1. Qu’est-ce que l’Armée de résistance du Seigneur (Lord’s Resistance Army, LRA) ?
2. Contre quoi la LRA lutte-t-elle depuis toutes ces années ?
3. En quoi consiste l’Opération anti-LRA menée par les États-Unis et pourquoi est-elle en place ?
4. Combien reste-t-il de membres de la LRA et où se trouvent-ils aujourd’hui ?
8. Que devrait faire l’ICR-LRA maintenant que le retrait des troupes américaines est en cours ?
1. Qu’est-ce que l’Armée de résistance du Seigneur (Lord’s Resistance Army, LRA) ?
L’Armée de résistance du Seigneur (LRA) est un groupe rebelle ougandais dont le leader est Joseph Kony. Ce groupe a été créé en 1987 dans le nord de l’Ouganda au sein de communautés de l’ethnie acholie. Les Acholis avaient souffert d’abus graves de la part des gouvernements successifs ougandais au cours de la période agitée des années 1970 et 1980. Joseph Kony, lui-même Acholi, et la campagne menée contre le gouvernement ougandais ont dans un premier bénéficié d’un certain soutien populaire mais ce soutien a décliné au début des années 1990 lorsque la LRA s’est montrée de plus en plus violente envers les civils, y compris ceux appartenant également à l’ethnie acholie. Le groupe a enlevé et tué des milliers de civils dans le nord de l’Ouganda et en a mutilé beaucoup d’autres. La brutalité à l’encontre des enfants s’est avérée particulièrement grave. Plusieurs campagnes militaires contre la LRA ont finalement poussé le groupe à traverser la frontière et gagner le sud du Soudan (aujourd’hui le Soudan du Sud) et, en 2005 et 2006, la République démocratique du Congo où la LRA est restée active pendant plusieurs années. Depuis 2008, la LRA est basée autour de la frontière avec la République centrafricaine. Même si la LRA n’est plus basée dans le nord de l’Ouganda et a vu nettement diminuer ses effectifs, le groupe continue de perpétrer des abus (à bien plus petite échelle cependant) contre des civils dans la zone frontalière reculée du Soudan, du Soudan du Sud, et de la République centrafricaine, dans le sud-est de la République centrafricaine, et dans les zones frontalières entre la RD Congo et la République centrafricaine.
En 2005, la Cour pénale internationale (CPI), basée à La Haye, a émis des mandats d’arrêt pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité à l’encontre des cinq principaux dirigeants de la LRA à l’époque : Joseph Kony, Vincent Otti, Okot Odhiambo, Raska Lukwiya et Dominic Ongwen. Les mandats ont été rendus publics en octobre 2005. Raska Lukwiya a été tué en 2006 et Vincent Otti à la fin de l’année 2007. Le corps d’Okot Odhiambo a été découvert en République centrafricaine début 2015.
Le 6 janvier 2015, les conseillers militaires américains travaillant aux côtés de la Force d’intervention régionale de l’Union africaine (African Union Regional Task Force) en République centrafricaine ont placé Dominic Ongwen en détention, jusqu’à ce qu’il soit finalement transféré devant la CPI.
Joseph Kony est toujours en liberté. On a pensé qu’il se cachait à Kafia Kingi, au Darfour, au Soudan. Toutefois, des rapports récents indiquent qu’il se serait déplacé sur le territoire de la République centrafricaine aussi récemment qu’en mars 2017.
2. Contre quoi la LRA lutte-t-elle depuis toutes ces années ?
D’après d’anciens combattants de la LRA, Joseph Kony a pour objectif annoncé de renverser Yoweri Museveni, le Président ougandais, et d’établir un gouvernement s’appuyant sur l’interprétation que fait Joseph Kony lui-même des Dix commandements de la Bible. Dans la mesure où la LRA n’opère plus en Ouganda, les objectifs politiques du groupe ne sont à l’heure actuelle pas clairs. Les tactiques mises en place par Joseph Kony au cours de ces dernières années semblent principalement destinées à assurer sa survie et, dans une moindre mesure, la survie de quelques hauts dirigeants de la LRA, bien que des dissensions en son sein soient apparues.
