Le 14 octobre, la presse a révélé que les forces russes ont mené une attaque par drones contre un convoi interagence des Nations Unies qui acheminait de l’aide humanitaire à Bilozerka, dans la région de Kherson, dans le sud de l’Ukraine. Le lendemain, une chaîne Telegram affiliée à l’armée russe a diffusé une vidéo de l’attaque, afin que le monde entier puisse la voir.
Après avoir passé la majeure partie de l'année à enquêter sur des attaques similaires menées par des drones russes dans la région de Kherson, à discuter avec des survivants et à analyser des centaines de vidéos comme celle-ci, tournée à Bilozerka, j'ai à nouveau été choqué mais pas surpris.
L'armée russe utilise ces drones quadricoptères équipés de caméras permettant aux opérateurs de voir leurs cibles en temps réel, pour mener une campagne brutale et dévastatrice dans la région de Kherson. Chaque mois, des centaines de civils sont tués ou blessés : des habitants dans leurs foyers, des agriculteurs en plein travail, des équipes médicales en intervention, ou encore des travailleurs humanitaires tentant de venir en aide aux plus démunis.
Dans son dernier rapport mensuel, la Mission de surveillance des droits de l'homme de l’ONU en Ukraine a signalé que les drones à courte portée, similaires à ceux utilisés lors de l'attaque contre le convoi, demeurent la principale cause de pertes civiles dans les zones proches de la ligne de front. En septembre, ils ont fait 54 morts et 272 blessés.
Moins de 24 heures après l'attaque du convoi humanitaire, une vidéo de 4 minutes filmée par l'un des drones a été diffusée sur des chaînes Telegram affiliées à l'armée russe. On y voit en détail comment des opérateurs russes ont piloté au moins trois drones équipés d'explosifs, frappant deux camions d'aide humanitaire clairement identifiés comme appartenant à l'ONU.
Selon une déclaration du Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU, aucun travailleur n'a été blessé, mais deux des quatre camions ont été endommagés et incendiés.
Les opérateurs russes des drones savaient qu'ils visaient un convoi de l'ONU. Le fait qu'ils aient partagé la vidéo pour que tout le monde puisse la voir indique qu'ils ne pensent pas avoir à en subir les conséquences.
Ils ne devraient pas compter là-dessus. La Cour pénale internationale (CPI), les autorités ukrainiennes et les autorités nationales d'autres pays enquêtent actuellement sur les crimes de guerre et autres atrocités commis en Ukraine. La CPI a émis des mandats d'arrêt contre six hauts responsables russes, dont le président Vladimir Poutine.
Alors que la Russie, les États-Unis et d’autres pays qui craignent que ses dirigeants soient un jour tenus responsables par la Cour tentent d’en saper l’autorité, cette attaque flagrante et illégale devrait rappeler aux gouvernements leur responsabilité de défendre la justice et les institutions qui la garantissent.