupart auraient été tuées par des forces de sécurité congolaises.

Boshab a été sanctionné par les États-Unis le 12 décembre 2016 et par l’Union européenne le 29 mai 2017.

Ramazani Shadari

En sa qualité de vice-Premier ministre et ministre de l’Intérieur et de la Sécurité depuis la fin du mois de décembre 2016, Ramazani Shadari est officiellement en charge des services de police et de sécurité et de la coordination du travail des gouverneurs provinciaux. À ce titre, il est en partie responsable de l’échec du gouvernement à faire cesser l’usage d’une force excessive par l’armée et la police dans la région du Kasaï et d’une tentative apparente pour dissimuler ou bloquer les enquêtes indépendantes sur plus de 42 fosses communes qui ont été récemment signalées. Il est aussi responsable des récentes arrestations d’activistes, de leaders et de partisans de l’opposition depuis qu’il est devenu ministre. Shadari a aussi une part de responsabilité dans la répression violente à l’encontre des membres du mouvement Bundu dia Mayala dans la province du Kongo Central et à Kinshasa en janvier et en février 2017, au cours de laquelle 20 personnes ont été tuées par les forces de sécurité, d’après les recherches de Human Rights Watch.

Étant l’un des principaux leaders du parti politique de Kabila, le PPRD, Shadari est aussi l’un des architectes du « glissement », à savoir de la prolongation de la présidence de Kabila au-delà de la limite des deux mandats permis par la constitution. Il a fait de nombreuses déclarations en 2015 et en 2016 pour expliquer que les élections n’auraient pas lieu avant la fin de l’année 2016 et pour soutenir un référendum sur la constitution afin de permettre à Kabila de rester au pouvoir.

L’UE a imposé des sanctions à l’encontre de Shadari le 29 mai 2017.

Kyungu Mutanga, surnommé Gédéon

De 2002 à 2006, Gédéon a dirigé une milice qui a commis de nombreuses atrocités dans un secteur central du Katanga qui allait bientôt être appelé le « triangle de la mort ». Alors que le groupe de Gédéon se battait contre l’armée congolaise et terrorisait les civils locaux qu’il prétendait au départ défendre, des centaines de personnes ont été tuées et environ 150 000 civils ont été forcés de fuir leurs foyers. Dans certains cas, les combattants de Gédéon ont publiquement torturé des victimes avant de les tuer ou de se livrer à du cannibalisme.

En 2006, Gédéon s’est rendu avec environ 150 combattants, la plupart étant des enfants soldats. Le gouvernement l’a jugé pour crimes contre l’humanité lors d’un procès marquant pour la justice congolaise. En mars 2009, il a été déclaré coupable et condamné à mort. Gédéon s’est échappé de prison en 2011. Il a continué à diriger un groupe armé qui a perpétré des abus graves dans le centre du Katanga pendant plusieurs années.

En octobre 2016, Gédéon s’est rendu à nouveau avec environ 100 de ses combattants. Au lieu de l’arrêter, les responsables locaux dans la capitale provinciale de Lubumbashi lui ont réservé un accueil festif. Gédéon portait un pull avec une photo du président Kabila et le slogan « Shikata », qui signifie « restez longtemps ».

Vêtu d’un pull vert orné d'une photo du président Kabila, le chef de guerre Gédéon Kyungu Mutanga se rend aux autorités dans le sud de la République démocratique du Congo, avec une centaine de ses combattants, le 11 octobre 2016. © 2016 MONUSCO

D’après la déclaration de l’UE citant Gédéon et les dires d’un officier des forces de sécurité interrogé par Human Rights Watch, les combattants de Gédéon ont, plus récemment, été impliqués dans des violations des droits humains dans la région du Kasaï et ont apporté leur soutien aux forces gouvernementales responsables d’atteintes aux droits humains.

L’UE a imposé des sanctions à l’encontre de Gédéon le 29 mai 2017.

Gén. de brigade Muhindo Akili Mundos

Le Gén. de brigade Muhindo Akili Mundos était le commandant de l’armée congolaise en charge des opérations militaires contre les Allied Democratic Forces (ADF), un groupe armé ougandais responsable d’abus graves dans l’est de la RD Congo, entre août 2014 et juin 2015. Le groupe d’experts de l’ONU a constaté qu’il avait recruté des combattants des ADF, d’anciens combattants des groupes armés locaux dénommés Mai Mai, et d’autres pour constituer un nouveau groupe armé. Ce groupe a été impliqué dans certains des massacres perpétrés dans le territoire de Beni qui ont commencé en octobre 2014, ont expliqué les experts.

L’UE a imposé des sanctions à l’encontre de Mundos le 29 mai 2017.

Gén. de brigade Éric Ruhorimbere

En tant que commandant adjoint de la 21e région militaire basée à Mbuji-Mayi depuis septembre 2014, le Gén. de brigade Eric Ruhorimbere s’est rendu responsable du recours à une force excessive et d’exécutions extrajudiciaires perpétrés par les soldats de l’armée congolaise dans la région du Kasaï au cours des derniers mois, a indiqué la liste de l’UE. Ruhorimbere est un ancien membre du Congrès National pour la Défense du Peuple (CNDP), un groupe armé soutenu par le Rwanda responsable d’abus généralisés dans l’est de la RD Congo entre 2006 et 2008.

L’UE a imposé des sanctions à l’encontre de Ruhorimbere le 29 mai 2017.

Jean-Claude Kazembe Musonda

En tant que gouverneur de la province du Haut-Katanga depuis mars 2016, Jean-Claude Kazembe a été responsable de la répression contre l’opposition politique et les défenseurs des droits humains dans la capitale de la province, Lubumbashi. Les forces de sécurité ont fait usage d’une force excessive contre les manifestants politiques et ont arrêté arbitrairement des leaders et des partisans de l’opposition ainsi que des activistes. Des leaders de l’opposition, dont Moïse Katumbi et Gabriel Kyungu, ont fait l’objet de procédures judiciaires motivées par des raisons politiques. Kazembe a aussi imposé une interdiction de fait systématique de toutes les manifestations politiques de l’opposition dans le Haut-Katanga en septembre 2015, puis à nouveau en septembre 2016 – une mesure qui est toujours en place depuis. Kazembe a également participé à la cérémonie d’accueil de Gédéon lors de sa reddition en octobre 2016.

Kazembe a été déchu de son poste de gouverneur à l’issue d'un vote à l’unanimité d’une motion de censure de l'Assemblée provinciale du Haut-Katanga le 18 avril 2017. La Cour constitutionnelle a toutefois annulé cette décision le 26 mai.

L’UE a imposé des sanctions à l’encontre de Kazembe le 29 mai 2017.

Alex Kande Mupompa

En tant que gouverneur de la province du Kasaï-central depuis février 2013, Alex Kande a une part de responsabilité pour l’usage d’une force excessive par les forces de sécurité et pour les exécutions sommaires de membres et de partisans supposés de la milice Kamuina Nsapu. Depuis que des violences à grande échelle ont éclaté dans la région du Kasaï en août 2016, au moins entre 500 et 1000 personnes ont été tuées, d’après l’ONU. On pense que la plupart ont été tuées par des forces gouvernementales. Kande avait précédemment refusé de reconnaître la nomination de Jean-Pierre Mpandi en tant que nouveau chef traditionnel pour la chefferie de Bajila Kasanga, ce qui a contribué à déclencher les violences dans la région du Kasaï.

L’UE a imposé des sanctions à l’encontre de Kande le 29 mai 2017.

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