3. En quoi consiste l’Opération anti-LRA menée par les États-Unis et pourquoi est-elle en place ?
En 2009, une législation bipartisane a été présentée au sein des deux chambres du Congrès américain. Après une pression soutenue exercée par des groupes américains cherchant à mettre un terme à ce long conflit, en mai 2010, le Président Barack Obama a ratifié la Loi relative au désarmement de la LRA et à la relance du nord de l’Ouganda (LRA Disarmament and Northern Uganda Recovery Act). Cette loi a appelé le gouvernement américain à développer une stratégie complète visant à protéger les civils et à collaborer avec les gouvernements d’Afrique centrale afin « d’appréhender ou d’éliminer du champ de bataille de toute autre manière » les dirigeants de la LRA. En novembre 2010, le Président Obama a dévoilé sa stratégie, définissant quatre objectifs principaux quant à l’engagement américain dans la crise liée à LRA, à savoir arrêter les dirigeants de la LRA, protéger les civils contre les attaques de la LRA, encourager les évasions et désertions de la LRA et fournir une aide humanitaire aux communautés affectées.
Au départ, l’aide américaine a principalement été apportée sous la forme de soutien sur le plan de la logistique et des renseignements aux forces armées ougandaises. En 2011, le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine a finalement autorisé l’Initiative de coopération régionale pour l’élimination de la LRA (ICR-LRA) (Regional Cooperation Initiative for the elimination of the LRA (RCI-LRA)) dont la composante militaire est la Force d’intervention régionale (Regional Task Force, RTF). Alors que les forces opérationnelles de la RTF de l’Union africaine venaient principalement de l’armée ougandaise, en 2013 les États-Unis ont également formé du personnel militaire congolais spécialement pour la RTF. Les États-Unis ont annoncé en octobre 2011 qu’ils allaient envoyer 100 membres des Forces spéciales américaines en tant que conseillers militaires auprès de l’armée ougandaise et des autres forces présentes dans la région afin d’aider à appréhender les dirigeants de la LRA. Au cours des dernières années, avec le changement du lieu d’implantation principale de la LRA, de nombreux conseillers militaires américains et soldats de l’armée ougandaise déployés au sein de la RTF ont été basés dans le sud-est de la République centrafricaine, en dépit d’attaques permanentes de plus petite envergure menées par la LRA dans la RD Congo et le Soudan du Sud voisins.
Les États-Unis ont, depuis 2008, dépensé plus de 780 millions $US dans les activités anti-LRA. Outre leur soutien militaire, les États-Unis ont apporté une aide humanitaire aux communautés affectées par la LRA, tant dans le nord de l’Ouganda que dans d’autres pays où la LRA est présente. Les États-Unis ont également soutenu le développement de réseaux d’alerte rapide et la réhabilitation d’infrastructures, comme par exemple l’installation d’antennes de téléphonie mobiles dans les centres urbains clés que sont les districts du Haut-Uele et du Bas-Uele dans le nord du Congo, ainsi que l’installation de réseaux d’alerte similaire et des projets de radio communautaire dans les provinces du Haut-Mbomou et du Mbomou en République centrafricaine.
4. Combien reste-t-il de membres de la LRA et où se trouvent-ils aujourd’hui ?
Le nombre exact de membres de la LRA encore actifs n’est pas connu mais les personnes ayant interrogé des déserteurs estiment qu’il reste environ 120 membres dont environ 80 combattants armés. Le nombre de civils enlevés et d’enfants nés en captivité a varié au fil des années, mais il est actuellement estimé entre 80 et 100. Des groupes dissidents de membres de la LRA se déplaceraient entre l’enclave de Kafia Kingi dans le Darfour, au Soudan et la Haute-Kotto, en République centrafricaine.
