« Ils sont venus pour tuer »

Escalade des atrocités en République centrafricaine

Résumé

En septembre 2013, la situation humanitaire et des droits humains en République centrafricaine (RCA) s’est fortement détériorée. Après des mois de violence par les forces de la Séléka (« Alliance »), majoritairement musulmanes, qui avaient renversé le gouvernement du Président François Bozizé en mars dernier, des milices chrétiennes connues sous le nom d’anti-balaka (« anti-machette ») se sont mises à organiser des contre-attaques. Les anti-balaka qui, au départ, sous Bozizé, étaient des groupes d’autodéfense locaux, s’en sont pris aux communautés musulmanes et ont commis de nombreuses exactions.

Les atrocités commises par les anti-balaka ont été particulièrement nombreuses dans la province de l’Ouham, au nord de Bangui, la capitale centrafricaine. Le 6 septembre, des combattants anti-balaka ont lancé des attaques coordonnées contre des communautés musulmanes et isolé les avant-postes de l’ex-Séléka dans les villes commerçantes qui entourent la capitale de la province, Bossangoa. Les forces anti-balaka ont tué plusieurs centaines de résidents musulmans, incendié leurs maisons et volé ou tué leur bétail, précieuse source de revenus et de richesse.

Nombre de ces attaques se sont accompagnées d’une brutalité révoltante : ainsi, une bergère nomade de confession musulmane a raconté à Human Rights Watch avoir dû assister bien malgré elle à l’égorgement de son fils de trois ans, de deux autres garçons de 10 et 14 ans et d’un adulte de sa famille—autrement dit, de tous les musulmans de sexe masculin qui occupaient le campement de bétail— par des combattants anti-balaka. Un homme de 55 ans a expliqué, en larmes, qu’après avoir échappé à ses assaillants anti-balaka, il avait été témoin depuis sa cachette de leurs actions effroyables : les anti-balaka ont égorgé ses deux épouses, ses 10 enfants et un de ses petits-enfants, ainsi que d’autres civils musulmans qu’ils avaient capturés. Certains des survivants ont signalé avoir entendu les combattants anti-balaka dire qu’ils comptaient tuer « tous les musulmans ».

Après avoir essuyé des pertes considérables suite aux attaques des anti-balaka, les forces de l’ex-Séléka présentes dans la province de l’Ouham se sont retirées à Bossangoa. De là, elles se sont vengées sur les habitants chrétiens, tuant un grand nombre d’entre eux et incendiant leurs habitations. Michel Djotodia, chef de la Séléka qui, en août, a officiellement prêté serment pour devenir Président par intérim en attendant les élections de 2015, a annoncé en septembre la dissolution de la Séléka. Cependant, les combattants qui opèrent dans les rangs de ce qui constitue désormais l’« ex-Séléka » poursuivent leur action dans tout le pays et continuent de perpétrer toute une série d’abus.Des anciens combattants de la Séléka ont perpétré de fréquentes attaques contre des fermiers qui travaillaient dans leur champ. Ces massacres semblent avoir bénéficié du soutien des hauts commandants de l’ex-Séléka à Bossangoa. Le 18 novembre, l’actuel commandant ex-Séléka de Bossangoa, le colonel Saleh, en présence de dizaines d’officiers, et notamment du général Yaya, qui était alors son supérieur (et qui, depuis, a péri dans les combats du 5 décembre à Bangui), leur a ordonné de noyer sept fermiers accusés, à tort, d’être des miliciens anti-balaka. Ces fermiers ont été ligotés et jetés vivants dans la rivière Ouham ; trois d’entre eux ont survécu.

Les deux camps ont incendié des dizaines de villages de la province. De vastes étendues de terres ont été tout bonnement abandonnées par crainte des attaques de l’ex-Séléka, et il est possible de rouler pendant des heures autour de Bossangoa sans rencontrer une seule personne qui vive encore chez elle. Quelque 40 000 chrétiens déplacés ont trouvé refuge dans l’église catholique de Bossangoa, tandis que 4 000 musulmans déplacés vivaient à l’autre bout de la ville, triste symbole de la rupture des liens communaux dans le pays.

Début décembre, cette fragmentation est devenue critique : des milices a nti-balaka ont donné la chasse à des forces de l’ex-Séléka issues pour la plupart de Bossangoa et massacré au moins 11 civils musulmans à Boro, quartier musulman de la ville. Le lendemain matin, le commandant de l’ex-Séléka, le colonel Saleh, a regroupé ses combattants pour les emmener près de l’église catholique, d’où ils ont tiré plusieurs salves de fusil lance-grenades en direction du camp surpeuplé et menacé à plusieurs reprises de l’assaillir si les anti-balaka ne quittaient pas Bossangoa. Voulant empêcher un massacre, les soldats de la force africaine de maintien de la paix ont négocié une issue à la crise, obtenu le retrait des anti-balaka et sans doute ainsi permis d’éviter un véritable carnage.

Les derniers massacres, d’une grande cruauté, perpétrés dans à Bossangoa, ne représentent qu’une partie infime de la tragédie bien plus vaste qui frappe la République centrafricaine. Avec un bilan de 400 à 500 morts lors d’affrontements et de massacres similaires commis début décembre à Bangui, il n’y a guère de doute que la République centrafricaine se trouve au bord du précipice, avec un grand risque de voir se multiplier les massacres sectaires. La France a compris combien la situation est devenue critique et a déployé dans le pays des centaines de soldats français supplémentaires pour aider la force africaine de maintien de la paix à protéger les civils, mais peine encore à mobiliser un soutien suffisant pour la création d’une force de stabilisation internationale plus importante sous commandement des Nations Unies.

Faute d’une prise en compte de la situation sécuritaire, il est difficile de trouver une solution à la catastrophe humanitaire majeure en République centrafricaine. Dans ce pays d’une pauvreté extrême qui compte moins de 5 millions d’habitants, quelque 450 000 personnes ont dû fuir leur foyer, dont 170 000 ne serait-ce que dans la province de l’Ouham. Au moins 70 000 sont devenues des réfugiés dans les pays voisins, notamment en République démocratique du Congo et au Cameroun.

Les travailleurs humanitaires présents dans le nord de la République centrafricaine ont eu d’autant plus de mal à apporter un soutien, tel qu’une aide médicale d’urgence, que la violence—qui cible en partie les travailleurs humanitaires— entrave l’apport d’une réponse efficace à la crise. En septembre, des combattants de l’ex-Séléka ont procédé au pillage systématique des centres médicaux des environs de Bossangoa, empêchant ainsi la population de recevoir de précieux soins médicaux. À ce bilan viennent s’ajouter les morts attribuables au paludisme et à d’autres maladies. Les tableaux noirs des écoles laissées à l’abandon dans le nord de la République centrafricaine font encore souvent apparaître une date en mars, dernier jour où les enfants sont venus en classe.

Ce rapport étudie les événements qui se sont déroulés dans la ville de Bossangoa et dans la province de l’Ouham du mois de septembre jusqu’au début du mois de décembre 2013 et qui se sont soldés par la dernière série de massacres. Une équipe de chercheurs de Human Rights Watch a passé deux semaines en République centrafricaine début novembre, et deux autres semaines début décembre, afin d’enquêter sur la violence sectaire meurtrière et violente perpétrée à la fois par les forces de l’ex-Séléka et anti-balaka. Human Rights Watch a ainsi rendu compte de plus de 120 meurtres commis par les anti-balaka et d’au moins 37 par l’ex-Séléka à Bossangoa et dans les environs. Les atrocités perpétrées par les deux camps continuent de s’intensifier et, sans mesures internationales plus énergiques, la situation est fort susceptible de déraper encore davantage.

Recommandations

Au Gouvernement de transition de la République centrafricaine

  • Transmettre aux forces de sécurité des ordres clairs et publics interdisant les attaques de civils, la destruction ou le pillage de biens appartenant à des civils et le meurtre ou le mauvais traitement de toute personne placée en garde à vue, y compris les personnes capturées qui seraient des combattants ou des partisans anti-balaka.
  • Désarmer les combattants de l’ex-Séléka qui ont été relevés de leurs fonctions suite à la dissolution du groupe annoncée en septembre par le Président, et prendre les mesures nécessaires à l’encontre de ceux qui continuent d’opérer dans l’illégalité. Fournir la liste des commandants qui agissent sous l’autorité du gouvernement provisoire.
  • Coopérer pleinement avec les troupes françaises et de l’Union africaine déployées en vertu de la Résolution 2127 du Conseil de sécurité de l’ONU afin de protéger les civils et soutenir publiquement une mission onusienne de maintien de la paix.
  • Faciliter l’accès des agences humanitaires afin qu’elles puissent fournir de la nourriture, des médicaments, des abris et d’autres produits de première nécessité aux populations déplacées et à risque.
  • Protéger tous les civils susceptibles de faire l’objet des attaques des forces de l’ex-Séléka et anti-balaka.
  • À l’issue d’un processus de vérification visant à exclure les responsables d’atteintes aux droits humains, réintégrer les membres de la police, de la gendarmerie et de l’armée régulière après les avoir formés de manière adéquate aux questions relatives aux droits humains. Refuser d’accorder des fonctions gouvernementales aux combattants de l’ex-Séléka dont il s’avérerait qu’ils ont commis de graves atteintes aux droits humains.
  • Enquêter sur, et poursuivre en justice, conformément aux normes internationales de procès équitable, toutes les personnes à propos desquelles certains éléments prouvent que leur responsabilité pénale est engagée pour avoir commis des crimes graves—y compris les personnes assumant la responsabilité du commandement , ne pas avoir empêché ces crimes ou ne pas les avoir fait condamner.
  • Prendre toutes les mesures nécessaires et appropriées pour permettre aux enfants d’âge scolaire de retourner à l’école, et reconstruire et remettre en état les écoles qui ont été affectées par la violence.

Aux forces de l’ex-Séléka et aux forces anti-balaka

  • Cesser immédiatement toutes les attaques visant les civils et les biens ou infrastructures civils, y compris les centres médicaux et les écoles.
  • Remettre leurs armes aux autorités pertinentes.
  • Cesser de recruter et d’utiliser des enfants soldats.
  • Permettre aux agences humanitaires d’apporter une aide aux civils dans tout le pays.

Au Conseil de sécurité des Nations Unies

  • Autoriser le déploiement d’une mission onusienne et multidimensionnelle de maintien de la paix en vertu du Chapitre VII de la Charte de l’ONU en la dotant d’un mandat solide et des moyens nécessaires à la protection des civils, à la promotion du respect des droits humains et à l’instauration d’un climat propice à l’apport d’une aide humanitaire.
  • Imposer un gel de leurs avoirs et une interdiction de voyager aux individus vraisemblablement impliqués dans de graves atteintes aux droits humains.
  • Si le Secrétaire général de l’ONU en fait la demande, autoriser le redéploiement, en cas d’urgence, de troupes et de ressources depuis les missions onusiennes de maintien de la paix opérant dans les pays voisins afin de protéger les civils exposés aux risques les élevés.

