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Thaïlande : Des réfugiés vietnamiens menacés par Hanoï

La collaboration des autorités thaïlandaises avec la police vietnamienne facilite les menaces et les abus

Des policiers vietnamiens venus en Thaïlande interrogeaient un homme vietnamien ayant cherché refuge dans ce pays, le 14 mars 2024.  © 2024 Privé
  • La coopération accrue entre les autorités thaïlandaises et vietnamiennes expose les réfugiés et demandeurs d'asile vietnamiens en Thaïlande à un risque accru de retour forcé vers leur pays. Le Vietnam et la Thaïlande coopèrent plus étroitement et échangent des informations sur les exilés vietnamiens, en particulier depuis le début de l'année 2024, lorsque les deux pays ont entamé des négociations en vue d'un traité d'extradition.
  • La police thaïlandaise devrait cesser d'arrêter des réfugiés et demandeurs d'asile vietnamiens. Les autorités thaïlandaises devraient cesser de coopérer avec la police vietnamienne qui cherche à renvoyer ces personnes vers leur pays.
  • Les gouvernements étrangers devraient accélérer la réinstallation de réfugiés vietnamiens, et exhorter la Thaïlande à empêcher le Vietnam d'interférer dans les affaires concernant des réfugiés.

(Bangkok) – Le renforcement de la coopération entre les autorités thaïlandaises et vietnamiennes expose les réfugiés et les demandeurs d'asile vietnamiens en Thaïlande à un risque accru de retour forcé au Vietnam, a déclaré aujourd'hui Human Rights Watch. En facilitant les abus transfrontaliers commis par le Vietnam, une forme de répression transnationale, les autorités thaïlandaises violent les protections prévues par le droit international des réfugiés. 

La police thaïlandaise a mené plusieurs opérations à grande échelle en 2025, arrêtant des dizaines de ressortissants vietnamiens, dont beaucoup sont reconnus par les Nations Unies comme réfugiés et demandeurs d'asile. Bon nombre des personnes arrêtées ont déclaré avoir rencontré des fonctionnaires vietnamiens dans des prisons ou des centres de détention pour immigrants, ainsi que lors de réunions d'enregistrement avec les autorités thaïlandaises chargées de l'immigration. 

« Les exilés vietnamiens sont confrontés à une insécurité croissante en Thaïlande », a déclaré John Sifton, directeur du plaidoyer auprès de la division Asie à Human Rights Watch. « Les autorités thaïlandaises devraient immédiatement cesser de détenir des réfugiés vietnamiens, et de coopérer avec la police vietnamienne qui cherche à obtenir leur renvoi vers ce pays. »

Human Rights Watch a mené des entretiens avec 34 réfugiés et demandeurs d'asile vietnamiens à Bangkok entre juillet et octobre 2025, dont sept personnes ayant précédemment milité pour les droits humains au Vietnam, trois proches de prisonniers politiques, ainsi que plus de 20 membres des communautés Montagnard et Hmong qui ont été victimes de persécution au Vietnam en raison de leurs croyances religieuses ou de leur participation à des manifestations. Presque tous ont été reconnus comme réfugiés par l'agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) ou sont enregistrés auprès des Nations Unies en tant que demandeurs d'asile, et attendent un entretien pour déterminer leur statut. 

La plupart des Vietnamiens exilés interrogés ont déclaré que la crainte d'être arrêtés, enlevés ou extradés vers leur pays s'était accrue au cours des deux dernières années, en raison des nombreuses visites d’autorités vietnamiennes dans des centres de rétention de migrants en Thaïlande. Ils ont également cité l'enlèvement, en avril 2023, du journaliste dissident Duong Van Thai, 42 ans, réfugié enregistré auprès du HCR qui avait fui le Vietnam en 2019 et attendait d'être réinstallé dans un pays tiers. Des hommes non identifiés l'ont ramené de force au Vietnam et, fin octobre 2024, après un procès à huis clos d'une journée, un tribunal vietnamien l'a condamné à 12 ans de prison pour avoir publié des informations « visant à s'opposer à la République socialiste du Vietnam ». L'inquiétude des exilés s'est encore accrue après que les autorités thaïlandaises, aidées par des agents de sécurité vietnamiens, ont arrêté le dissident Y Quynh Bdap en juin 2024. Le gouvernement vietnamien a qualifié l’organisation de défense des droits humains qu’il a cofondée, Montagnards Stand for Justice, de groupe « terroriste ».