5. Comment se sont traduits les efforts de lutte contre la LRA pour les habitants du sud-est de la République centrafricaine et des autres zones affectées par ce groupe armé ?
La présence de forces anti-LRA dans le sud-est de la République centrafricaine a eu un impact positif sur la sécurité générale pour les civils dans la région. La République centrafricaine est en crise depuis fin 2012, lorsque les rebelles de la Séléka à majorité musulmane ont engagé une campagne militaire contre le gouvernement de François Bozizé, entraînant la prise de la capitale, Bangui, en mars 2013. Leur action a été marquée par des violations des droits humains généralisées, allant jusqu’au meurtre de civils à grande échelle. La présence des forces américaines et ougandaises dans le sud-est a contribué à empêcher la Séléka d’atteindre cette zone à la mi-2013. Plus tard dans l’année 2013, les milices chrétiennes et animistes anti-balaka se sont organisées pour combattre la Séléka. Associant l’ensemble des musulmans à la Séléka, les anti-balaka ont mené des attaques de représailles contre les civils musulmans à grande échelle à Bangui et dans des parties de l’ouest du pays. Le centre et l’ouest du pays sont ainsi entrés dans une spirale de chaos, et il règne aujourd’hui une violence extrême dans les provinces de Ouaka et de la Haute-Kotto, ainsi que dans les zones occidentales de la province du Mbomou.
Les villes dans lesquelles les forces militaires américaines ou ougandaises sont présentes ont été parmi les zones les plus stables de la République centrafricaine au cours des quatre dernières années, malgré le contrôle limité du gouvernement sur cette zone. Tenir des groupes armés tels que la Séléka hors du sud-est a été l’un des avantages bénéfiques, bien qu’indirects, de la RTF de l’Union africaine.
6. Pourquoi les États-Unis se sont-ils retirés et quel impact ce retrait a-t-il sur les habitants de la République centrafricaine, du Soudan du Sud et de la République démocratique du Congo ?
Les États-Unis ont apporté davantage de soutien que tout autre gouvernement dans la lutte contre la LRA menée par des pays de la région d’Afrique centrale. Le 29 mars, les États-Unis ont annoncé qu’ils allaient mettre un terme aux opérations anti-LRA, en raison du net affaiblissement connu par la LRA. Le coût de la mission a également été un facteur dans la justification du terme mis aux opérations. Les Ougandais ont également annoncé leur retrait. En mai, la sécurité dans le sud-est était officiellement confiée aux forces de la République centrafricaine.
L’ampleur des attaques de la LRA contre des civils a diminué par rapport aux précédentes années, et les désertions ont privé la LRA d’hommes. Cependant, à bien des égards, le retrait n’aurait pas pu venir à un pire moment pour les civils du sud-est de la République centrafricaine dans la mesure où il risque d’aggraver une situation déjà précaire en termes de sécurité. À la fin de l’année 2016, la Séléka s’est divisée en plusieurs factions, dont certaines se sont alliées avec des groupes anti-balaka, et ces factions ont commencé à se battre entre elles. Cette violence a entraîné le meurtre de centaines de civils, au moins, dans le centre du pays. En mars, la violence s’est propagée vers l’est dans des zones qui avaient été stables pendant des années. Bakouma et Nzako, deux villes au nord-ouest de Rafaï dans la province du Mbomou, ont été le théâtre de combats intenses entre des groupes de la Séléka et de graves violations des droits humains ont été commises contre la population civile. Au mois de mai, au moins 100 civils ont été tués à l’issue de combats intenses à Bangassou, dans la province du Mboumou.
Le retrait des forces américaines et ougandaises implique que les combattants de la Séléka pourraient avoir le courage de se risquer à rejoindre des zones dans lesquelles ils craignaient auparavant de s’aventurer. Le conflit pourrait s’étendre et gagner Rafaï, Zémio, Djéma et Obo, des villes qui jusqu’à maintenant avaient été épargnées par la violence dans lequel le pays est plongé depuis ces quatre dernières années.