Au Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine

  • Veiller à ce que la Mission internationale de soutien à la Centrafrique sous conduite africaine (MISCA) bénéficie du soutien logistique et financier nécessaire pour pouvoir protéger toutes les populations civiles.
  • Envisager le déploiement de troupes en provenance d’autres États membres de l’Union africaine afin de renforcer les capacités de la MISCA.
  • Désarmer les forces anti-balaka et de l’ex-Séléka.
  • Protéger les civils vulnérables dans les villes et les zones rurales.
  • Ouvrir une ligne d’assistance téléphonique permettant aux civils de signaler les atteintes aux droits humains.

Au Procureur de la Cour pénale internationale (CPI)

  • Continuer d’observer activement l’évolution de la situation en République centrafricaine afin de savoir si des délits relevant de la compétence de la CPI sont commis.
  • Rappeler à toutes les parties les domaines de compétence de la CPI et, le cas échéant, diffuser des déclarations publiques qui évaluent la gravité des délits commis en République centrafricaine.

À la France, au Royaume-Uni, à l’Union européenne, aux États-Unis et aux autres gouvernements concernés

  • Appuyer la création d’une mission onusienne de maintien de la paix en vertu du Chapitre VII de la Charte de l’ONU dotée d’un mandat solide et des moyens nécessaires à la protection des civils, à la promotion du respect des droits humains et à l’instauration d’un climat propice à l’apport d’une aide humanitaire.
  • Fournir immédiatement le soutien financier, logistique et technique nécessaire aux agents de l’Union africaine chargés du maintien de la paix, notamment une capacité de transport aérien et des équipements sécuritaires, médicaux et de communication supplémentaires.
  • Accroître le soutien accordé à l’assistance humanitaire afin d’aider les populations à risque, notamment les personnes déplacées et les réfugiés.
  • Soutenir les programmes de protection, de démobilisation et de réhabilitation des enfants soldats, et contribuer aux efforts de reconstruction et de remise en état des écoles.
  • Aider les autorités nationales à rétablir l’état de droit.

Méthodologie

Ce rapport s’appuie sur des travaux de recherche menés sur le terrain en République centrafricaine lors de deux missions d’une durée de deux semaines chacune effectuées en octobre et novembre, puis début décembre 2013, par une équipe de chercheurs de Human Rights Watch, composée également d’un photographe/vidéographe indépendant. L’équipe de recherche a mené des entretiens à Bangui, la capitale du pays ; à Bossangoa, capitale de la province de l’Ouham ; et dans des villes et villages situés dans les environs de Bossangoa, notamment Ndjo, Zéré, Wikamo et Ouham-Bac.

Human Rights Watch s’est entretenu avec plus de 60 témoins et survivants des exactions perpétrées à la fois par les combattants de l’ex-Séléka et anti-balaka. Ces entretiens ont été réalisés en français, en sango ou en arabe, avec l’aide d’interprètes. Aucun des individus interrogés pour les besoins de ce rapport n’a été rémunéré ou influencé de quelque autre manière pour fournir des informations.

Human Rights Watch a également interrogé des chefs religieux chrétiens et musulmans, ainsi que des responsables des milices anti-balaka et de l’ex-Séléka, des agents de la Force multinationale des États d’Afrique centrale (FOMAC) de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale, des agents des Nations Unies, des diplomates, des travailleurs humanitaires et le Président centrafricain par intérim Michel Djotodia.

Étant donné le risque de représailles, les noms de certains témoins, parents et amis des victimes qui se sont adressés à Human Rights Watch ne sont pas divulgués dans ce rapport.


I. Contexte

Le 10 décembre 2012, la Séléka, une alliance de groupes rebelles majoritairement musulmans issus de la région marginalisée du nord-est de la République centrafricaine, a lancé une campagne militaire contre le gouvernement du Président François Bozizé. [1] Le 24 mars 2013, la Séléka s’est emparée du contrôle de Bangui, la capitale, et a renversé Bozizé. Michel Djotodia, l’un des responsables de la Séléka, a suspendu la Constitution et s’est proclamé Président par intérim—fonction que le gouvernement de transition lui a ensuite confiée officiellement. De nouvelles élections nationales devraient avoir lieu début 2015.

La Séléka a affirmé qu’elle amènerait la paix et la sécurité dans ce pays rongé par les conflits mais, sous son autorité, la République centrafricaine a été minée par une violence généralisée et des atteintes aux droits humains. Les forces de la Séléka ont pillé les communautés à travers le pays, tué de nombreuses personnes, violé un grand nombre de femmes et de filles et réduit en cendres des villages entiers. [2] Il est difficile d’établir un bilan précis, et de nombreuses régions de la République centrafricaine sont difficiles d’accès à cause de la violence perpétuelle et du mauvais état des routes.

Bien que le Président Djotodia ait dissous la Séléka en septembre 2013, de nombreux combattants de l’« ex-Séléka » opèrent encore dans tout le pays. [3] Si elle a officiellement été intégrée dans l’armée nationale, l’ex-Séléka continue d’exercer son pouvoir par la violence dans une grande partie du pays et de semer la terreur parmi les populations locales. Elle suscite une opposition croissante parmi des milices majoritairement chrétiennes connues sous le nom d’« anti-balaka »(« anti-machette » en langue sango), lesquelles donnent la riposte aux forces de l’ex-Séléka depuis le mois de septembre.

Au départ, les anti-balaka se présentaient comme des groupes d’autodéfense locaux, mais un nombre croissant de ces groupes s’est mis à cibler des communautés musulmanes entières, affirmant vouloir ainsi venger les exactions de l’ex-Séléka. À l’heure actuelle, la présence des milices anti-balaka, qui ne disposent pas d’une structure de commandement centralisée puissante, se fait surtout sentir dans le nord-ouest de la République centrafricaine , mais le 5 décembre, elles ont lancé de vastes attaques sur Bangui et Bossangoa. Ces groupes comptent parmi eux d’anciens soldats lourdement armés qui ont fait défection des forces armées sous Bozizé, les Forces armées centrafricaines(FACA), notamment des éléments de la garde présidentielle de Bozizé, connue sous le nom de Bérets rouges.

La République centrafricaine compte près de 5 millions d’habitants, dont environ 80 % sont chrétiens. Les musulmans, qui représentent environ 15 % de la population, se concentrent surtout dans l’extrême nord-est du pays. Ailleurs, les musulmans représentent un pourcentage encore plus faible de la population et sont souvent associés à des activités commerciales dans les centres de négoce ainsi qu’à l’élevage de bétail itinérant.

Les musulmans comptent parmi eux des Peuls ethniques, dont beaucoup font du commerce de bétail. Les Mbororo, un sous-groupe des Peuls, sont des nomades musulmans que l’on retrouve dans de nombreux pays d’Afrique de l’Ouest et centrale. Ils continuent de pratiquer le nomadisme pastoral, qui constitue leur mode de vie traditionnel, déplaçant de larges troupeaux d’une zone de pâturage à une autre, même si désormais une grande partie du bétail appartient souvent à des négociants musulmans plutôt qu’aux Mbororo qui en ont la garde. En raison de ce nomadisme pastoral, les Mbororo sont souvent en conflit avec les fermiers sédentaires (majoritairement des Gbaya chrétiens), dont les cultures sont parfois dévorées par le bétail lors de ses déplacements. La tenue vestimentaire et les traits particuliers des Mbororo font qu’ils se reconnaissent facilement, et les nomades Mbororo et les fermiers Gbaya sédentaires sont souvent en conflit, ces deux groupes ayant une vue très partiale les uns des autres.

Le sango et le français sont les langues officielles de la République centrafricaine. De nombreux combattants de la Séléka sont musulmans et arabophones ; ils viennent pour la plupart du nord-est du pays, d’une zone située entre le Tchad et la région soudanaise du Darfour.


II. Abus perpétrés par les anti-balaka contre les communautés musulmanes près de Bossangoa

Après la prise du pouvoir par la coalition rebelle de la Séléka en mars 2013, celle-ci a pu exercer son autorité pendant plusieurs mois sans pratiquement rencontrer d’opposition, lançant de fréquentes attaques mortelles et semant la terreur parmi la population civile. [4] En septembre, des milices anti-balaka ont organisé des attaques simultanées ciblant des postes de l’ex-Séléka isolés et mal gardés situés dans les centres de négoce de la campagne centrafricaine. Dans les environs de la ville de Bossangoa, à 300 kilomètres au nord de Bangui, ces milices ont pris pour cible des communautés musulmanes ainsi que des postes de l’ex-Séléka.

Sur cette même période, les anti-balaka ont attaqué des campements de bétail nomades de la communauté musulmane ethnique des Peuls, faisant parmi eux de nombreux morts et volant au moins 5 000 têtes de bétail, une perte financière et culturelle considérable.

Éric Zalo, chef des forces anti-balaka à Wikamo, a déclaré à Human Rights Watch :

Au départ, nous nous étions organisés pour combattre les coupeurs de route. À Wikamo, nous avons un comité de 8 chefs et 213 combattants. Notre objectif est de combattre la Séléka à cause des abus qu’elle a perpétrés contre la population civile. […] Nous avons nos propres armes artisanales. C’est nous qui les fabriquons, elles fonctionnent avec des cartouches de fusil de chasse. […] Les anti-balaka sont exclusivement chrétiens, et nous voulons libérer la population chrétienne du joug des musulmans. Nous ne sommes pas un groupe rebelle, nous ne combattons que la Séléka et nous protégeons la population. [Nous représentons la jeunesse et] nous nous sommes organisés pour notre propre autodéfense. [5]

Si les anti-balaka se décrivent comme des forces d’autodéfense dont l’objectif est de protéger leurs propres villages, leur comportement et leurs discours sont en réalité souvent violemment antimusulmans et ils ont commis de nombreux massacres de musulmans. Les survivants musulmans de ces massacres ont ainsi fait savoir à Human Rights Watch que les chefs anti-balaka avaient tenu des propos extrémistes pendant les attaques, proclamant notamment qu’ils voulaient tuer tous les musulmans. Bien que la plupart des combattants anti-balaka soient mal armés, ne disposant que de fusils artisanaux, de machettes et de couteaux, certaines des attaques sur lesquelles Human Rights Watch a enquêté avaient aussi impliqué des assaillants en tenue militaire munis de fusils d’assaut de type kalachnikov et d’autres armes automatiques ; il s’agirait vraisemblablement d’anciens membres du personnel militaire de la FACA restés fidèles au Président Bozizé après son évincement, notamment des membres de sa garde présidentielle d’élite.

Human Rights Watch a constaté la présence d’un grand nombre d’enfants soldats dans les rangs des anti-balaka. Un chef anti-balaka a admis à Human Rights Watch que son groupe comptait parmi ses combattants des enfants âgés de seulement 15 ans, mais aucun enfant de moins de 15 ans. Cependant, pendant l’entretien avec ce chef anti-balaka, Human Rights Watch a pu voir des enfants armés qui semblaient avoir moins de 15 ans. [6] Lors d’une visite dans le fief anti-balaka de Bowaye début décembre, Human Rights Watch a constaté la présence parmi les combattants anti-balaka de centaines d’enfants armés, dont un grand nombre avaient manifestement moins de 15 ans.

Le chapitre suivant décrit les abus perpétrés par les anti-balaka aux alentours de Bossangoa.

