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À Goma, dans l'est de la RD Congo, un artiste proteste contre les tueries à travers la région des Kasaïs, dans le centre du pays, le 23 juin 2017. Quatre artistes ont été arrêtés ce jour-là, avant d'être libérés cinq jours plus tard. © 2017 Privé

La République démocratique du Congo fait face à une crise politique et économique qui ne cesse de s’aggraver. Le Président Joseph Kabila était censé quitter ses fonctions en décembre 2016 au terme de son second et dernier mandat autorisé par la constitution. Il est toutefois parvenu à se maintenir au pouvoir en retardant la tenue des élections et en supervisant une répression brutale contre ceux qui appelaient au respect de la constitution.

Un accord conclu sous la médiation de l’Église catholique et signé le 31 décembre contenait des engagements clairs quant à la tenue d’élections avant la fin de 2017 et précisait que Kabila ne briguerait aucun autre mandat ou ne tenterait pas de modifier la constitution. En outre, la principale coalition d’opposition allait prendre les rênes du gouvernement de transition et d’un conseil national de suivi de l’accord, et des mesures allaient être prises pour ouvrir l’espace politique. Ces engagements ont en grande partie été ignorés, et la perspective d’élections crédibles d’ici la fin de l’année semble de plus en plus improbable.

L’influente  Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) a adressé un message en juin pour alerter sur le fait que le pays allait « très mal » et pour appeler l’ensemble des Congolais à se mettre « debout » et à « prendre [leur] destin en main ». Ce message fait suite à un « appel urgent » lancé par l’ancien Secrétaire Général des Nations Unies Kofi Annan et neuf anciens présidents africains qui mettait en garde contre le « grave danger » qui menace l’avenir du pays.

Des Casques bleus de la mission de maintien de la paix en RD Congo (MONUSCO) passent devant des pneus en flammes lors d’une patrouille pendant les manifestations contre l’échec de la mise en œuvre de l’accord de la Saint-Sylvestre, à Kinshasa, le 10 avril 2017.  © 2017 Reuters

Alors que la répression se poursuit à l’encontre des opposants politiques, des activistes, des journalistes et des manifestants pacifiques, les actes de violence perpétrés par des dizaines de groupes armés et par les forces de sécurité du gouvernement se sont intensifiés dans une grande partie de la RD Congo – pays de la taille de l’Europe de l’Ouest et qui possède des frontières communes avec neuf autres pays. Le pays fait également face à une crise économique de plus en plus grave qui a contribué à un chômage massif parmi les jeunes. Ces dernières semaines, une série d’attaques contre des prisons apparemment bien organisées ont permis à plus de 5 000 détenus de s’évader, entretenant ainsi l’insécurité et infligeant une reculade de plusieurs années aux efforts de la justice.

Quelques-uns des actes les plus violents ont été commis dans la région des Kasaïs, située au centre du pays, qui jusqu’à récemment avait été en grande partie pacifique. Des violences de grande ampleur ont éclaté là-bas en août dernier lorsque les forces de sécurité du gouvernement ont tué un chef coutumier local dont la loyauté était remise en cause. Cet acte a déclenché une spirale de violence qui s’étend désormais dans cinq provinces et a provoqué le déplacement de plus de 1,3 million de personnes. Au moins 3 300 personnes ont été tuées, d’après l’Église catholique. Plus de 600 écoles ont été attaquées ou détruites et 1,5 million d’enfants sont affectés par la violence.

Les forces de sécurité du gouvernement ont répondu avec une force excessive, en exécutant sommairement des membres ou sympathisants suspectés d’une milice formée à l’origine en réponse à l’exécution du chef local. Dans certains cas, les soldats visitaient toutes les maisons et tuaient quiconque s’y trouvait. Ces douze derniers mois, une milice soutenue par le gouvernement, connue sous le nom de Bana Mura, a détruit des villages entiers et « tué, mutilé ou brûlé à mort » des centaines de villageois parmi lesquels des femmes enceintes, des bébés et de jeunes enfants, d’après les Nations Unies.

Au moins 42 charniers ont été identifiés dans la région et la plupart seraient l’œuvre des forces de sécurité du gouvernement.

C’est lors de leur enquête sur ces violations généralisées des droits humains en mars dernier que deux membres du groupe d’experts des Nations Unies sur la RD Congo – Michael Sharp, un Américain, et Zaida Catalán, une Suédoise – ont été exécutés et enterrés dans une fosse à faible profondeur. Le gouvernement n’a fourni aucune information crédible sur la responsabilité de ces meurtres. Les quatre Congolais qui les accompagnaient – leur interprète, Betu Tshintela, et trois conducteurs de moto – sont toujours portés disparus.

En juin, le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies a autorisé l’ouverture d’une enquête internationale sur les violences commises dans la région des Kasaïs. La décision, adoptée après des semaines de négociations intenses, ne va pas aussi loin que la situation l’impose. Mais elle fait naître l’espoir de découvrir la vérité sur ces crimes atroces et d’en identifier les responsables. Et c’est un pas vers la justice. Cependant, les récentes déclarations de plusieurs hauts représentants congolais – soutenant que le rôle international sera limité à un appui technique apporté à l’enquête congolaise – soulèvent des doutes.

Le président Joseph Kabila s'adresse à la nation au Palais du Peuple à Kinshasa, capitale de la RD Congo, le 5 avril 2017. © 2017 Reuters

Les États-Unis et l’Union européenne ont adopté une position ferme en demandant justice pour les meurtres des experts des Nations Unies et des milliers de victimes congolaises et ont récemment imposé de nouvelles sanctions ciblées contre de hauts responsables congolais. Les sanctions américaines ont montré que Kabila ne reçoit pas de la part de l’administration Trump le soutien inconditionnel que de nombreux fonctionnaires congolais espéraient.

Mais davantage pourrait être fait. Les États-Unis et l’UE pourraient aller plus loin et sanctionner également ceux qui ont aidé à financer Kabila et la campagne de répression et d’abus de son gouvernement. Les pays voisins de la RD Congo et d’autres acteurs régionaux – parmi lesquels l’Angola, dont le gouvernement semble de plus en plus préoccupé par l’incapacité de Kabila à résoudre les crises qu’affronte le pays – pourraient également adopter une position plus ferme en demandant instamment à Kabila d’assurer une transition démocratique pacifique avant la fin de l’année.

Il est encore temps de tenir compte des avertissements sévères de la conférence épiscopale et des anciens dirigeants africains et de mettre fin à l’escalade de violence, d’abus et d’instabilité qui menace à la fois la RD Congo et la région toute entière. Mais ceci implique un engagement fort et une pression soutenue, ciblée et bien coordonnée sur Kabila et son gouvernement à l’échelle nationale, régionale et internationale. Avec une situation sur le terrain qui est en train d’échapper à tout contrôle et l’échéance des élections à la fin de l’année qui approche rapidement, il n’y a plus de temps à perdre.

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