Les groupes de la Séléka n’ont aucun scrupule à tisser des alliances avec d’anciens ennemis – comme le démontre l’alliance entre une faction et des groupes anti-balaka au centre du pays – et la Séléka a déjà été en contact avec la LRA dans le passé. Si cela s’avérait dans leur intérêt, les groupes de la Séléka pourraient éventuellement se ranger du côté de la LRA et l’aider à reconstituer ses forces. Quel que soit l’avenir de ces groupes, les civils du sud-est de la République centrafricaine demeureront vulnérables aux attaques des divers groupes armés, la sécurité étant faible et la gouvernance peu efficace dans la région.
Dans le Soudan du Sud, pays voisin déchiré par la guerre, le vide sécuritaire entraîné par le retrait des forces anti-LRA pourrait bien inciter les rebelles soudanais du sud à rejoindre l’est de la République centrafricaine et s’en servir comme base. Les forces de l’Armée de libération du peuple du Soudan (Sudan People’s Liberation Army - SPLA) du gouvernement pourraient se rendre dans la région et reproduire les stratégies anti-insurrectionnelles abusives de la terre brûlée qu’elles mettent en œuvre dans le sud-ouest du Soudan du Sud depuis fin 2015.
Par ailleurs, le retrait des forces américaines pourrait aussi avoir un impact négatif sur la situation de la sécurité très instable dans le nord-est de la République démocratique du Congo. Les groupes dissidents de la LRA ainsi que les groupes armés, braconniers et bandits du Soudan du Sud continuent d’attaquer la population locale dans cette région isolée et sous-développée. Des enlèvements à grande échelle, essentiellement de courte durée pour transporter des marchandises pillées, ainsi que les embuscades, demeurent des évènements fréquents. L’arrivée en masse de dizaine de milliers de réfugiés fuyant les conflits sévissant en République centrafricaine et au Soudan du Sud au cours de ces dernières années est venue exercer une pression supplémentaire sur les communautés congolaises.
7. Quelles mesures les États-Unis devraient-ils mettre en place avant leur retrait complet afin d’améliorer les perspectives en matière de sécurité dans la région ?
Les retraits américain et ougandais vont créer un vide de sécurité et de protection dans le sud-est de la République centrafricaine, laissant les civils courir le risque que divers groupes armés prennent le contrôle et commettent des abus à leur encontre. En raison et en fonction d’une multitude de facteurs, la redynamisation éventuelle de la LRA reste une possibilité.
À ce jour, la seule force capable de sécuriser les villes et les villages pour la protection des civils est la mission de maintien de la paix des Nations Unies, à savoir la Mission multidimensionnelle intégrée pour la stabilisation en Centrafrique (MINUSCA). Cette mission a succédé à une mission de l’Union africaine en 2014 et dispose de forces comptant 12 870 hommes, mais est aujourd’hui en sous-effectif du fait des combats dans le centre et le nord-ouest du pays.
La MINUSCA est présente à Obo, où sont basées les activités anti-LRA pour la République centrafricaine, mais elle ne dispose pas actuellement de la logistique ou des effectifs pour surveiller l’ensemble de la région comme le faisaient les militaires ougandais et américains.
L’Armée centrafricaine, connue sous le nom des FACA (Forces armées centrafricaines), a été dissoute lorsque la Séléka a pris le pouvoir et s’est reconstituée au cours des dernières années grâce au soutien international. L’Union européenne a assuré la formation de deux bataillons et l’un d’eux a remplacé les forces militaires ougandaises à Obo. Cependant, des questions demeurent quant au niveau de préparation du bataillon.
Les États-Unis ont prononcé des déclarations selon lesquelles ils vont continuer d’assurer la formation des forces nationales qui poursuivent leur recherche de la LRA, comme le font les FACA, mais à ce jour peu d’informations quant à la manière dont cela va être mené sont disponibles et des inquiétudes subsistent quant au fait que cela pourrait aller à l’encontre de la législation américaine, compte tenu des antécédents d’abus commis par les FACA.