Zéré

Zéré est un important centre de négoce situé sur l’axe routier Bossangoa-Bouca. On y trouve une communauté de plus de 100 musulmans, qui vivent près de la mosquée, dans le centre-ville. Deux témoins indépendants ont déclaré à Human Rights Watch qu’au moins 56 résidents musulmans, à la fois des commerçants et des éleveurs de bétail Mbororo, ont été tués lors d’une attaque lancée le 6 septembre par des éléments anti-balaka qui ciblait le quartier musulman de la ville. [7]

D’après l’imam de la mosquée, les tensions avaient monté pendant la semaine qui avait précédé l’attaque du 6 septembre lorsque, le 31 août, des membres anti-balaka avaient tué un gardien de troupeau Mbororo à Boubou, village voisin, et refusé de remettre sa dépouille à sa famille. [8] Des combattants de l’ex-Séléka avaient tenté de reprendre le corps du défunt par la force mais, pris en embuscade par les anti-balaka, ils avaient dû se retirer à Zéré, où ils disposaient d’un poste doté de 5 combattants de l’ex-Séléka. [9] La présence des combattants de l’ex-Séléka à Zéré avait provoqué le départ de la plupart des chrétiens, et seuls les résidents musulmans restaient dans la ville. [10]

L’imam a raconté à Human Rights Watch que le matin du 6 septembre, une centaine d’anti-balaka avaient rapidement maîtrisé le poste de l’ex-Séléka, tuant deux combattants de l’ex-Séléka et forçant les trois autres à prendre la fuite. Ceux-ci s’en sont ensuite pris à la communauté musulmane de Zéré :

À 4 heures du matin, nous avons été attaqués par les éléments armés [anti-balaka]. Nous avons entendu les coups de feu, et nous avons d’abord cru que c’était la Séléka qui tirait. Mais nous les avons ensuite entendus crier : « Avancez ! Avancez ! » Nous étions à la mosquée, en train de prier. Nous les avons entendus crier : « Attrapez-les ! Attrapez-les ! » Je les ai vus abattre Abdullahi, un berger Mbororo. Ensuite, ils sont allés chez Abdullahi Jibo—ils l’ont tué, avec sa femme, son fils, sa fille et cinq Mbororo qui vivaient avec eux. Ils sont allés chez le chef de quartier, Bouba Gai, et ils l’ont tué avec son fils Halidou. Ils ont brûlé leurs cadavres et les ont jetés dans une latrine. […] Ils ont pillé nos maisons puis les ont incendiées. Nous avons recensé 57 morts, dont 17 musulmans de la ville ; les autres étaient des Mbororo qui se sont fait tuer dans la brousse avec leur bétail. [11]

L’épouse du chef de quartier tué a confirmé le récit qu’a fait l’imam de cette attaque lors d’un entretien mené séparément par Human Rights Watch :

Il était environ 5 heures du matin lorsqu’ils ont attaqué notre maison. J’étais en train de faire à manger dehors. Les anti-balaka sont venus et ils nous ont attaqués. Ils ont commencé par lacérer mon mari avec leurs machettes, au flanc et au dos, puis ils l’ont égorgé. Après l’avoir tué, ils ont mis le feu à notre maison et ont jeté le corps de mon mari dans les flammes, avec celui de mon fils. Ils ont ordonné à mon fils de 13 ans, Halidou Bouba, de sortir et de s’allonger, et puis ils l’ont coupé deux fois avec une machette et ils l’ont tué. […] Ils ont aussi tué Bouba Mana Othman. Il était sur son vélo près de Zéré lorsqu’ils l’ont tué avec une machette. C’est nous qui avons trouvé son corps. […] Ils ont tué le chef du village, Abdullahi Jibo, avec trois membres de sa famille.

Les musulmans qui avaient survécu à cette attaque, en redoutant de nouvelles, s’enfuirent ensuite dans la brousse. L’épouse du chef de quartier a raconté :

Je me suis enfuie dans la brousse avec mes enfants et j’y suis restée deux mois. Je ne suis rentrée à Bossangoa qu’il y a quelques jours. Mon fils de trois ans a été blessé par une machette. J’ai dit aux attaquants que j’étais [chrétienne] et les ai suppliés de me laisser partir, et ils m’ont crue. J’ai habillé mon garçon en fille pour qu’il ne se fasse pas tuer. [12]

Elle a expliqué à Human Rights Watch que sa fille de 14 ans, Bouba Kandé, avait été enlevée par les combattants anti-balaka et qu’elle était toujours portée disparue, de même que sa coépouse et la fille de trois ans de celle-ci. [13]

Deux jours plus tard, les combattants de l’ex-Séléka sont revenus à Zéré. Les résidents musulmans ainsi de retour ont trouvé leur mosquée et leurs maisons incendiées ; de nombreux musulmans qui s’étaient fait tuer avaient été jetés par les anti-balaka dans les flammes de leur maison. [14] Lors d’une visite à Zéré effectuée en novembre, Human Rights Watch a recensé plus de 340 habitations mises à feu dans la ville, seule une poignée de maisons restant indemnes.

L’imam de Zéré a tenu à faire savoir à Human Rights Watch que, pour lui, la violence qui avait frappé la ville n’était pas due à des motifs religieux :

Ce n’était pas une attaque entre chrétiens et musulmans ; c’était une attaque des fidèles de Bozizé. Il y avait plus de 100 attaquants, il en venait de tous les côtés. Ils avaient notamment des armes militaires et comptaient entre autres des ex-FACA qui avaient fait défection et s’étaient organisés avec les anti-balaka. Ils ont dupé les villageois chrétiens en leur disant que […] il ne devrait plus y avoir un seul musulman dans le pays. [15]

Gbakora/Bandorok

Gbakora et Bandorok sont deux petits villages situés sur la route reliant Bossombélé à Bossangoa, à environ 45 kilomètres au sud de Bossangoa. D’après un résident musulman témoin de l’attaque, 11 familles musulmanes vivaient dans la région, et aucun combattant de l’ex-Séléka n’était présent. Les résidents musulmans ont commencé à entendre des rumeurs selon lesquelles les anti-balaka se préparaient à attaquer leur communauté. Les résidents musulmans ont alors envoyé un représentant à Bossangoa le 10 septembre pour demander à des combattants de l’ex-Séléka de venir les protéger, mais ceux-ci n’ont pas accédé à leur requête, au motif qu’ils n’avaient pas assez d’hommes ou de véhicules. [16]

Le 11 septembre, plus de 100 combattants anti-balaka armés de fusils artisanaux et de machettes ont attaqué des villageois musulmans à Gbakora et Bandorok. Un témoin musulman a raconté que les résidents chrétiens avaient aidé les combattants anti-balaka à trouver les habitations des musulmans de leur village. [17]

Un résident Mbororo de Bandorok âgé de 20 ans a raconté à Human Rights Watch la manière dont les attaquants avaient tué 11 musulmans :

Ils ont commencé par attaquer les musulmans, et les villageois chrétiens qui se trouvaient encore dans le village ont aidé les anti-balaka à trouver les habitations des musulmans. Je les ai vus tirer sur deux personnes devant moi. Elles ont été tuées par des fusils de chasse. C’étaient Idriss Adef, 75 ans, chef de notre village, et Zakaria Ibrahim, 80 ans—ils avaient des machettes pour se défendre mais les balles les ont tués. En tout, onze personnes ont été tuées. Ils ont aussi tué Oumar Idriss, 40 ans, le fils du chef du village ; deux frères, Hassan et Ibrahim Rama, 42 et 35 ans ; Isein Wadai, 75 ans, l’adjoint de l’imam, et son fils Shaibu, 30 ans, ainsi que trois nomades Mbororo de passage dans notre village et dont j’ignore les noms. [18]

Ce témoin a réussi à s’échapper dans la brousse, où il est resté caché jusqu’à ce qu’un convoi de combattants de l’ex-Séléka arrive de Bossombélé, provoquant la fuite des combattants anti-balaka et des villageois chrétiens. Il a apporté son aide pour que l’on retrouve et enterre les dépouilles des musulmans de son village, avant de s’enfuir pour Bossangoa afin de s’y mettre en sécurité. [19]

Cet habitant de Bandorok a expliqué que de nombreux résidents musulmans étaient encore portés disparus. Parmi eux figurent Khadija Abdullahi, l’épouse d’Oumar Idriss (fils du chef du village tué lors de l’attaque) et ses quatre enfants, ainsi que l’épouse de son frère, Jamal Idriss—qui, lui, a survécu—, Cécile Djumal, 30 ans, et ses trois enfants. [20]

Ouham-Bac

Ouham-Bac est un important centre de négoce situé sur la route qui relie Bossangoa à Bozoum ; nombre des échoppes du marché de la ville appartiennent à des commerçants musulmans. Une résidente d’Ouham-Bac âgée de 54 ans a expliqué à Human Rights Watch qu’elle était chez elle le 6 septembre lorsque des combattants anti-balaka ont attaqué le petit avant-poste ex-Séléka de cette ville. Les anti-balaka ont tué deux combattants de l’ex-Séléka avant de s’en prendre aux habitations des musulmans. Les combattants anti-balaka ont tué par balle le neveu de cette résidente, Hassan Abaker, 21 ans, devant chez lui, ainsi que Haroon, un chrétien de 30 ans converti à l’Islam. Après avoir assisté aux deux meurtres, elle est allée se cacher. [21]

Bodora

Un homme de 55 ans était chez lui, dans son village de Bodora, situé au nord-est de Bossangoa, sur la route de Bir Zambé, lorsque des coups de feu l’ont réveillé vers 5 heures du matin le 6 septembre. Dehors, il a trouvé deux femmes à moitié nues et prises de panique ; il a reconnu l’une d’entre elles comme étant l’épouse d’un colonel de l’ex-Séléka basé non loin de là. Les deux femmes lui ont dit que des combattants anti-balaka étaient en train d’attaquer le village.

