Cartographie des centres d’hébergement en Tunisie
Si la Loi 58 relative à l’élimination de la violence à l’égard des femmes, adoptée par la Tunisie en 2017, a garanti le droit des survivantes à un hébergement dans des centres spécialisés, elle n’a ni introduit de mécanisme de financement, ni de stratégie visant à garantir la mise en place d’un nombre suffisant de centres pour couvrir l’ensemble des besoins.
En décembre 2022, 10 centres d’hébergement au total étaient opérationnels, avec une capacité totale d’accueil d’environ 186 femmes. Le ministère de la Femme prévoit de soutenir l’ouverture de centres supplémentaires afin de garantir qu’au moins un centre d’hébergement soit opérationnel dans chacun des 24 gouvernorats tunisiens d’ici fin 2024. Toutefois, ces efforts demeureront en deçà des normes internationales en matière de capacité d’accueil. Le Manuel des Nations Unies de législation sur la violence à l’égard des femmes recommande de disposer d’une place en centre d’hébergement pour 10 000 habitants. Cela signifie que la Tunisie devrait avoir une capacité d’accueil de 1 090 femmes.
La Tunisie devrait également faire des efforts supplémentaires pour s’assurer que toutes les femmes soient informées de l’existence de centres d’hébergement et de leur mission, car Human Rights Watch a constaté que beaucoup d’entre elles n’en ont aucune connaissance. D’autre part, et comme ailleurs dans la région, la stigmatisation des femmes vivant seules ou les humiliations qu’elles subissent quand elles quittent leur famille peuvent dissuader les survivantes de se réfugier dans un centre. Au moment de la rédaction de ce rapport, aucune campagne nationale n’avait été menée pour normaliser le recours des survivantes aux centres d’hébergement.
De même, la Tunisie devrait veiller à ce que ces centres offrent aux survivantes l’assistance nécessaire pour leur permettre de s’affranchir efficacement des situations de violence dans lesquelles elles se trouvent. Bien que la Loi 58 prévoie des mesures pour l’intégration et le logement des survivantes ainsi que leurs enfants, dans la pratique, les services de soutien proposés par les centres d’hébergement répondent rarement aux besoins économiques qui leur permettraient de vivre indépendamment de leurs agresseurs, en particulier pour les mères parmi elles. Davantage de moyens et une collaboration intersectorielle, entre les ministères de l’Emploi et des Affaires sociales, par exemple, sont nécessaires afin que les centres d’hébergement puissent transformer la vie des survivantes.
Cette cartographie a été préparée avec l’aide du Réseau tunisien des centres d'écoute et d'hébergement.