Afin d’éviter que le sud-est ne se trouve plongé dans le conflit violent plus vaste que connaît le pays, les États-Unis devraient appliquer plusieurs mesures initiales. D’abord, ils devraient céder à la MINUSCA des équipements tels que les véhicules et bâtiments utilisés dans l’action anti-LRA, permettant ainsi à la mission d’être prête à répondre à toutes violences ou attaques. Ensuite, ils devraient expliquer clairement la manière dont ils vont former les troupes des FACA, en supposant qu’elles remplissent les conditions requises des procédures de contrôle des droits humains, et commencer cette formation sans délai. Enfin, ils devraient recommander que le plafond autorisé des effectifs de la MINUSCA soit rehaussé, afin de permettre à la mission de trouver le personnel nécessaire pour combler le vide dans le sud-est.
8. Que devrait faire l’ICR-LRA maintenant que le retrait des troupes américaines est en cours ?
Le 12 mai, le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine a renouvelé le mandat de la mission jusqu’au mois de mai 2018. Toutefois, jusqu’à obtention d’un soutien financier international, la composante militaire de l’Initiative de coopération régionale pour l’élimination de la LRA (ICR-LRA) est à l’arrêt. L’Ouganda a déjà renvoyé un grand nombre de ses troupes chez elles.
Les forces ougandaises laissent derrière elles un héritage mitigé. Si elles ont joué un rôle clé en aidant à sécuriser la région, les allégations de crimes perpétrés par les troupes ougandaises, et notamment des abus sexuels, restent impunies. Avec ou sans soldats de l’Union africaine sur le terrain, il est essentiel que les civils qui, en République centrafricaine, ont l’impression que des soldats appartenant à la Force d’intervention régionale leur ont porté atteinte puissent avoir des recours et accès à la justice.
Human Rights Watch est particulièrement préoccupée par des allégations existantes d’exploitation et d’abus sexuels, ainsi que de violences sexuelles de la part de soldats ougandais déployés dans le sud-est de la République centrafricaine. La Circulaire du Secrétaire général des Nations unies de 2003 concernant la protection contre l’exploitation et les abus sexuels stipule que l’exploitation correspond à des situations dans lesquelles les filles et les femmes sont vulnérables et dans lesquelles il existe un rapport de force inégal. L’exploitation désigne « tout abus effectif ou toute tentative d’abus d’un état de vulnérabilité, d’un rapport de force inégal ou de rapports de confiance à des fins sexuelles, y compris mais non exclusivement en vue de tirer un avantage pécuniaire, social ou politique de l’exploitation sexuelle d’une tierce personne ».
Human Rights Watch a mené des entretiens avec 16 survivantes à Obo, dont certaines avaient eu un ou des enfants avec des soldats ougandais qui depuis sont partis. La majorité des femmes que nous avons interrogées participaient à un système offrant des relations sexuelles en échange d’argent ou de nourriture et étaient incitées à devenir l’« épouse locale » d’un soldat ougandais. De nombreuses filles et femmes ont raconté qu’il leur avait été promis de les emmener en Ouganda une fois la rotation du soldat terminée. Dans nombre de ces cas, les relations sexuelles se sont déroulées sur la base ougandaise. Les filles et les femmes ont indiqué que les soldats ougandais les avaient menacées pour qu’elles ne parlent pas aux enquêteurs ougandais ou des Nations Unies.
Quelques survivantes ont malgré tout tenté de déposer une plainte sur la base ougandaise et de chercher de l’aide à Obo. Trois femmes et une fille ont déclaré que leurs allégations avaient été ignorées tandis qu’une femme a dit avoir reçu un peu de nourriture et de médicaments pendant une durée limitée.