Alors que la famille s’apprêtait à fuir, les anti-balaka sont arrivés. Le témoin a réussi à s’échapper dans des herbes hautes près de sa maison, d’où il a assisté avec horreur à l’égorgement des membres de sa famille et d’autres personnes par ces combattants, à côté du pont situé entre Ben Zambé et Bodora. Il a ainsi raconté à Human Rights Watch :

[Les assaillants] étaient nombreux, et ils étaient armés de kalachnikovs, de fusils, de machettes et de couteaux. Ils ont attrapé tous mes enfants. J’ai réussi à m’enfuir et à me cacher dans les herbes hautes. Je les ai vus égorger mes enfants, l’un après l’autre, avec un couteau. Ils passaient les enfants à celui qui avait le couteau, un à un. […] Après les enfants, ils ont tué mes épouses, puis encore d’autres personnes, des gens qu’ils avaient attrapés dans le quartier. Il y avait des cadavres partout, ils les ont laissés sur place. [22]

Parmi les personnes ainsi tuées se trouvaient ses deux épouses, Bali Gouro, 37 ans, et Modari Modjolo, 37 ans, ainsi que ses 10 enfants et sa petite-fille : Rouha, 25 ans ; Abou, 20 ans ; Minieko, 16 ans, et sa fille Hawa, 6 mois ; Souleh, 15 ans ; Halima, 14 ans ; Mayro, 13 ans ; Seydou, 13 ans ; Biba, 10 ans ; Saaleh, 10 ans, et Djouli, 8 ans. [23] Ce témoin semble être le seul survivant de cette attaque. Il a reconnu certains des chefs anti-balaka comme étant des habitants d’un village voisin. Parmi eux se trouvait un éleveur de bétail chrétien de Bondora qui avait perdu toutes ses bêtes aux mains des forces de l’ex-Séléka et avait juré de se venger. [24]

Après avoir assisté au meurtre de ses proches, il est resté caché dans la brousse pendant deux jours avant de trouver refuge auprès d’un riche chrétien qu’il connaissait bien dans un village voisin, et qui lui a dit qu’il pouvait rester avec lui. Par la fenêtre de la maison, ce témoin a pu assister à l’activité d’une base anti-balaka située non loin de là :

Par la fenêtre de la maison [de mon ami chrétien], je pouvais voir la base des anti-balaka, dans un bâtiment recouvert de bâches blanches. Je les voyais rentrer le soir avec de grandes quantités de viande, qu’ils partageaient avec tous les gens du village. Ils amenaient [les gens qu’ils avaient enlevés] à leur chef, qui était parfois habillé en civil et parfois en tenue militaire—ils lui amenaient des musulmans [qu’ils avaient enlevés]. De temps en temps, j’entendais leurs cris, et puis plus rien, et parfois ils les laissaient en vie. Mais je n’ai pas vu comment ils les tuaient, parce qu’il y avait trop de monde autour—cependant, je crois que pendant les cinq jours où j’étais caché, ils ont tué beaucoup de monde. [25]

Le sixième jour, des combattants de l’ex-Séléka sont arrivés et ont contraint les forces anti-balaka à fuir le village. [26]

Votovo

Un éleveur de bétail musulman de 24 ans a raconté à Human Rights Watch que des dizaines de combattants anti-balaka avaient attaqué les quartiers musulmans de son village de Votovo, situé à 15 kilomètres au sud de Bossangoa, vers 5 heures du matin, le 26 septembre :

J’étais chez moi. J’ai entendu un grand bruit et des coups de feu dehors. C’étaient les anti-balaka de la tribu Gbaya, ils étaient plusieurs dizaines. Ils parlaient dans leur propre langue. Ils étaient armés de kalachnikovs, de machettes et de fusils de chasse qu’ils avaient eux-mêmes fabriqués. Ils sont arrivés à pied et se sont introduits dans toutes les maisons. Chez moi, ils ont pillé mes vêtements, mes bagages et mes ustensiles de cuisine. Ensuite, ils nous ont tous rassemblés sur la place du village en nous disant : « Nous allons tuer tous les musulmans, mais d’abord nous tuerons tout votre bétail. » Après, ils nous ont séparés, les hommes [musulmans] d’un côté, et les femmes et les enfants de l’autre.[27]

Après avoir séparé les hommes des femmes, une douzaine d’attaquants ont neutralisé le frère aîné de l’éleveur de bétail, Amadou Hiroyi, 27 ans, et l’ont tué en l’égorgeant avec un couteau. Avec leurs fusils artisanaux, ils ont ensuite ouvert le feu sur les autres hommes musulmans qui étaient présents. Deux hommes et un garçon ont ainsi été tués par les tirs– Amadou Djibo, 20 ans ; Adam Bouba, 18 ans ; et Ade Djibo, 13 ans. Les autres ont fui pour échapper à la mort. [28]

Un deuxième résident de Votovo, âgé de 32 ans, a dit à Human Rights Watch lors d’un autre entretien :

Ils nous ont tous [les musulmans] emmenés sur la place du village en disant : « Nous allons tous vous tuer. » Je leur ai demandé : « Pourquoi ? » Leur chef a rétorqué : « Qui t’a dit de parler ? Nous allons tuer tous les Mbororo parce que vous êtes tous des musulmans. Et nous allons tuer tout votre bétail. » Je les ai regardés égorger Amadou Hiroyi, et puis ils ont tué [par balle] mes deux petits frères qui tentaient de s’enfuir– Amadou Djibo, 20 ans, et Ade Djibo, 13 ans. [29]

Lui et les autres hommes qui ont survécu à cette épreuve se sont enfuis dans la brousse mais ils sont revenus le soir pour voir ce qui était advenu de leur village. Ils ont découvert que toutes leurs maisons avaient brûlé, et que toutes leurs bêtes avaient été sauvagement abattues—il n’en restait que les têtes, qui ne sont pas comestibles. [30] Un groupe composé de 21 femmes et enfants musulmans qui avait été séparé des hommes était porté disparu. Au moment de la visite de Human Rights Watch début novembre, soit près de deux mois après l’attaque, aucune de ces personnes n’avait été retrouvée et leurs parents présumaient donc qu’elles étaient mortes. [31] Les hommes musulmans qui ont survécu à cette épreuve ont passé cinq jours cachés dans la brousse autour du village avant d’être secourus par des combattants de l’ex-Séléka dirigés par le général Ali qui arrivaient de Bossangoa après avoir appris l’attaque dont le village avait fait l’objet. [32]

Bossangoa

Le 5 décembre, des forces anti-balaka ont lancé une attaque majeure contre la ville même de Bossangoa, en prenant brièvement le contrôle. Pendant l’attaque, les forces anti-balaka ont exécuté des civils musulmans à Boro, le quartier musulman de Bossangoa, tuant au moins 11 civils avec des machettes et des fusils. Parmi les victimes figurait Ousman Abakar, 26 ans, un jeune Peul qu’Human Rights Watch avait amené à l’hôpital le matin même pour faire soigner une blessure par balle qu’il avait reçue au genou trois semaines auparavant lors d’une attaque anti-balaka contre le campement de bétail où il vivait, au nord de Bossangoa. Ousman Abakar n’a pas pu échapper aux assaillants anti-balaka à cause de sa blessure, et il s’est fait capturer et égorger. [33] Sa mère, restée à la maison pour le soigner, a également été tuée. [34]

Neuf autres musulmans ont péri, dont Khadija Iné, 35 ans, épouse du commerçant musulman Gara Iné, et le frère de celle-ci, Adei Abacar, 38 ans, qui se sont tous les deux fait prendre et égorger près de la maison de l’imam, où ils avaient tenté de s’abriter. [35]

C’était une attaque-surprise, alors tout le monde s’est enfui en direction de la maison de l’imam pour se mettre en sécurité, et c’est vers cette maison qu’un si grand nombre de personnes ont été tuées. Parmi les gens qui attaquaient se trouvaient de véritables soldats de la FACA et des membres de la garde présidentielle, armés d’AK-47 et de grenades à fragmentation, vêtus d’un uniforme et d’un béret rouge [de l’ancienne garde présidentielle].[36]

Parmi les autres personnes qui ont péri lors de cet incident figuraient Qursi Abdulrahim, 50 ans, commerçant ; Ali Atahir, 45 ans, commerçant ; Jimey Atahir, 42 ans, commerçant ; Aishta Oumar, 38 ans, mère de trois enfants ; Nami Yawa, mère de quatre enfants, issue de l’ethnie Mbororo ; sa sœur Hawa Yama, mère de six enfants, issue de l’ethnie Mbororo ; et Hamidou « Seize-Dix-Sept », conducteur de mototaxi très apprécié de la population locale. [37]

Attaques visant les campements de bétail des Mbororo

En même temps que les attaques visant les avant-postes et les bases de l’ex-Séléka et les communautés musulmanes de Bir Zambé, Zeré, Ouham-Bac et Koro M’Poko, les forces anti-balaka s’en sont pris dans les mêmes régions aux campements de bétail appartenant à plusieurs musulmans et gardés par des bergers Mbororo, leur volant des milliers de têtes de bétail et tuant nombre des familles Mbororo chargées des troupeaux.

Une femme Mbororo d’environ 38 ans se trouvait dans un campement regroupant quelque 500 vaches, à 13 kilomètres de Bir Zambé, lorsque les forces anti-balaka l’ont attaqué le 6 septembre. Parmi les assaillants figuraient à la fois des combattants anti-balaka légèrement armés et des transfuges de l’armée, pour leur part bien mieux armés. [38] Les assaillants ont tué par balle son mari, Abubaker Bouba ; sa seconde épouse, Adama Yahiya ; les trois enfants de ce témoin, Oumar, Zeituna et Jambrila ; et les cinq enfants de sa coépouse, Abasi, Aisatu, Fadi, Rahmatu et Adamour. [39] Elle-même a été blessée par balle derrière la tête et a perdu connaissance pendant l’attaque. Le propriétaire du bétail l’a trouvée tout juste en vie plus d’une semaine plus tard, parmi les corps en décomposition des membres de sa famille ; il l’a amenée à Bossangoa pour qu’elle se fasse soigner. [40] Il a expliqué à Human Rights Watch que les forces anti-balaka avaient tué six des neuf gardiens Mbororo et volé 747 têtes de bétail du campement voisin qui appartenait à son frère Nazal Mohammed. La totalité de son cheptel, soit 500 bêtes, avait été volée, a-t-il déploré. [41]

Ayant entendu parler des attaques ciblant les campements, El-Nour Adim, 51 ans, riche homme d’affaires musulman, a demandé aux forces de l’ex-Séléka de l’escorter jusqu’à son campement de bétail près de Bir Zambé pour qu’il puisse l’inspecter. En route, le convoi a été pris en embuscade par les anti-balaka, et El-Nour Adim et deux des sept combattants de l’ex-Séléka qui l’accompagnaient ont été tués. [42] Quand le frère cadet d’Adim a fini par atteindre le campement près d’un mois plus tard, il a trouvé les ossements des 12 membres de sa famille, de l’ethnie Mbororo : cinq adultes et leurs sept enfants qui gardaient le campement. La totalité de son cheptel, soit 406 têtes de bétail, avait disparu. [43]

Une femme Mbororo de 32 ans se trouvait en compagnie de dix autres Mbororo au campement de bétail d’un homme d’affaires musulman, Gara Iné, qui a perdu son épouse et son beau-frère lors de l’attaque des anti-balaka lancée le 5 décembre contre Bossangoa (voir ci-dessus). Le 6 septembre, vers 16 heures, elle retournait au campement après être allée chercher de la nourriture, lorsqu’un groupe important de combattants anti-balaka a attaqué le campement : « Les anti-balaka étaient si nombreux, il y en avait tout un village. » [44] Les combattants anti-balaka ont surpris et capturé tous les 11 Mbororo présents dans le campement et séparé les hommes des femmes avant de tuer les hommes. Elle a déclaré à Human Rights Watch :

Ils nous ont mis à terre et puis ils nous ont dit qu’ils allaient uniquement tuer les hommes. Ils nous ont ordonné d’enlever nos chaussures. Ils [les anti-balaka] étaient très nombreux, et puis ils ont jetés par terre les quatre personnes de sexe masculin et les ont égorgées devant nous. L’une d’elles était mon mari, Yaya Douka. Les autres n’étaient que des enfants : Bouba Keriyo, 14 ans, Tahirou Keriyo, 10 ans, et Khalidou Ngadjo, 3 ans. Même les enfants ont été égorgés. Ma fille Habiba, 3 ans, a reçu un coup de machette à la tête et elle s’est fait entailler tout le dos par des couteaux—elle était dans les bras de son père, alors ils l’ont prise pour un garçon. [45]

