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Philippines : Duterte arrêté suite au mandat d’arrêt de la CPI

L'ex-président est accusé de crimes contre l'humanité dans le cadre de sa « guerre contre la drogue » qui fut entachée d’abus

Un avion transportant l'ancien président Rodrigo Duterte vers La Haye décolle de Manille, aux Philippines, le 11 mars 2025.  © 2025 Aaron Favila/AP Photo

(Manille, le 12 mars 2025) – L'arrestation de l'ex-président des Philippines, Rodrigo Duterte, et son transfert à la Cour pénale internationale (CPI) à La Haye constituent un pas historique vers la justice, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui.

Le 11 mars, les autorités philippines, donnant suite à un mandat d'arrêt émis par la CPI et transmis à Interpol, ont arrêté Duterte à Manille. La CPI a requis son arrestation pour crimes contre l'humanité, liés aux exécutions extrajudiciaires présumées survenues entre 2011 et 2019. Le président Ferdinand Marcos Jr. a confirmé qu'un avion transportant Duterte à La Haye avait quitté l'aéroport international Ninoy Aquino de Manille à 23h03, le 11 mars.

« L'arrestation et le transfert à La Haye de l'ex-président Duterte constituent une victoire attendue depuis longtemps contre l'impunité aux Philippines, et un pas en avant dans la quête de justice pour les victimes et leurs familles », a déclaré Bryony Lau, directrice adjointe de la division Asie à Human Rights Watch. « Cet événement historique envoie un message clair aux auteurs de violations des droits humains partout dans le monde : un jour, ils pourraient aussi être tenus responsables de leurs actes. »

Le mandat d’arrêt contre Duterte contient des allégations d’exécutions extrajudiciaires commises durant son mandat en tant que maire de Davao, puis dans le cadre de la brutale « guerre contre la drogue » menée à l’échelle nationale après son accession à la présidence en 2016.

Selon les statistiques officielles de la police, plus de 6 000 Philippins – principalement des personnes défavorisées vivant dans des zones urbaines – ont été tués dans le cadre de cette « guerre contre la drogue ». Toutefois, des organisations philippines de défense des droits humains affirment que le chiffre réel est nettement plus élevé, évoquant plus de 30 000 victimes. De nombreux enfants figuraient parmi les victimes, ou ont subi les conséquences néfastes de la campagne antidrogue de Duterte.

Des agents de la police nationale philippine ont perquisitionné des domiciles la nuit sans présenter de mandat, arrêtant puis exécutant des suspects, et fabriquant fréquemment des preuves pour justifier leurs actes. Parmi les milliers d'affaires, seul un très petit nombre ont fait l'objet d'enquêtes ou de poursuites ; seules quatre affaires ont abouti à des condamnations, toutes concernant des policiers subalternes accusés d’avoir commis des exécutions extrajudiciaires.

La violence généralisée a incité le Bureau du Procureur de la CPI à ouvrir un examen préliminaire de la situation aux Philippines, ce qui a conduit le président Duterte à retirer ce pays du traité fondateur de la CPI, le Statut de Rome, en mars 2018. Ce retrait est entré en vigueur un an plus tard. En vertu du Statut de Rome, la CPI conserve toutefois sa compétence sur les crimes commis avant ce retrait. L'ancienne Procureure de la CPI, Fatou Bensouda, a annoncé l'ouverture d'une enquête officielle en 2021.

Ces dernières années, le gouvernement philippin a modifié sa position concernant l'enquête de la CPI. Initialement, l'administration Marcos, entrée en fonction en 2022, avait contesté la compétence de la Cour sur les infractions présumées. Mais après une brouille politique entre les camps Marcos et Duterte en 2024, l'administration Marcos a assoupli son discours sur la CPI et a déclaré en novembre qu'elle collaborerait avec Interpol, l'organisation internationale de police criminelle, si un mandat d'arrêt visant Duterte était émis.

Alors que la CPI est attaquée par certains gouvernements, comme l’illustre la récente décision du président américain Donald Trump d’infliger des sanctions à son Procureur, l'arrestation de Rodrigo Duterte et son transfert à La Haye confirment la pertinence de la Cour ; ceci montre son importance pour garantir que les auteurs de crimes graves soient tenus de rendre des comptes, a déclaré Human Rights Watch.

Le président Marcos devrait désormais prendre des mesures supplémentaires pour lutter contre les violations persistantes des droits humains aux Philippines, comme les récentes exécutions extrajudiciaires et attaques contre des activistes et des organisations de la société civile. Le gouvernement philippin devrait aussi redevenir un pays membre de la CPI, une démarche soutenue par un nombre croissant de Philippins.

« Le président Marcos a fait un premier pas vers la fin de l'impunité qui règne depuis longtemps pour les meurtres liés aux affaires de drogue aux Philippines », a conclu Bryony Lau. « Il devrait aller encore plus loin, en annulant les décrets de Duterte qui ont déclenché la “guerre antidrogue”, et en donnant la priorité à des réformes en profondeur de la police philippine. »

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