Pour cette note de synthèse, le Centro de Estudios de Estado y Sociedad (Centre d’études de l’État et de la société, CEDES) a mené une recherche documentaire exhaustive entre mai 2020 et décembre 2023. Le CEDES a étudié les principales sources juridiques aux niveaux national et international, analysant un corpus de plus de 400 lois et réglementations émanant de 180 pays et de tous les systèmes internationaux et régionaux de protection des droits humains.9 Le CEDES a également examiné 13 affaires contentieuses devant des tribunaux internationaux qui mentionnaient explicitement l’objection de conscience. En outre, le CEDES a analysé 53 documents non contraignants publiés par des organismes internationaux et régionaux de protection des droits humains, y compris des observations finales sur les pays, des observations générales, des recommandations et d’autres déclarations.
Résumé
Toute personne a le droit humain de bénéficier du meilleur état de santé physique et mentale possible. Cela implique l’accès universel à des biens et services de santé de qualité sur un pied d’égalité, y compris l’accès à des services de santé sexuelle et reproductive et à des services d’avortement. L’objection de conscience dans les soins de santé permet aux professionnels de santé de refuser de pratiquer certains actes médicaux pour des raisons de conscience. Le sujet de l’objection de conscience dans les soins de santé, en particulier dans les soins d’avortement, a été largement abordé par les organismes de protection des droits humains dans plus de 60 documents. Cette note de synthèse décrit, systématise et analyse le développement législatif et réglementaire national et international de l’objection de conscience dans les soins de santé en général et dans l’avortement en particulier, dans le but de fournir un cadre complet pour l’élaboration de lois et de politiques de santé conformes aux normes internationales et qui protègent les droits des patient·e·s et des prestataires de soins de santé.
Le premier chapitre offre un aperçu global de l’évolution du consensus des droits humains international concernant l’objection de conscience dans les soins de santé. Cette analyse des interprétations adoptées par les organismes de protection des droits humains montre que le droit international n’oblige pas les États à reconnaître ou à autoriser l’objection de conscience dans les soins de santé, y compris dans les soins d’avortement, car le premier devoir de diligence d’un État s’exerce envers la personne qui a besoin de soins de santé.
Le deuxième chapitre présente les principales obligations des États qui reconnaissent l’objection de conscience dans les soins de santé, obligations qui sont imposées aux prestataires de soins de santé ou remplies par l’État lui-même (également appelées « garanties institutionnelles »). Ces obligations servent à garantir que l’invocation de l’objection de conscience respecte les droits à la fois des personnes nécessitant des soins de santé et des prestataires de ces services. Les organismes internationaux et régionaux de protection des droits humains considèrent de façon systématique que le recours à l’objection de conscience par un prestataire de soins de santé ne devrait jamais entraîner une limitation ou un refus de l’accès aux soins de santé, y compris aux soins d’avortement. Ainsi, si un État autorise l’objection de conscience dans les soins de santé, il doit en réglementer l’exercice. Lorsqu’un prestataire de soins de santé invoque l’objection de conscience, il doit le plus souvent respecter la procédure suivante : informer le ou la patient·e en temps utile qu’il exercera la clause de conscience, orienter le ou la patient·e vers un autre prestataire en temps voulu et informer le ou la patient·e de ses droits. Une autre limitation du recours à l’objection de conscience par un prestataire de soins de santé est qu’il ne peut pas faire valoir l’objection dans les situations d’urgence ou de soins d’urgence.
D’après les organismes de protection des droits humains, les obligations des États comprennent le devoir de réglementer clairement l’objection de conscience ; d’interdire l’objection de conscience institutionnelle ; d’établir des mécanismes d’orientation ; d’assurer la disponibilité suffisante de prestataires de soins de santé non objecteurs, y compris en recrutant des prestataires disposés à fournir des services d’avortement ; et d’instaurer et de mettre en œuvre des mécanismes de suivi, de surveillance et de sanction.
Le troisième chapitre décrit les arguments avancés par les organismes de protection des droits humains pour justifier les raisons pour lesquelles les États doivent réglementer le recours à l’objection de conscience afin de respecter et de protéger certains droits humains. Les organismes de protection des droits humains mentionnent trois groupes de droits comme base de ces obligations : les droits des patient·e·s qui accèdent aux soins de santé, y compris aux soins d’avortement, les droits des prestataires de soins de santé non objecteurs et les obligations des États concernant l’organisation et la fourniture des services de santé. Les droits des patient·e·s les plus importants invoqués sont leurs droits à la vie, à la santé et à l’intégrité personnelle ; à l’égalité et à la non-discrimination ; et à l’absence de traitement cruel, inhumain et dégradant. Les droits des prestataires de soins de santé non objecteurs de conscience concernent spécifiquement leur droit à travailler dans un environnement exempt de violence et de discrimination. Enfin, les arguments fondés sur les obligations des États reposent sur la démocratie et l’impact négatif de l’objection de conscience sur les services de santé.