Une femme Mbororo d’une quarantaine d’années, mère de Halaidu Ndajo, un garçon de 3 ans tué pendant l’attaque, a confirmé les détails de l’incident lors d’un autre entretien avec Human Rights Watch. Elle a ainsi expliqué à Human Rights Watch :

Il y avait beaucoup d’assaillants. Ils avaient des AK-47 ainsi que des machettes et des fusils artisanaux. Certains d’entre eux portaient l’uniforme militaire. Ils sont arrivés et m’ont prise au piège avec mon enfant. Ils ont tué mon fils et trois autres garçons—ils les avaient capturés tous les quatre, puis ils les ont exécutés un à un, au bord de la rivière. Ils ont dit que les musulmans avaient renversé Bozizé, et que donc maintenant tous les musulmans allaient souffrir jusqu’au bout. Ils ont tué mon enfant devant moi.
Puis la nuit est tombée, et certains d’entre eux ont dit qu’ils ne tueraient pas les femmes, alors ils nous ont laissé partir. On est parties se cacher dans la brousse. Mais une dispute a éclaté, et certains ont dit qu’ils allaient aussi nous tuer. Alors ils sont venus nous chercher, mais nous sommes restées cachées, moi et ma sœur.[46]

Qursi Mohammad, commerçant musulman de 46 ans, était resté avec ses 156 têtes de bétail dans un campement près de Zéré, en compagnie d’un berger Mbororo. Le 7 septembre, des combattants anti-balaka ont attaqué le campement et tué par balle Qursi et son berger Mbororo ; ils ont ensuite volé le bétail. Le lendemain, les forces de l’ex-Séléka et des commerçants musulmans de Bossangoa ont trouvé les deux corps. [47] D’après le propriétaire, un campement de bétail adjacent qui abritait 176 têtes de bétail avait été pillé en même temps, et le berger Mbororo avait lui aussi été tué par balle. [48]

Human Rights Watch a découvert de nombreux autres cas similaires de campements de bétail appartenant à des musulmans autour de Bossangoa qui avaient été attaqués par des éléments anti-balaka en septembre 2013, notamment d’autres cas de bergers Mbororo présents dans ces campements qui s’étaient fait tuer. La communauté des commerçants musulmans de Bossangoa a dressé une liste des 21 campements de bétail raflés qui appartenaient à des musulmans, recensant ainsi près de 5 000 têtes de bétail pillées, ce qui représente une énorme perte financière, sociale et culturelle pour cette communauté majoritairement nomade. [49]


III. Abus commis par les ex-Séléka contre des chrétiens

Les attaques lancées au mois de septembre par les anti-balaka contre les forces de l’ex-Séléka dans la région de Bossangoa ont entraîné des pertes considérables dans le camp ex-Séléka. Nombre de leurs avant-postes et bases de faible envergure situés par exemple à Ouham-Bac, Zéré, Bowali et Bir Zambé ont rapidement été occupés par les forces anti-balaka, plus nombreuses. Ainsi, les ex-Séléka ont dû abandonner une grande partie des zones rurales situées autour de Bossangoa pour concentrer les combattants qu’il leur restait dans le principal centre urbain de Bossangoa.

Après ces déboires, les forces de l’ex-Séléka ont réagi en lançant des offensives meurtrières dans les villages où les attaques s’étaient produites et en incendiant certains villages. Les forces anti-balaka ont essayé de protéger les communautés chrétiennes et leurs propres milices des représailles de l’ex-Séléka. Par exemple, les anti-balaka ont détruit des ponts sur les axes aux alentours de Bossangoa, empêchant ainsi l’ex-Séléka de s’approcher de la ville.

Les forces de l’ex-Séléka ont continué de semer la terreur dans certaines régions en lançant des attaques-surprises visant de petits groupes de chrétiens. 40 000 chrétiens ont fui la campagne pour trouver une sécurité relative dans l’église catholique de Bossangoa, où ils vivent dans un espace réduit et surpeuplé. Cependant, tout déplacement en dehors du campement vers d’autres quartiers de la ville ou pour se rendre aux champs est dangereux, surtout pour les hommes.

Les attaques de chrétiens à Bossangoa se sont déroulées en toute impunité et avec le consentement et, dans certains cas, la participation directe, des commandants de l’ex-Séléka à Bossangoa les plus haut placés. Le 18 novembre, vers 17 heures, les forces de l’ex-Séléka ont détenu sept fermiers chrétiens près de l’aéroport de Bossangoa alors qu’ils tentaient de rentrer d’une journée de travail aux champs. Les hommes ont été ligotés et amenés jusqu’au campement du général Yaya, le commandant ex-Séléka de Bossangoa. [50] D’après un survivant, les hommes ligotés ont été amenés devant le général Yaya et son adjoint de l’époque, le colonel Saleh, ainsi qu’une douzaine d’autres commandants supérieurs ; ils ont été présentés comme des combattants anti-balaka qu’ils venaient de capturer. Le commandant adjoint, le colonel Saleh, en présence du général Yaya, a personnellement ordonné à ses hommes de « les jeter dans la rivière ». [51] Le général Yaya a été tué lors de combats à Bangui le 5 décembre, et son ancien adjoint, le colonel Saleh, est désormais commandant de l’ex-Séléka à Bossangoa.

L’un des survivants a déclaré à Human Rights Watch :

À 3 heures du matin, ils sont arrivés avec un véhicule. Ils ont encore resserré nos liens et nous ont jetés dans le véhicule ; ils nous ont jeté une bâche dessus et nous ont emmenés dans leur base principale, à côté des locaux de l’UNICEF. Une fois arrivés à la base, ils nous ont montrés au colonel Saleh qui est venu nous voir. Il les a autorisés à nous amener à la rivière et à nous tuer. Ils se parlaient en arabe, que je comprends un peu. Le général Yaya était aussi présent, avec le colonel Saleh […]. La réunion pour décider de notre sort a duré environ 25 minutes. Le jour commençait à poindre, alors ils étaient pressés. [52]

Les combattants de l’ex-Séléka ont emmené les hommes ligotés jusqu’à la rivière Ouham et les y ont jetés près de la station de radio, mais après le départ des combattants de l’ex-Séléka, les hommes ont réussi à se détacher et à regagner le rivage à la nage. Les cinq autres hommes attachés ont été emmenés en voiture jusqu’au pont principal qui enjambe la rivière Ouham, où ils ont été jetés dans le fort courant.

L’un des survivants a expliqué à Human Rights Watch :

Ils nous ont emmenés jusqu’au pont qui enjambe l’Ouham. Ils ont sorti trois hommes de notre groupe et se sont mis à les battre. Puis ils les ont ligotés et les ont sauvagement frappés contre le béton avant de les jeter à la rivière. Ils ont ensuite pris le quatrième homme ; ils l’ont battu jusqu’à le faire saigner du nez et des oreilles. Ils étaient en train de l’attacher quand il a un peu bougé, alors ils se sont dit qu’il était encore trop conscient pour se noyer. Ils l’ont soulevé et l’ont jeté contre le ciment pour l’assommer. Et puis ils l’ont jeté à la rivière.
J’étais le cinquième, le dernier. Ils ont commencé par me frapper à la tête et sur le corps avec la crosse de leurs fusils ; j’avais tout le visage en sang. Ils ont cru que j’avais perdu connaissance. Il ne leur restait plus de corde, alors ils m’ont attaché avec mon pantalon et m’ont jeté à la rivière. Ils m’ont d’abord jeté par terre sur le sol en ciment puis ils m’ont fait rouler dans la rivière. Je suis remonté à la surface et je voyais qu’ils me suivaient avec leurs fusils. J’ai coulé trois fois et puis mon pantalon s’est défait et j’ai réussi à regagner la rive.[53]

Le 26 novembre, des travailleurs humanitaires locaux ont découvert les corps des quatre hommes ligotés sur les rives de l’Ouham. [54]

Attaques dans la ville même de Bossangoa

Le 10 septembre, Donatien Ndakuzu, assistant chauffeur, se rendait à la gare routière de Bossangoa pour y garder le véhicule de son employeur. D’après l’épouse de Ndakuzu, qui s’est entretenue avec des témoins de l’incident, trois combattants de l’ex-Séléka l’ont abordé à la gare en le sommant de leur donner du carburant pris dans le réservoir du véhicule. Ndakuzu a expliqué aux ex-Séléka que le réservoir du véhicule était à sec, mais ils ont menacé de le tuer s’il ne leur donnait rien. Ils ont ensuite tiré plusieurs salves dans sa direction, qui l’ont tué, puis ont regagné leur base à pied en abandonnant son corps sans vie. [55]

Le matin du 14 septembre, Nesta Ngaipo, un boucher de 38 ans, se rendait au marché de Bossangoa en compagnie de deux assistants musulmans ; ils transportaient la viande d’une vache qu’il venait d’abattre. En route, trois combattants de l’ex-Séléka les ont arrêtés, accusant Ngaipo d’être avec les anti-balaka. Les ex-Séléka ont laissé partir les deux assistants musulmans, mais Ngaipo a disparu et sa femme et ses employés pensent que ces hommes l’ont tué. [56]

Le 15 septembre, une résidente de Bossangoa âgée de 35 ans était en train de laver son linge dans la rivière Ouham à Bossangoa en compagnie de son mari et de son nourrisson lorsque cinq combattants de l’ex-Séléka se sont approchés d’eux. Elle a expliqué à Human Rights Watch que les combattants de l’ex-Séléka avaient ouvert le feu sur eux, tuant son mari alors qu’il tenait leur bébé dans ses bras :

J’étais en train de faire notre lessive dans la rivière, et mon mari tenait notre bébé. Il m’a dit : « Dépêche-toi, les Séléka arrivent ! » Il était déjà trop tard. Ils ont tiré un premier coup qui a atteint ma fille au bras, puis un deuxième qui lui a juste éraflé la tête. Mon mari a mis notre fille au-dessus de sa tête pour montrer qu’il portait un enfant, et ils lui ont de nouveau tiré dessus, le touchant au ventre. […] J’ai fait la morte. Ils voulaient venir vérifier dans quel état j’étais, mais deux des Séléka ont dit que ce n’était pas la peine. J’ai dû rester immobile pendant plusieurs heures, parce qu’ils étaient juste au-dessus de moi. Ma petite fille saignait beaucoup et pleurait. Finalement, je suis sortie, et ils m’ont laissée l’emmener à l’hôpital. [57]

Le 17 septembre, des affrontements ont éclaté à Bossangoa entre des combattants de l’ex-Séléka et anti-balaka, prenant par surprise de nombreux habitants de la ville et poussant nombre d’entre eux à prendre la fuite. Pendant ces affrontements, des coups de feu ont été tirés au hasard dans de nombreux quartiers de Bossangoa, tuant un nombre de personnes indéterminé. Plusieurs personnes ont raconté à Human Rights Watch que les combattants de l’ex-Séléka avaient réagi à l’attaque que les anti-balaka avaient lancée contre leurs positions à Bossangoa en tirant sur les civils.