D’après les informations disponibles, les enquêteurs ougandais ont interrogé au moins six survivantes au cours de l’année écoulée, mais ces survivantes ont expliqué à Human Rights Watch qu’il n’y avait eu ni suivi ni communication d’informations à la suite de l’enquête. Les survivantes ont dit n’avoir aucun moyen de contacter les enquêteurs.
Les forces militaires ougandaises ont annoncé que des enquêtes seraient menées sur ces allégations.
Il demeure critique de veiller à ce que ces cas fassent l’objet d’une enquête en bonne et due forme et que les civils qui ont subi des préjudices dans le cadre des opérations anti-LRA aient accès à la justice et à des recours, et ce en dépit du retrait.
9. Que devraient faire l’Union européenne et les Nations Unies pour assurer la protection des civils maintenant que les États-Unis retirent leurs troupes ?
En République centrafricaine, la MINUSCA est la seule et unique force capable de maîtriser la menace de la LRA qui pèse sur les civils et le débordement dans le sud-est des violences qui touchent les provinces de Ouaka, de la Haute-Kotto et du Mboumou. La MINUSCA est mandatée par le Conseil de sécurité des Nations Unies pour protéger les civils sur l’ensemble du territoire de la République centrafricaine et endosse une responsabilité essentielle à cet égard. Elle devrait se servir du retrait des États-Unis et de l’Ouganda comme argument pour rehausser le plafond des effectifs de ses troupes afin de compenser la perte de ces forces internationales. En attendant elle va devoir s’appuyer sur une force qui est déjà en sous-effectif.
L’Union européenne a apporté un soutien critique et a formé les FACA. Ce soutien doit se poursuivre afin de permettre aux forces centrafricaines de régler à terme le problème de l’insécurité que les groupes armés font régner sur leur territoire.
Si les États de l’Union africaine peuvent proposer une stratégie pour arrêter Joseph Kony, les pays se doivent d’envisager d’apporter leur soutien à un plan de cette nature.
10. Que devrait-il se passer concernant le mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale en cours contre le leader de la LRA, Joseph Kony ?
Joseph Kony est inculpé de 12 chefs d’accusation de crimes contre l’humanité et de 21 chefs d’accusation de crimes de guerre commis dans le nord de l’Ouganda après le 1er juillet 2002, et ses forces sont impliquées dans nombres d’autres crimes graves perpétrés dans l’ensemble de l’Afrique centrale.
Joseph Kony devrait être arrêté et livré à la Cour pénale internationale (CPI) pour répondre des accusations pesant contre lui.
Le retrait de l’Opération anti-LRA soulève de nouveaux défis quant à l’arrestation de Joseph Kony dans la mesure où les ressources et l’expertise apportées par l’opération ne seront plus disponibles pour faciliter sa reddition. Si les avis sur l’impact de l’opération à ce jour sont partagés, il convient de noter que Dominic Ongwen a été mis en détention par les forces américaines dans le cadre de l’opération puis transféré devant la CPI en 2015.
Les États qui se sont engagés à ce que justice soit faite pour les crimes présumés de Joseph Kony vont devoir travailler ensemble pour élaborer une stratégie visant à avancer sur la question de l’arrestation de Joseph Kony en l’absence de l’Opération anti-LRA.
La CPI déclare que les parties qui sont des bailleurs de fonds dans la région (comme la France, les Pays-Bas et le Royaume-Uni, ainsi que l’Union européenne et les États-Unis) devraient prendre la direction des actions à mener en étroite collaboration avec les gouvernements régionaux.
La stratégie devrait comprendre des plans permettant une coordination permanente des forces présentes dans la région pour faire progresser l’opération de reddition tout en respectant et favorisant la protection des civils et devrait soutenir ces actions. Elle devrait également comporter des actions de diplomatie auprès des gouvernements des régions dans lesquelles Joseph Kony pourrait se trouver ou se déplacer afin de mettre en exergue l’importance permanente de sa reddition.