Les routes de Kigali accueillent les Championnats du monde de cyclisme sur route de l'Union cycliste internationale, preuve selon l'organisme sportif du « parcours remarquable de transformation » et de l’« hospitalité chaleureuse » du Rwanda. Toutefois, la célébration de cet événement phare du cyclisme international ne peut masquer le mauvais bilan du Rwanda en matière de droits humains.
Le Rwanda a investi massivement dans les parrainages et l'organisation d'événements sportifs internationaux dans le cadre de sa stratégie de développement. Le pays a accueilli des événements sportifs majeurs, notamment un congrès de la FIFA et la Basketball Africa League, et a conclu des contrats avec des clubs de football européens de renom tels qu'Arsenal et le Bayern Munich. Le slogan « Visit Rwanda » est de plus en plus présent sur les maillots des athlètes, alors que le pays tente de se positionner comme une destination privilégiée pour les touristes, les fans et les investisseurs.
Cependant, promouvoir une image positive n’est pas suffisant pour le Rwanda ; il lui faut aussi faire taire toute critique. Human Rights Watch a documenté la répression de toute critique menée par le gouvernement tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de ses frontières, les détracteurs étant victimes d'un large éventail de tactiques, notamment des assassinats et des disparitions. Le harcèlement continu des détracteurs, réels ou présumés, pendant des années, a pratiquement réduit à néant l'espace dédié aux médias indépendants, aux partis d'opposition et à la société civile.
La dernière figure de proue de l'opposition, Victoire Ingabire, a été arrêtée en juin et fait l'objet de graves accusations pénales, tout comme 14 membres de son parti, dans le cadre d'un procès motivé par des considérations politiques. Cinq membres de partis politiques affiliés à Victoire Ingabire sont morts ou ont disparu dans des circonstances suspectes depuis 2017.
À quelques centaines de kilomètres des circuits de la course, le groupe armé M23, soutenu par le Rwanda, a commis des crimes de guerre dans l'est du Congo, notamment l'exécution sommaire de plus de 140 civils en juillet, l'une de ses pires exactions depuis sa résurgence en 2021.
Les championnats de cyclisme sur route risquent eux-mêmes d'être liés à des abus. Human Rights Watch a documenté le fait que les autorités rwandaises procèdent à des rafles et détiennent arbitrairement des travailleuses du sexe, des enfants des rues et d'autres personnes jugées « indésirables » avant des événements internationaux de grande envergure. L'événement pourrait également contribuer au sportswashing du Rwanda, soit l'utilisation d'événements sportifs et de partenariats pour occulter les violations des droits humains. Les fédérations sportives ont l'obligation d'exercer une diligence raisonnable en matière de droits humains avant les grands événements, afin de s'assurer qu'elles ne contribuent pas à des violations ou ne les dissimulent pas.
Le Rwanda devrait cesser de prendre pour cible ses détracteurs et mettre fin à ses opérations abusives à l'étranger. Pour sa part, l'Union cycliste internationale ne devrait pas fournir au Rwanda une couverture aussi facile pour son bilan médiocre en matière de droits humains.
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