Au Niger, partager une invitation à une conférence de presse organisée par l'État peut vous valoir une peine de prison. C'est la réalité à laquelle ont fait face six journalistes nigériens qui ont été arrêtés le mois dernier lors de la dernière offensive de la junte militaire contre la liberté des médias.
Le 30 octobre, la police de Niamey, la capitale du Niger, a arrêté Moussa Kaka et Abdoul Aziz de Radio Télévision Saraounia, Ibro Chaibou et Souleymane Brah de la publication en ligne Voix du Peuple, Youssouf Seriba du site Les Échos du Niger et Oumarou Kané, fondateur du magazine Le Hérisson. Trois d'entre eux, Ibro Chaibou, Youssouf Seriba et Oumarou Kané, ont été placés en détention à la prison de Kollo, près de Niamey.
Leurs collègues pensent que ces arrestations sont liées à la diffusion sur les réseaux sociaux d'une invitation à une conférence de presse envoyée par la présidente du Fonds de solidarité pour la sauvegarde de la patrie du Niger. Ce fonds a été créé à la suite du coup d'État militaire de juillet 2023, et la junte affirme qu'elle l'utilise pour collecter des fonds destinés aux forces de sécurité de l'État. Lors de la conférence de presse, les autorités ont annoncé de nouveaux prélèvements obligatoires pour alimenter le fonds. L'invitation a ensuite été largement diffusée sur les réseaux sociaux par les détracteurs de ces nouvelles taxes.
Les autorités ont accusé les six journalistes d'avoir diffusé l'invitation au grand public et les ont inculpés de « complicité de diffusion de document de nature à troubler l'ordre public » en vertu de la loi de 2019 sur la cybercriminalité. La junte a modifié la loi en 2024 afin de rétablir des peines d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à cinq ans ainsi que des amendes pour production ou « diffusion de données de nature à troubler l'ordre public ou à porter atteinte à la dignité humaine ». La junte a utilisé cette loi formulée en termes vagues pour poursuivre les journalistes et faire taire les détracteurs.
Depuis le coup d'État, la junte nigérienne a restreint la liberté des médias, menaçant, harcelant et arrêtant arbitrairement des journalistes. Beaucoup pratiquent désormais l'autocensure par crainte de représailles. La junte a également réprimé l'opposition politique et les groupes de la société civile, et continue de détenir arbitrairement l'ancien président Mohamed Bazoum et son épouse, ainsi que le défenseur des droits humains Moussa Tiangari. En août, la junte a dissous quatre des principaux syndicats du secteur judiciaire, portant atteinte au droit des travailleurs à la liberté d'association et à l'indépendance du pouvoir judiciaire.
Les autorités nigériennes devraient immédiatement libérer Ibro Chaibou, Youssouf Seriba et Oumarou Kané, abandonner les poursuites contre les six journalistes et abroger la loi modifiée sur la cybercriminalité. D'autres journalistes risquent sinon d'être poursuivis et emprisonnés simplement pour avoir partagé une invitation.