Dans le quartier de Sembe, des combattants de l’ex-Séléka qui tiraient des coups de feu au hasard ont tué Ester Kandona, 35 ans, qui était enceinte de 8 mois, alors qu’elle travaillait au champ avec son mari. [58] « Les combattants de la Séléka tiraient dans tous les sens, et une des balles l’a atteinte et l’a tuée [ainsi que le fœtus] », a expliqué à Human Rights Watch la belle-sœur de Kandona. Et d’ajouter : « Le jour même, nous nous sommes enfuis vers le campement de l’église. » [59]

Une résidente de Bossangoa âgée de 23 ans se trouvait elle aussi dans le quartier de Sembe à Bossangoa lorsque les forces de l’ex-Séléka ont commencé à tirer. Elle s’est cachée chez elle pendant un certain temps puis s’est enfuie en direction du campement de l’église. Son frère Alphonse Mondoka, 53 ans, est resté chez lui, caché sous son lit. Le lendemain matin, Justine a trouvé le corps d’Alphonse sans vie devant sa maison. On lui avait tiré une balle dans le dos. [60]

Le 17 septembre, un autre résident de Bossangoa, 65 ans, était chez lui avec un parent du nom de Jeannot lorsque les coups de feu ont éclaté dans leur quartier de Tipoyeur. Les deux hommes ont passé la quasi-totalité de la journée cachés dans la maison. Le témoin a déclaré à Human Rights Watch : « Vers 17 heures, quand les musulmans [les ex-Séléka] en ont eu assez de tirer, nous sommes partis nous réfugier à l’église. » [61] Alors qu’ils fuyaient, les deux hommes ont été séparés, et il a entendu un coup de feu derrière lui. « Jeannot n’est jamais arrivé au campement de l’église. Regagner le quartier était trop risqué pour les hommes, mais les femmes y sont retournées et ont trouvé son corps. Elles ont demandé à la Croix-Rouge et aux troupes de la FOMAC [Union africaine] de l’enterrer. » [62]

Vers 17 heures le 17 septembre, Germain Ngaissonna, 37 ans, père de huit enfants, tentait de rentrer à Bossangoa après avoir travaillé dans son champ situé à l’extérieur de la ville ; il croyait que les combats avaient cessé. Alors qu’il traversait le principal pont qui mène à Bossangoa, des combattants de l’ex-Séléka lui ont ordonné de s’arrêter, ainsi qu’à trois autres hommes. Tandis que ces trois hommes tentaient de prendre la fuite, les combattants de l’ex-Séléka ont appréhendé Ngaissonna sur le pont et l’ont poignardé à mort. [63] À la tombée de la nuit, les combattants de l’ex-Séléka avaient poignardés à mort cinq hommes sur ce pont. Le lendemain, quatre des corps ont été jetés à la rivière Ouham. Les troupes de la FOMAC ont recouvré la dépouille de Ngaissonna à la demande de son épouse. [64]

Le 1er novembre, en quête de ses cochons qui avaient disparu, un chrétien de 23 ans s’est rendu près de l’école de Bossangoa, où vivaient des musulmans déplacés. À l’école, une musulmane lui a crié après puis a demandé aux combattants de l’ex-Séléka présents au poste de contrôle voisin de le tuer, affirmant que les parents de cet homme étaient des anti-balaka. Les combattants de l’ex-Séléka se sont mis à le frapper avec la crosse de leurs fusils, puis ils ont apporté un couteau pour lui trancher la gorge. L’homme a réussi à prendre la fuite, échappant de justesse aux coups de feu des combattants de l’ex-Séléka. Cet incident s’est passé en plein jour, à seulement 100 mètres d’une équipe de journalistes étrangers qui se trouvaient dans la principale pension de Bossangoa où logent des agents de l’ONU et des travailleurs humanitaires. [65]

Le 24 octobre, Thierry Demokossai, 40 ans, travaillait avec ses enfants dans son champ situé dans le quartier Bali de Bossangoa. Son épouse, âgée de 30 ans, a raconté à Human Rights Watch ce qui s’était produit vers 15 heures à l’arrivée d’un groupe de combattants de l’ex-Séléka dans le quartier :

La Séléka est arrivée à pied, ils étaient quatre. Ils se sont cachés dans les buissons et se sont mis à nous tirer dessus. Nous étions six dans le champ, et trois ont été tués : mon mari et deux de ses voisins. Il n’y avait pas eu de dispute ni quoi que ce soit. Ils sont juste sortis des buissons où ils se cachaient et ont ouvert le feu sur nous sans aucun avertissement. Mon mari a reçu une balle derrière la tête, qui est ressortie par l’avant, lui détruisant tout le visage. [66]

Enceinte au moment où son mari est mort, elle a accouché d’un garçon le lendemain. [67]

Le 8 octobre, vers 10 heures, un groupe de combattants de l’ex-Séléka a ratissé le quartier Bonjili de Bossangoa, passant d’une maison à une autre, tuant les habitants et incendiant des biens. Une résidente du quartier Bonjili âgée de 25 ans a expliqué à Human Rights Watch que lorsque les ex-Séléka se sont approchés de sa maison, son mari, Alfred Fenjiro, 32 ans, avait essayé de se cacher sous leur lit, tandis qu’elle prenait la fuite. Alors qu’elle était cachée non loin de là, elle a vu les combattants de l’ex-Séléka l’exécuter :

Trois combattants de la Séléka sont entrés chez nous et j’ai couru dans la brousse mais mon mari est resté dans la maison. Ils l’ont tué à coups de couteau puis ils ont incendié la maison. Je l’ai vu de mes propres yeux, et j’ai entendu mon mari qui criait à l’intérieur.

Elle affirme également que deux autres hommes de Bonjili ont été poignardés à mort d’une manière similaire :

Ce matin-là, ils ont tué trois hommes à Bonjili. C’était la première fois que la Séléka venait dans notre quartier, et ils sont venus pour tuer. Je ne sais pas pourquoi—il n’y avait pas d’anti-balaka dans notre coin.

Elle est retournée à Bonjili le lendemain et a trouvé le corps de son mari dans leur maison calcinée ; il avait reçu des coups de couteau au ventre, au dos et au cou. [68]

Attaques dans les environs de Bossangoa

Fin septembre ou début octobre, les forces de l’ex-Séléka sont arrivées dans le village de Bogouna, à 18 kilomètres au nord-est de Bossangoa. [69] Dès leur arrivée, vers 15 heures, elles ont tiré en l’air pour forcer les villageois à prendre la fuite, puis se sont mises à incendier les maisons du village. [70] Lorsque les villageois sont rentrés après l’attaque, ils ont trouvé devant chez lui le corps sans vie de Léon Oudedan, 64 ans ; il avait reçu une balle dans le dos. [71]

Le 22 octobre, Valentin Nambobona, 46 ans, chef du village de Tamkouru, travaillait au champ avec ses deux épouses. Vers 11 heures du matin, un groupe de bergers musulmans armés a fait passer ses vaches par ce champ. Ses femmes ont pris la fuite, mais Nambobona a essayé de regagner sa bicyclette. Depuis leur cachette, les épouses ont entendu trois coups de fusil, et lorsqu’elles sont retournées dans le champ quelques heures plus tard, elles ont trouvé le corps de Nambobona ; il avait reçu une balle à la tête. Suite au meurtre du chef de leur village, tous les habitants ont fui de crainte que de nouvelles attaques ne se produisent. [72]

Le 10 octobre, quatre véhicules de combattants de l’ex-Séléka provenant de Bossangoa roulaient sur la route menant à Ouham-Bac, où une base de l’ex-Séléka et des résidents musulmans locaux avaient été attaqués et tués début septembre (voir ci-dessus). Alors qu’ils se rapprochaient d’Ouham-Bac, les combattants de l’ex-Séléka ont tiré des coups de feu à plusieurs reprises en direction des civils qui prenaient la fuite et se trouvaient le long de la route. Au village de Wikamo, les combattants de l’ex-Séléka, qui ne faisaient que passer, ont tué par balle Samuel Denamjora, 12 ans, et trois autres villageois. [73] Après que les villageois avaient fui Wikamo, les combattants de l’ex-Séléka ont quitté leurs véhicules et pillé l’hôpital local et l’école, vidant les deux bâtiments de tout leur contenu. Ils se sont alors mis à incendier tout le village de Wikamo. [74]

Alors que les combattants de l’ex-Séléka poursuivaient leur route vers Ouham-Bac, ils sont passés devant la maison de Nicole Faranganda, 34 ans, qui avait accouché d’une fille la veille. Affaiblie par l’accouchement, Faranganda a tardé à fuir les combattants de l’ex-Séléka. Ils lui ont tiré une balle dans la tête juste devant chez elle. [75]

Lorsque les combattants de l’ex-Séléka ont atteint Ouham-Bac, ils sont rapidement sortis de leurs véhicules et ont essayé de piéger le plus possible de résidents, surpris de ce qui était en train de se passer, avant de les tuer. [76] Jean-Marie Sendamanou, 50 ans, a été tué par balle devant son épouse, Philomène, avant qu’elle ne soit elle aussi tuée de la même manière. [77] Marceline Gandaboye, 35 ans, a été tuée par balle alors qu’elle fuyait, son bébé accroché dans le dos. [78] Hiller Redebonna, 55 ans, a elle aussi été tuée par balle devant sa maison. [79] Gervais Berofi, 28 ans, n’a pas pu s’enfuir parce qu’il avait perdu une jambe dans un accident ; on lui a également tiré dessus, et il en est mort. [80] Gaston Sanbogai, 22 ans, aveugle, a essayé de se cacher dans les herbes hautes à côté de sa case ; les combattants de l’ex-Séléka l’ont trouvé, l’ont fait sortir de sa cachette et l’ont exécuté. [81] Alice Gandako, 60 ans, épouse du maire d’Ouham-Bac, a été exécutée devant chez elle. [82] Marie Konamina, 50 ans, et un jeune de 28 ans surnommé Pasteur ont été tués par balle alors qu’ils fuyaient. Deux enfants et un adulte se sont noyés dans la rivière Ouham alors que, pris de panique, ils avaient échappé à leurs assaillants: Martial Redebonna, 8 ans, Diane Fokean, 2 ans, et le père de Diane, Armand Fokean, 38 ans, qui s’est jeté à l’eau pour tenter de sauver sa fille. [83]

Les villageois d’Ouham-Bac ont expliqué que les forces de l’ex-Séléka qui les avaient attaqués le 10 octobre étaient accompagnées d’au moins trois commerçants musulmans d’Ouham-Bac, dont ils ont communiqué les noms à Human Rights Watch. Ces commerçants, s’appuyant sur leur connaissance approfondie du village, montraient aux combattants de l’ex-Séléka quelles maisons incendier. [84] Les combattants de l’ex-Séléka ont mis à feu 35 maisons à Ouham-Bac, avant l’arrivée d’un autre groupe de combattants de l’ex-Séléka en provenance de Bozoum, qui semblerait avoir convaincu le groupe de Bossangoa de se retirer. [85]

IV. Catastrophe humanitaire : « Vivre et mourir comme des bêtes »

La crise du déplacement de personnes

Les atteintes aux droits humains commises par les forces de l’ex-Séléka et les milices anti-balaka dans le nord de la République centrafricaine ont entraîné une destruction massive et des déplacements à grande échelle dans la région, provoquant une catastrophe humanitaire. Quelque 450 000 personnes ont été contraintes de fuir leur foyer à cause de la violence, dont 170 000 ne serait-ce que dans la province de l’Ouham. [86]

Parmi ces personnes déplacées dans la province de l’Ouham, quelque 40 000 chrétiens se sont réfugiés dans des conditions extrêmement surpeuplées autour de l’église catholique de Bossangoa, tandis que quelque 4 000 musulmans déplacés s’abritent de l’autre côté de Bossangoa, dans l’école Liberté et des bâtiments gouvernementaux à proximité.

