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En République centrafricaine, les bonnes nouvelles sont rares. Il m’a paru étrange de ressentir de l’allégresse ce matin-là dans l’enclave musulmane de Yaloké, en regardant 16 bergers peuls monter à bord d’un convoi des Nations Unies à destination du Cameroun. Les Peuls souriaient, heureux, et je l’étais aussi : ils allaient enfin retrouver leurs familles et la sécurité.
 
Avec quelque 500 autres membres de l’ethnie peule, ces bergers étaient pris au piège depuis plus d’un an sur une colline de Yaloké, à quelques heures de route au nord de la capitale Bangui. Ils ne pouvaient sortir seuls de cette enclave, non seulement par crainte d’être attaqués par les redoutables milices anti-balaka, mais aussi parce que les autorités locales et les forces internationales de maintien de la paix, sur les instructions du gouvernement de transition qui ne voulait pas donner l’impression d’être complice de nettoyage ethnique, les en auraient empêchés.
 
Au cours des douze derniers mois, j’ai effectué huit missions de recherche à Yaloké. Chaque visite m’a touché en plein cœur, alors que je recueillais des informations sur toujours plus de morts, d’événements déchirants et de situations désespérées. Le taux de mortalité était alarmant : 53 Peuls, pour la plupart des enfants et des personnes âgées, sont morts de malnutrition et de maladies qui auraient pu être évitées. Leurs corps sont enterrés dans un cimetière rudimentaire en bordure de l’enclave, juste derrière les toilettes.
 
Avec mes collègues, nous avons tenté sans relâche d’alerter le monde extérieur au sujet des conditions de vie déplorables des personnes vivant dans l’enclave de Yaloké, et sur la violation de leurs droits. Et puis les choses ont fini par bouger. Au mois de janvier, l’ONU et des organismes humanitaires ont commencé à fournir des aliments, des soins et des abris de meilleure qualité. En avril, les forces de maintien de la paix onusiennes ont entamé des opérations facilitant le départ des personnes qui souhaitaient partir.
 
Le virage le plus radical a été pris en mai : le Premier ministre, en visite à Yaloké, a déclaré que tous les Peuls étaient autorisés à se rendre où ils voulaient, en République centrafricaine ou dans un pays voisin.
 
Un grand-père peul qui m’avait confié sa détermination à rejoindre le Cameroun ou à mourir en essayant, a changé d’avis. « Avant, nous étions moins bien traités que des animaux et nous n’avions pas le droit de partir », a-t-il expliqué. « Mais à présent, on nous traite comme des êtres humains. Je vois que les dirigeants à Bangui se préoccupent maintenant de notre sort, et je suis prêt à tenter de rester dans mon pays. »
 
Ce sont de tels sentiments, le désespoir laissant la place à l’espérance, qui pourront mettre un terme à la violence qui a déchiré ce pays.

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