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Macron a gagné une bataille, mais la guerre contre le populisme en Europe est encore longue

Comment rebondir sur la victoire de Macron et faire avancer la lutte contre cette dangereuse tendance?

Bonne nouvelle en France! Et après?

Quand Emmanuel Macron a gagné face à Marine Le Pen, tous ceux qui s'inquiétaient de la montée du populisme extrémiste ont poussé un soupir de soulagement. Avec le double de voix que son adversaire, cette victoire a exprimé le "non" ferme des électeurs français à la politique de haine et d'intolérance anti-musulmans et anti-immigrés de Marine Le Pen. Nous avons déjà eu un aperçu de la politique d'ouverture de Macron lorsque, recevant le président russe Vladimir Poutine à Versailles, il s'est exprimé publiquement contre la persécution des homosexuels en Tchétchénie, la répression de la société civile russe et l'usage de propagande qui est fait de certains media russes pour répandre de fausses informations.

Pour autant, ce triomphe des idées de tolérance et de démocratie ne saurait à lui seul susciter un excès d'optimisme. Le parti de Le Pen peut encore faire de bons scores aux élections législatives de juin. Les populistes sont toujours au pouvoir en Hongrie et en Pologne, et l'Union européenne a tardé à réagir au démantèlement tout contre-pouvoir à l'exécutif auquel ils se livrent et à leur mépris pour les valeurs de tolérance et d'ouverture chères à l'UE. Au même moment, la Première ministre britannique Theresa May a clairement indiqué que son gouvernement ne visait pas seulement le Brexit, mais aussi à limiter l'application des normes de droits humains, que ce soit en abrogeant la loi britannique du même nom ('Human Rights Act') ou en se retirant de la Convention européenne des droits de l'homme.

Au-delà des frontières de l'UE, ce sont des populistes, sous une forme ou une autre, qui sont au pouvoir en Turquie, en Russie, en Égypte, en Inde, aux Philippines et bien entendu aux États-Unis. Chacun de ces chefs d'État a affiché, au nom du "peuple", sa volonté de fouler aux pieds les droits des minorités défavorisées et même, souvent, toute forme de critique.

Alors, comment rebondir sur la victoire de Macron et faire avancer la lutte contre cette dangereuse tendance?

Il est utile de commencer par examiner les inquiétudes d'une partie de la population exploitées par les populistes. Si ces derniers excellent à offrir des solutions simplistes à des problèmes complexes –typiquement en faisant des plus vulnérables des boucs émissaires –, cela ne doit pas nous détourner des griefs bien réels qui permettent leur essor.

L'économie mondialisée et les bouleversements technologiques ont donné à un grand nombre de travailleurs le sentiment d'être laissés pour compte, subissant perte d'emploi ou baisse de pouvoir d'achat. Clairement, les dirigeants ayant accepté la théorie économique selon laquelle la libéralisation des marchés allait développer l'économie au bénéfice de tous, ont négligé la manière dont ces richesses seraient distribuées et dont les travailleurs dont les emplois ont été délocalisés seraient affectés.

La défense contre le populisme ne peut s'élaborer efficacement qu'à travers un filet de sécurité social suffisant, des mesures pour améliorer la formation professionnelle et résorber le chômage, ainsi qu'à travers un partage plus équitable des bénéfices de la croissance économique, notamment en rectifiant les politiques fiscales favorisant injustement les plus riches.

Se défendre contre le populisme nécessite également de s'occuper des questions de l'immigration et de l'intégration. Les gens sont poussés vers l'Europe et l'Occident par des motifs impérieux: les persécutions, la pauvreté et les conflits qui les poussent à l'exil couplés au besoin de main d'œuvre des pays occidentaux devant compenser le déclin de leurs populations. Pourtant les pays européens n'ont pas brillé par leur capacité à intégrer les communautés immigrées, comme l'illustre parfaitement l'étendue du désespoir dans certaines banlieues de Paris. Contrer le populisme, exige aussi une plus grande attention aux obstacles à l'intégration, comme les discriminations en matière de logement, d'éducation, d'emploi et de maintien de l'ordre. Cela nécessite également un débat plus franc sur le bon équilibre à trouver entre immigration et intégration. En effet, l'incapacité d'un gouvernement à prendre les mesures nécessaires à une bonne intégration est le meilleur moyen de braquer l'opinion contre davantage d'immigration.

Enfin, et c'est sans doute le plus important, se défendre contre le populisme exige de se battre pour les valeurs démocratiques. On a trop souvent vu les politiciens des partis traditionnels réagir à une menace populiste par le mimétisme. C'est ce qu'a fait le Premier ministre hollandais Mark Rutte, en mars, lorsqu'il a vaincu de peu le populiste Geert Wilders. Singer les populistes dans l'espoir de récupérer des électeurs séduits par leur message, ne fait que légitimer ce message. Ainsi, même quand les populistes ne parviennent pas à se faire élire, leurs idées et leurs politiques gagnent du terrain.

De toute évidence, Macron a du pain sur la planche s'il veut tenir sa promesse de "tout [faire] pour que [les Français] n'aient plus aucune raison de voter pour les extrêmes". Mais pour l'heure, sa victoire rassure, parce qu'elle s'est fondée sur une défense vigoureuse des principes démocratiques, et notamment de leur expression à travers l'Union européenne. À l'instar de dirigeants comme Angela Merkel en Allemagne et Justin Trudeau au Canada, il a proclamé les valeurs essentielles des droits humains que les populistes rejettent. Il a récemment commencé à agir selon ces principes en rejetant beaucoup de ce que Poutine incarne de violation de ces valeurs.

Nous avons besoin de davantage de positions de ce genre. La montée des populismes a démontré que les démocrates et les groupes de défense des droits humains avaient tort de supposer que l'opinion partageait forcément les valeurs des droits humains, ou même que les gens comprenaient toujours l'importance de traiter autrui comme on voudrait l'être soi-même. Au fond, la défense contre le populisme ne pourra jamais s'opérer sans l'adhésion de l'opinion aux valeurs qui ont cimenté les sociétés démocratiques. Nous le voyons maintenant, ces valeurs nécessitent d'être sans cesse réaffirmées.

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