La crise du déplacement de personnes est le résultat direct des atteintes aux droits humains perpétrées majoritairement par les combattants de l’ex-Séléka. Leur mode opératoire consiste à attaquer les villages en déboutant à grande vitesse à bord de véhicules 4x4, à se mettre immédiatement à tirer sur la population en fuite, puis à incendier des villages entiers. La plupart des villages de la République centrafricaine se trouvant tout près des routes principales, ils sont vulnérables à ce genre d’attaques-surprises, tactique précédemment employée par la garde présidentielle de l’ancien Président Bozizé pendant les opérations de contre-insurrection. [87]

Les incendies criminels perpétrés par l’ex-Séléka ont réduit en cendres d’innombrables villes et villages du nord de la République centrafricaine, surtout dans les provinces de l’Ouham et de l’Ouham-Pendé. En s’appuyant sur des visites de terrain et une analyse des images satellite, Human Rights Watch a rendu compte des incendies criminels dont ont fait l’objet de grandes parties de villages situés dans toute cette région ravagée par le conflit, démontrant à la fois leur nature systématique et généralisée. [88]

La crise sanitaire

Des dizaines de milliers de personnes déplacées ont tenté de trouver refuge dans des centres urbains plus importants, comme Bossangoa, où des infrastructures médicales très basiques sont en place, ainsi que des moyens sanitaires et un approvisionnement en eau non polluée afin d’empêcher les épidémies. Toutefois, même dans ces centres urbains, il n’est pas possible de répondre à de nombreux besoins médicaux. Par exemple, Human Rights Watch a rendu compte de cas à Bossangoa, dans le principal campement de personnes déplacées implanté dans l’église catholique, où des adolescentes devaient accoucher sans aucune aide, mettant en danger leur vie et celle de leur bébé.

Une crise sanitaire encore plus grave est en train d’éclater en dehors des principaux centres de population de la République centrafricaine, à savoir dans les zones rurales où des dizaines de milliers de personnes ont fui leur village incendié ou abandonné et vivent désormais dans des abris de fortune, souvent près de leur champ. Nombre de ces villageois vivent trop loin des principaux centres urbains pour s’y relocaliser ; ils pressentent un danger à devoir franchir les postes de contrôle de la Séléka, ou bien préfèrent rester près de leurs champs où ils peuvent se nourrir.

Human Rights Watch a découvert qu’au mois de septembre, les forces de l’ex-Séléka basées à Bossangoa avaient systématiquement pillé et détruit les centres médicaux et pharmacies, qui jouent un rôle si crucial, de centres de population secondaires situés autour de Bossangoa, en particulier Ndjo, Ouham-Bac et Zéré. Ces centres médicaux et ces pharmacies, qui se trouvent dans des villes commerçantes majeures, desservent les villages environnants, par conséquent leur pillage affecte les soins de santé de toute la région.

À Ndjo, ville commerçante et productrice d’or aujourd’hui abandonnée, Human Rights Watch a demandé à certaines personnes déplacées d’emmener son équipe de chercheurs voir leurs abris dans la brousse. L’équipe a dû parcourir environ 4 kilomètres à pied et franchir une rivière pour parvenir sur le lieu où quelque 14 000 personnes déplacées s’étaient réfugiées dans de petits abris de fortune. La première personne que l’équipe a rencontrée était Rapha ë l Newane, 55 ans, chef d’un village de Ndjo, qui a montré à Human Rights Watch les tombes de ses deux petits-enfants morts du paludisme une semaine auparavant : Fredianne Mobene, 9 mois, et Aurélie Newane, 6 mois. [89]


Human Rights Watch a également rencontré un infirmier du centre médical de Ndjo âgé de 32 ans qui venait de perdre sa sœur Delphine Yamini, 37 ans, des suites du paludisme. Il a montré sa trousse médicale à Human Rights Watch—elle contenait un seul pansement et du matériel médical qu’il avait réussi à sauver des décombres de la clinique. Il a raconté à Human Rights Watch :

Ma sœur est décédée il y a juste 48 heures. Elle avait une forme sévère de paludisme et de l’anémie. Je n’ai rien pu faire. Ici, nous vivons et nous mourons comme des bêtes. L’efficacité d’un infirmer comme moi dépend de l’accès aux médicaments. […] Le plus gros problème, c’est le paludisme. Il fait cinq ou six morts par semaine dans la région. Une mère est venue me voir juste avant vous—elle était très malade à cause du paludisme, mais j’ai dû la renvoyer chez elle. […]
Tous ces gens qui meurent dans la brousse à cause de problèmes de santé, c’est depuis le pillage de la clinique et de la pharmacie par la Séléka le 16 septembre. Ils sont venus à quatre véhicules. Nous avons entendu leurs coups de fusil et nous nous somme enfuis dans la brousse. Le 17, nous sommes allés constater les dégâts avec le chef du village. Nous avons découvert un garçon, Silas Dewan, 14 ans, qui avait été tué par balles. Il ne restait plus rien dans notre clinique. Ils avaient tout pris—même les matelas, mais pour nous, la plus grosse perte, ce sont les médicaments qu’ils ont pillés. Avant ce jour-là, j’avais suffisamment de médicaments pour traiter les gens.[90]

La crise de l’éducation

Sur la plupart des tableaux noirs des écoles abandonnées que Human Rights Watch a visitées en octobre 2013 autour de Bossangoa, la date du dernier cours est quasi-systématiquement un jour du mois de mars—le mois où la Séléka s’est emparée du pouvoir à Bangui. Depuis mars 2013, pratiquement toute la population de cette région en âge d’être scolarisée ne va plus en classe. Au niveau national, plus de 70 % des enfants d’âge scolaire—au moins 450 000—ne vont pas à l’école à l’heure actuelle, ce qui constitue une crise de l’éducation d’une ampleur considérable. [91] Même dans les grands centres de population comme Bossangoa, Human Rights Watch a découvert que les écoles ne fonctionnaient pas et qu’elles étaient souvent occupées par des personnes déplacées en quête d’abri. L’école Liberté de Bossangoa, par exemple, abrite actuellement dans ses salles de classe quelque 4 000 musulmans déplacés.

Si de nombreuses écoles sont fermées parce que les villages où elles se trouvent ont été incendiés ou abandonnés suite aux combats, les écoles qu’Human Rights Watch a visitées à Ndjo, Zéré et Ouham-Bac avaient été systématiquement pillées, les combattants de l’ex-Séléka ayant volé tous les livres et autres fournitures essentielles. Une évaluation interagences des écoles centrafricaines réalisée en septembre 2013 a révélé qu’à l’échelle nationale, 64 % de toutes les écoles avaient subi un pillage de grande ampleur (de la part des deux groupes armés et des civils), ce chiffre grimpant à plus de 90 % dans deux des provinces étudiées. [92] Parmi les articles qui étaient souvent pillés ou détruits figuraient les toits en tôle des écoles, les manuels, les bureaux, le matériel de cantine et les registres scolaires officiels. [93]

V. Remerciements

Ce rapport a été rédigé par Peter Bouckaert, directeur de la division Urgences à Human Rights Watch, d’après des travaux de recherche qu’il a réalisés lors de deux missions : la première en octobre et novembre 2013 avec Philippe Bolopion, directeur de plaidoyer auprès de l’ONU, et la seconde début décembre 2013. Le photographe Marcus Bleasdale s’est joint aux deux missions de recherche. Josh Lyons, analyste en imagerie satellite de la division Urgences, a fourni une imagerie satellite de la République centrafricaine.

Le rapport a été révisé par Rona Peligal, directrice adjointe de la division Afrique ; Philippe Bolopion ; Lewis Mudge, chercheur, division Afrique ; Jean-Marie Fardeau, directeur France ; Bede Sheppard, directeur adjoint de la division Droits de l’enfant ; Liesl Gerntholtz, directrice de la division Droits des femmes ; James Ross, directeur juridique et politique ; et Babatunde Olugboji, directeur adjoint des Programmes. Katya Salmi, titulaire d’une bourse auprès de la division Afrique, et Joyce Bukuru, associée de cette division, ont fourni une aide rédactionnelle. La traduction en français a été réalisée par Catherine Dauvergne-Newman, et révisée par Peter Huvos, éditeur du site web en français de Human Rights Watch.

Grace Choi, directrice Publications ; Veronica Matushaj, directrice Création et Multimédia ; Ivy Shen, assistante de production Multimédia ; et Fitzroy Hepkins, responsable administratif, ont préparé le rapport aux fins de publication.

Human Rights Watch tient à exprimer sa reconnaissance aux nombreux témoins et victimes ainsi qu’à tous les autres individus qui lui ont fait part de leurs récits personnels et communiqué des éléments de preuve et des informations pour les besoins de ce rapport.



[1] « Séléka » signifie « alliance » en sango, la langue nationale de la République centrafricaine.

[2] Human Rights Watch, «“Je peux encore sentir l’odeur des morts” : La crise oubliée des droits humains en République centrafricaine ».

[3] Human Rights Watch, « République centrafricaine : Les nouveaux dirigeants commettent de terribles exactions. L’ex-coalition de rebelles Séléka devrait rétablir la sécurité et apporter une aide », http://www.hrw.org/fr/news/2013/09/18/republique-centrafricaine-les-nouveaux-dirigeants-commettent-de-terribles-exactions. La Séléka s’appelle désormais « ex-Séléka », terme utilisé dans le présent rapport pour désigner ce groupe.

[4] Human Rights Watch, « “Je peux encore sentir l’odeur des morts” : La crise oubliée des droits humains en République centrafricaine » (septembre 2013).

[5] Entretien accordé à Human Rights Watch par Éric Zalo, membre du comité exécutif des forces anti-balaka à Wikamo, 2 novembre 2013.

[6] Entretien accordé à Human Rights Watch par Éric Zalo, membre du comité exécutif des forces anti-balaka à Wikamo, Wikamo, 2 novembre 2013.

[7] Entretien accordé à Human Rights Watch par l’imam Zakaria Mikael, imam de Zéré, Bossangoa, 2 novembre 2013 (qui a affirmé que 57 musulmans ont trouvé la mort lors de cette attaque) ; entretien accordé à Human Rights Watch par Hamid Oumar, chef de quartier de Zéré, Bossangoa, 31 octobre 2013 (selon qui 56 musulmans ont péri pendant cette attaque). Concernant les Mbororo, voir le rapport de Human Rights Watch intitulé « “Je peux encore sentir l’odeur des morts” : La crise oubliée des droits humains en République centrafricaine », septembre 2013, http://www.hrw.org/fr/reports/2013/09/18/je-peux-encore-sentir-l-odeur-des-morts-0 , p. 34 . Ou pour une description anthropologique de la société Mbororo, voir Philip Burnham, The Politics of Cultural Difference in Northern Cameroon (Édimbourg : Edinburg University Press, 1996).

