Merci M. le Président,
J’aimerais vous raconter l’histoire d’une petite fille de 5 ans, que nous appellerons « Marie » et qui vit dans la province du Kasaï-Central en République démocratique du Congo. Le 29 mars, Marie jouait dehors avec sa sœur, lorsqu’elles ont entendu des coups de feu. Leur mère leur a aussitôt dit de rentrer à l’intérieur et de se cacher sous le lit. Quand les coups de feu ont cessé, elles sont sorties de leur cachette.
Marie a ainsi décrit ce qui s’est passé ensuite : « Maman était assise sur sa chaise, allaitant le bébé, quand nous avons entendu des gens frapper à la porte. [Des militaires] sont entrés et [...] ont tiré sur Maman. Elle a crié et l’un des militaires l’a insultée, la traitant de ‘pourriture’. La balle a atteint Maman à la poitrine et a aussi frappé le bébé qu’elle tenait dans ses bras. J’ai commencé à crier et à pleurer. Ma grande sœur a essayé de se cacher sous la table, mais ils l’ont abattue elle aussi. Puis je me suis précipitée dehors. Mais alors que je m’enfuyais, ils ont tiré sur moi et j’ai été blessée par une balle au ventre. » Marie a survécu mais sa mère, sa grande sœur et le bébé sont tous morts ce jour-là.
Il s’agit là d’une des nombreuses histoires tragiques que nos collègues et nos partenaires congolais ont documentées dans les Kasaïs. Des centaines, peut-être même des milliers, de personnes ont été tuées depuis août dernier. Des équipes de défenseurs des droits humains ont découvert au moins 42 fosses communes, dont la majorité serait l’œuvre de l’armée congolaise. Environ 1,3 million de personnes ont été déplacées – plus que partout ailleurs dans le monde pendant la même période. Plus de 600 écoles ont été attaquées ou détruites et plus de 1,5 million d’enfants en sont affectés.
Des membres des forces de sécurité congolaises se sont rendus directement responsables de nombreuses violations des droits humains. Le gouvernement congolais a un lourd bilan en matière d’ingérence dans les affaires judiciaires politiquement sensibles et le système judiciaire s’est jusqu’à présent montré incapable d’effectuer des enquêtes crédibles sur les allégations de crimes.
Pendant encore combien de temps le Conseil des droits de l’homme va-t-il rester indifférent à cette situation qui s’aggrave ?
Le gouvernement congolais a failli à ses obligations d’enquêter sur les abus présumés commis dans les Kasaïs. Le Conseil devrait d’urgence organiser une enquête internationale indépendante – par une commission d’enquête ou par un mécanisme similaire – afin d’aider à ce que justice soit rendue. Si le gouvernement congolais n’a rien à cacher, il ne devrait pas s’opposer à une telle enquête.
Marie et les autres victimes de violences dans les Kasaïs comptent sur cela.
Je vous remercie.