En 2025, notamment au cours des mois de février, mars, avril, juillet et octobre, la police thaïlandaise a mené plusieurs opérations visant les exilés vietnamiens. Bon nombre des personnes arrêtées sont des Montagnards ou des Hmong originaires des hauts plateaux du centre du Vietnam, dont la plupart sont reconnus par le HCR comme réfugiés ou demandeurs d'asile et dont la demande est en cours de traitement. Plusieurs Montagnards et Hmong détenus entre février et avril ont fait des déclarations concordantes après leur libération, affirmant que des policiers vietnamiens les ayant rencontrés dans des centres thaïlandais les avait pressés d'accepter de retourner au Vietnam, et les avait ensuite harcelés lors de réunions avec des autorités thaïlandaises de l'immigration.

De nombreux réfugiés ont déclaré que la police vietnamienne avait rendu visite à leurs proches au Vietnam au cours de l'année dernière, leur disant qu'elle avait localisé leurs proches en Thaïlande et qu'elle s'apprêtait à les faire revenir.

Plusieurs organisations de défense des droits humains en Thaïlande ont interrogé des détenus et des exilés libérés qui corroborent ces conclusions, et ont envoyé des rapports privés aux responsables de l'ONU contenant des allégations d'abus.

La police thaïlandaise détient régulièrement des individus reconnus comme réfugiés par le HCR, notamment originaires du Vietnam, du Cambodge et du Myanmar, et les maintient en détention jusqu'à ce qu'ils versent une caution ; la plupart des réfugiés et des défenseurs des droits des migrants considèrent de telles sommes comme un pot-de-vin. En juillet dernier, Human Rights Watch a publié un rapport indiquant que la police thaïlandaise arrêtait régulièrement des demandeurs d'asile et des migrants originaires du Myanmar, et leur demandait des pots-de-vin. Un autre rapport de Human Rights Watch a documenté le fait que les autorités thaïlandaises aidaient des gouvernements étrangers à cibler des réfugiés.

Le gouvernement thaïlandais est tenu de respecter le principe de non-refoulement, inscrit dans le droit international, qui interdit aux pays de renvoyer une personne vers un lieu où elle courrait un risque réel de persécution, de torture ou d'autres mauvais traitements graves, d'une menace pour sa vie ou d'autres violations graves des droits humains comparables. Le refoulement est interdit par la Convention des Nations Unies contre la torture, à laquelle la Thaïlande est un État partie, ainsi que par le droit international coutumier. L'interdiction du refoulement est inscrite dans la loi thaïlandaise de 2023 sur la prévention et la répression de la torture et des disparitions forcées.

Le Vietnam et la Thaïlande semblent avoir convenu de coopérer plus étroitement et d'échanger des informations sur les réfugiés vietnamiens, en particulier ceux qui sont en détention, depuis le début de l'année 2024, lorsque les deux pays ont entamé des négociations en vue d'un traité d'extradition. En mai 2025, le Premier ministre vietnamien Pham Minh Chinh et le Premier ministre thaïlandais de l'époque, Paetongtarn Shinawatra, ont signé un accord global dans lequel ils « ont convenu de renforcer la coopération législative et judiciaire et se sont engagés à mettre en œuvre efficacement les accords signés entre les deux pays sur la prévention et la lutte contre la criminalité, le transfert des personnes condamnées et la coopération dans l'exécution des peines pénales ».

En juillet, plusieurs experts des droits humains des Nations Unies ont envoyé des lettres aux gouvernements du Vietnam et de la Thaïlande pour demander des informations sur bon nombre de ces cas. Les experts des Nations Unies ont déclaré qu'« il y a lieu de craindre que le gouvernement vietnamien échange des informations avec le gouvernement thaïlandais afin d'identifier les membres vietnamiens de la communauté Montagnard, en vue de leur rapatriement forcé au Vietnam, y compris ceux qui sont reconnus comme réfugiés par le HCR et dont la réinstallation dans des pays tiers est envisagée ».

Les experts se sont également déclarés alarmés par les incidents signalés de « représailles et d'intimidation » à l'encontre de défenseurs des droits humains en exil en Thaïlande et par les « restrictions excessives » imposées aux organisations de la diaspora, qu'ils ont jugées « destinées à décourager davantage la coopération avec les Nations Unies » et à empêcher les personnes de fournir des informations à l'ONU.

Les pays qui ont déjà réinstallé des réfugiés vietnamiens, tels que l'Australie, le Canada, l'Allemagne et d'autres États européens, devraient envisager d'augmenter leur réinstallation des personnes gravement menacées, a déclaré Human Rights Watch. Les États-Unis ont pratiquement suspendu leurs programmes de réinstallation des réfugiés, y compris pour les réfugiés en Thaïlande.

« La Thaïlande coopère actuellement avec le Vietnam, et se rend complice de sa répression transnationale menée à l'encontre de personnes exilées en Thaïlande », a conclu John Sifton. « Les gouvernements étrangers devraient accélérer la réinstallation de réfugiés qui sont en danger en Thaïlande, et exhorter le gouvernement à empêcher l'ingérence du Vietnam dans les affaires relatives aux réfugiés. »

Suite détaillée en anglais.

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