[8] Entretien accordé à Human Rights Watch par l’imam Zakaria Mikael, imam de Zéré, Bossangoa, 2 novembre 2013.

[9] Ibid.

[10] Entretien accordé à Human Rights Watch par l’imam Zakaria Mikael, imam de Zéré, Bossangoa, 2 novembre 2013 ; entretien accordé à Human Rights Watch par Hamid Oumar, chef de quartier de Zéré, Bossangoa, 31 octobre 2013.

[11] Entretien accordé à Human Rights Watch par l’imam Zakaria Mikael, imam de Zéré, Bossangoa, 2 novembre 2013.

[12] Entretien accordé à Human Rights Watch par une résidente du village de Zéré, Bossangoa, 1er novembre 2013.

[13] Ibid.

[14] Entretien accordé à Human Rights Watch par l’imam Zakaria Mikael, imam de Zéré, Bossangoa, 2 novembre 2013 ; entretien accordé à Human Rights Watch par Hamid Oumar, chef de quartier de Zéré, Bossangoa, 31 octobre 2013.

[15] Ibid.

[16] Entretien accordé à Human Rights Watch par [identité non divulguée], Bossangoa, 1er novembre 2013.

[17] Entretien accordé à Human Rights Watch par un résident de Bandorok, Bossangoa, 1er novembre 2013.

[18] Ibid.

[19] Ibid.

[20] Ibid. Entretien accordé à Human Rights Watch par [identité non divulguée], Bossangoa, 1er novembre 2013.

[21] Entretien accordé à Human Rights Watch par une résidente d’Ouham-Bac, Bossangoa, 1er novembre 2013.

[22] Entretien accordé à Human Rights Watch par un résident de Bodora, Bossangoa, 3 novembre 2013.

[23] Ibid.

[24] Ibid.

[25] Ibid.

[26] Ibid.

[27] Entretien accordé à Human Rights Watch par un résident de Votovo, Bossangoa, 3 novembre 2013. Son récit de l’attaque a été corroboré par plusieurs autres résidents de Votovo interrogés par Human Rights Watch. Entretiens accordés à Human Rights Watch par des résidents de Votovo, Bossangoa, 3 novembre 2013.

[28] Ibid.

[29] Entretien accordé à Human Rights Watch par un résident de Votovo, Bossangoa, 3 novembre 2013.

[30] Entretien accordé à Human Rights Watch par un résident de Votovo, Bossangoa, 3 novembre 2013.

[31] Parmi les 21 personnes portées disparues figurent 17 enfants : Zakaria Barka, 7 ans ; Shaibou Bouba, 7 ans ; Halidou Barka, 5 ans ; Hamadou Seini, 8 ans ; Moussa Seini, 5 ans ; Abassi Bouba, 13 ans ; Kaltoumi Djibo, 16 ans ; Djouli Bouba, 10 ans ; Salma Bella, 17 ans ; Djala Bouba, 13 ans ; Fadi Bouba, 10 ans ; Hawa Seini, 13 ans, et ses deux sœurs Hamina Seini, 4 ans, et Fane Seini, 8 mois ; Fadi Baraka, 7 ans ; Kaltouma Baraka, 2 ans ; et Ade Djibo, 5 ans. Quatre femmes sont également portées disparues : Lady Sankara, 50 ans, et ses deux filles Gueba Djibo, 25 ans, et Djidja Djibo, 20 ans ; et Djidjia Bouba, 30 ans (épouse d’Adam Bouba, tué par balle).

[32] Entretien accordé à Human Rights Watch par un résident de Votovo, Bossangoa, 3 novembre 2013.

[33] Entretien accordé à Human Rights Watch par Ousman Abakar, Bossangoa, 5 décembre 2013 ; entretien accordé à Human Rights Watch par un résident de Boro, Bossangoa, 6 décembre 2013.

[34] Ibid.

[35] Entretien accordé à Human Rights Watch par un résident de Boro, Bossangoa, 6 décembre 2013.

[36] Ibid.

[37] Ibid.

[38] Entretien accordé à Human Rights Watch par Hadija Oumar, Bossangoa, 31 octobre 2013 ; entretien accordé à Human Rights Watch par Daoud Mohammed, Bossangoa, 31 octobre 2013.

[39] Entretien accordé à Human Rights Watch par [identité non divulguée], Bossangoa, 31 octobre 2013. Cette femme, qui ne s’était pas encore remise de la blessure par balle qu’elle avait reçue à la tête, était trop faible pour donner les âges des victimes lors de son entretien avec Human Rights Watch.

[40] Entretien accordé à Human Rights Watch par [identité non divulguée], Bossangoa, 31 octobre 2013.

[41] Ibid.

[42] Entretien accordé à Human Rights Watch par [identité non divulguée], Bossangoa, 31 octobre 2013.

[43] Ibid.

[44] Entretien accordé à Human Rights Watch par [identité non divulguée], Bossangoa, 1er novembre 2013 ; entretien accordé à Human Rights Watch par [identité non divulguée], Bossangoa, 31 octobre 2013.

[45] Entretien accordé à Human Rights Watch par [identité non divulguée], Bossangoa, 1er novembre 2013.

[46] Entretien accordé à Human Rights Watch par [identité non divulguée], Bossangoa, 2 novembre 2013.

[47] Entretien accordé à Human Rights Watch par [identité non divulguée], Bossangoa, 31 octobre 2013. Ce témoin ignorait le nom du berger Mbororo qui avait été tué lors de l’incident.

[48] Entretien accordé à Human Rights Watch par [identité non divulguée], Bossangoa, 31 octobre 2013.

[49] Liste transmise à Human Rights Watch, 1er novembre 2013.

[50] Le général Yaya a été tué le 4 décembre lors d’une attaque lancée par les anti-balaka à Bangui.

[51] Entretien accordé à Human Rights Watch par [identité non divulguée], 28 novembre 2013.

[52] Entretien accordé à Human Rights Watch par un survivant de la noyade, [identité non divulguée], 5 décembre 2013. Human Rights Watch a réalisé des entretiens approfondis avec les trois survivants.

[53] Ibid.

[54] Ibid.

[55] Entretien accordé à Human Rights Watch par [identité non divulguée], Bossangoa, 1er novembre 2013.

[56] Entretien accordé à Human Rights Watch par [identité non divulguée], Bossangoa, 1er novembre 2013.

[57] Entretien accordé à Human Rights Watch par [identité non divulguée], Bossangoa, 3 novembre 2013.

[58] Entretien accordé à Human Rights Watch par [identité non divulguée], Bossangoa, 3 novembre 2013.

[59] Ibid.

[60] Entretien accordé à Human Rights Watch par un résident du quartier Sembe de Bossangoa, Bossangoa, 3 novembre 2013.

[61] Entretien accordé à Human Rights Watch par un résident du quartier Tipoyeur de Bossangoa, Bossangoa, 3 novembre 2013.

[62] Ibid.

[63] Entretien accordé à Human Rights Watch par [identité non divulguée], Bossangoa, 1er novembre 2013.

[64] Ibid.

[65] Entretien accordé à Human Rights Watch par [identité non divulguée], Bossangoa, 1er novembre 2013 ; entretien accordé à Human Rights Watch par un journaliste étranger témoin de l’incident, Bossangoa, 1er novembre 2013.

[66] Entretien accordé à Human Rights Watch par une résidente du quartier Bali de Bossangoa, Bossangoa, 1er novembre 2013.

[67] Ibid.

[68] Entretien accordé à Human Rights Watch par une résidente du quartier Bonjili de Bossangoa, Bossangoa, 1er novembre 2013.

[69] Le témoin ne se souvenait pas de la date exacte de l’attaque, estimant qu’elle s’était produite « trois semaines/un mois » avant cet entretien réalisé le 3 novembre. Cependant, d’après des données satellitaires relatives à la détection d’incendies, plusieurs villages situés sur la même route ont été mis à feu le 27 septembre, soit un peu plus d’un mois avant que Human Rights Watch n’ait interrogé ce témoin.

[70] Entretien accordé à Human Rights Watch par un résident de Bogouna, Bossangoa, 3 novembre 2013.

[71] Ibid.

[72] Entretien accordé à Human Rights Watch par un résident de Tamkouru, Bossangoa, 1er novembre 2013.

[73] Entretien accordé à Human Rights Watch par un résident de Wikamo, Wikamo, 3 novembre 2013.

[74] Ibid. ; entretien accordé à Human Rights Watch par Éric Zalo, Wikamo, 3 novembre 2013.

[75] Entretien accordé à Human Rights Watch par une résidente de Wikamo (mère de la victime Nicole Faraganda), Wikamo, 3 novembre 2013.

[76] Entretien accordé à Human Rights Watch par des résidents d’Ouham-Bac, Ouham-Bac, 3 novembre 2013.

[77] Ibid.

[78] Ibid.

[79] Ibid.

[80] Ibid.

[81] Ibid.

[82] Ibid.

[83] Entretien accordé à Human Rights Watch par un résident d’Ouham-Bac (père de la victime Martial Redebonna), Ouham-Bac, 3 novembre 2013.

[84] Ibid.

[85] Ibid. Les combattants ex-Séléka de Bozoum avaient assisté à une réunion avec des villageois locaux non loin d’Ouham-Bac au moment où l’attaque s’est produite.

[86] Au 30 septembre 2013, d’après les estimations de l’ONU, le conflit avait fait 394 979 personnes déplacées internes, et 64 717 nouveaux réfugiés de la République centrafricaine avaient fui vers des pays voisins. Voir Bureau des Nations Unies pour la Coordination des affaires humanitaires (OCHA), Central African Republic: Situation Report No. 30 (au 8 décembre 2013, disponible sur en anglais : https://car.humanitarianresponse.info/fr/system/files/documents/files/Situation%20Report%2030_EN.pdf).

[87] Voir Human Rights Watch, République centrafricaine, « État d’anarchie : Rébellions et exactions contre la population civile », septembre 2007, http://www.hrw.org/fr/reports/2007/09/14/tat-d-anarchie.

[88] Josh Lyons, Human Rights Watch. « Point de vue : RCA - Comment un crime de guerre est visible de l'espace», 26 novembre, 2013,http://www.hrw.org/fr/news/2013/11/26/point-de-vue-rca-comment-un-crime-de-guerre-est-visible-de-lespace.

[89] Entretien accordé à Human Rights Watch par Raphaël Newane, Ndjo, 5 novembre 2013.

[90] Entretien accordé à Human Rights Watch par un résident de Ndjo, Ndjo, 5 novembre 2013.

[91] Pour lire une évaluation détaillée, consulter le Cluster Éducation interagences de l’ONU, « A Step Back: The Impact of the Recent Crisis on Education in the Central African Republic », septembre 2013, qui peut être consulté à l’adresse https://car.humanitarianresponse.info/fr/system/files/documents/files/EC%20CAR%20-%20Impact%20crisis%20on%20education%20-%20Evaluation%20Report%20EN.pdf. Cette évaluation a été réalisée avant que de nouveaux combats n’éclatent, entre autres, dans les provinces de l’Ouham et de l’Ouham-Pendé ; par conséquent, le nombre réel d’élèves qui ne vont actuellement pas à l’école est sans doute encore plus élevé que les 70 % estimés dans le rapport d’évaluation.

[92] « A Step Back », p. 20.

[93] Ibid.