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UE/Turquie : L'accord sur les reconduites massives à la frontière menace les droits humains

Son application serait dommageable aux réfugiés et remettrait en cause les principes de l'UE

Une famille de réfugiés syriens photographiée au bord d’une route près de la ville côtière de Didim, siutee dans l’ouest de la Turquie face à la mer Égée, le 9 mars 2016. © 2016 Reuters

(Bruxelles, le 15 mars 2016) – Le projet d'accord entre l'Union européenne (UE) et la Turquie, annoncé le 8 mars 2016, dénote « un mépris inquiétant pour le droit international régissant les droits des réfugiés, des demandeurs d'asile et des migrants », a déclaré le Directeur exécutif de Human Rights Watch, Kenneth Roth, dans un courrier adressé aux chefs d'État de l'UE. Kenneth Roth a exhorté les dirigeants européens à rejeter les nouveaux éléments du Plan d'action commun UE-Turquie lors du Conseil européen des 17 et 18 mars.

Ce plan d'action commun vise à contenir les flux de migrants et de réfugiés de Turquie vers la Grèce en instituant un mécanisme de reconduite massive et rapide à la frontière de tous les « migrants en situation irrégulière » rejoignant les îles grecques en bateau en provenance de Turquie. Le plan prévoit aussi de renvoyer en Turquie les Syriens arrivés illégalement, avec la promesse que pour chaque Syrien repris par la Turquie, un État membre de l'UE accepterait d'accueillir et réinstaller un autre réfugié syrien venu de Turquie. L'accord de principe prévoit enfin un engagement de la part de l'UE de coopérer avec la Turquie dans un effort visant à créer de prétendues « zones de sécurité » en Syrie.



Human Rights Watch a soulevé des objections à chacun de ces trois points.

Tout d'abord, Kenneth Roth a relevé l'existence d'une « contradiction au cœur de ce plan » entre des reconduites massives et rapides – c'est-à-dire des expulsions collectives, qui sont interdites par la Convention européenne des droits de l'homme – et la nécessité de déterminer auparavant si une personne qu'on s'apprête à renvoyer a besoin ou non d'une protection internationale. « Le droit européen ainsi que le droit international relatif aux réfugiés requièrent que chaque demande de statut de réfugié ou de protection subsidiaire soit attentivement étudiée, et qu’aucune personne ayant effectivement besoin de protection ne soit renvoyée de force »., déclare Kenneth Roth dans sa lettre, envoyée le 14 mars.

Deuxièmement, l'idée d'échanger un réfugié en provenance de Turquie devant être réinstallé dans un pays de l'UE contre chaque demandeur d'asile syrien reconduit de Grèce vers la Turquie soulève des préoccupations. « Nous soutenons l’idée d’une forte augmentation de la réinstallation des réfugiés à partir de la Turquie et d’autres États frontaliers, et partage l’espoir que cette possibilité convaincra les réfugiés syriens qu’ils peuvent résider en sécurité et dans des conditions dignes en Turquie et dans d’autres pays de premier asile, en attente d’une solution durable à leur situation désespérée », a affirmé Kenneth Roth. « Cependant, nous mettons en garde contre toute suggestion de conditionnalité entre la réinstallation des réfugiés et le renvoi forcé de demandeurs d’asile. La réinstallation peut s’avérer un complément très utile à l’asile mais ne doit jamais se substituer au droit d’asile. »

Troisièmement, la proposition de l'UE de « collaborer avec la Turquie dans le cadre de tout effort visant à améliorer les conditions humanitaires à l'intérieur de la Syrie et qui permettrait à la population locale et aux réfugiés de vivre dans des zones plus sûres » est dangereuse, a déclaré Human Rights Watch. « Le contexte plus large de cet accord – endiguer les flux migratoires vers l’Europe – indique clairement que cet effort commun n’a pas pour but véritable de protéger les populations civiles syriennes des dangers du conflit, mais plutôt de contenir le flux des populations déplacées », a déclaré Kenneth Roth. « Il risque de s’avérer un piège mortel plutôt qu’un lieu de refuge. »

Human Rights Watch a également mis l'accent sur la détérioration de la situation en matière de droits humains en Turquie. Kenneth Roth a souligné que Human Rights Watch était « profondément préoccupé par le fait que, dans le but de sécuriser le Plan d’action commun pour endiguer le flux de réfugiés et de migrants, l’UE soit prête à détourner le regard alors que le président turc est en train de réprimer les droits humains et de démanteler le cadre démocratique de la Turquie. »

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