Skip to main content
Faire un don

Rwanda : Arrestation d'une dirigeante de l'opposition

Victoire Ingabire rejoint en prison ses collègues détenus depuis trois ans

Victoire Ingabire, opposante politique et présidente du parti Dalfa-Umurinzi, à la Haute Cour de Kigali, au Rwanda, le 13 mars 2024. © 2024 Guillem Sartorio / AFP via Getty Images

(Nairobi) – Les autorités rwandaises ont de nouveau arrêté Victoire Ingabire, dirigeante d'un parti politique non enregistré, le 19 juin 2025, dans le cadre d'un long procès visant des figures de l'opposition politique, a déclaré aujourd'hui Human Rights Watch. Les autorités devraient la libérer, ainsi que toutes les autres personnes détenues pour des raisons politiques, et garantir les droits à la liberté d'expression, d'association et de réunion pacifique.

Victoire Ingabire a été arrêtée à son domicile à Kigali, la capitale du pays. Un tweet de l’Office rwandais d’investigation a indiqué que le parquet avait demandé son arrestation dans le cadre du procès en cours contre des membres de son parti. Le tweet déclarait qu'elle était poursuivie pour avoir formé un groupe criminel, et planifié des activités visant à inciter au désordre public.

« L'arrestation de Victoire Ingabire et ce procès ne sont que les exemples les plus récents des dangers auxquels s'exposent les opposants politiques au Rwanda », a déclaré Lewis Mudge, directeur pour l'Afrique centrale à Human Rights Watch. « Le message des autorités chargées des poursuites est clair : si vous osez briguer un mandat politique en dehors du parti au pouvoir, vous risquez l'emprisonnement. »

Victoire Ingabire a déjà passé près de huit ans en prison, de 2010 à 2018, à la suite d'un procès politiquement motivé. En 2012, elle a été condamnée à 15 ans de prison après avoir tenté de se présenter à l’élection présidentielle de 2010 ; elle était accusée de complot visant à renverser le gouvernement en place, et de négation du génocide rwandais de 1994. Elle a été graciée et libérée en septembre 2018. En mars 2024, un tribunal de Kigali a rejeté sa demande d’effacer son casier judiciaire et de lui permettre de se présenter à l'élection présidentielle de juillet 2024. Le président Paul Kagame a remporté l'élection avec plus de 99 % des voix.

Victoire Ingabire, qui était auparavant présidente du parti d'opposition non enregistré Forces démocratiques unifiées (FDU-Inkingi), a créé un autre parti, Développement et Liberté pour tous (Dalfa-Umurinzi), en novembre 2019. Les autorités rwandaises ont refusé d'enregistrer le parti ou de lui permettre de participer aux élections, et ont à plusieurs reprises arrêté, emprisonné et harcelé ses membres. Depuis 2017, cinq membres de ces partis sont morts ou ont disparu dans des circonstances suspectes.

En octobre 2021, sept membres de Dalfa-Umurinzi ont été arrêtés. Sylvain Sibomana, Alexis Rucubanganya, Hamad Hagenimana, Jean-Claude Ndayishimiye, Alphonse Mutabazi, Marcel Nahimana et Emmanuel Masengesho ont tous été placés en détention dans les jours qui ont précédé et suivi ce que le parti avait déclaré comme la « journée Ingabire », prévue le 14 octobre. Ce jour-là, Victoire Ingabire avait prévu de s'exprimer sur la répression politique au Rwanda, notamment sur les morts suspectes, les meurtres, les disparitions et les poursuites abusives.

Ces membres du parti sont en détention provisoire depuis lors, bien que leur procès n'ait commencé qu'à la fin de l'année 2024. Sylvain Sibomana avait déjà passé près de huit ans en détention, de 2013 à début 2021. Human Rights Watch avait suivi les précédents procès de ces personnes et d'autres membres de l'opposition, au cours desquels les accusés ont déclaré à la cour que les enquêteurs les avaient torturés pour leur extorquer des aveux.

Théoneste Nsengimana, un journaliste qui prévoyait de couvrir la journée Ingabire, est également détenu et jugé avec les membres du parti. Deux autres personnes, Claudine Uwimana et Josiane Ingabire (sans lien de parenté avec Victoire), sont également visées dans cette affaire, Josiane Ingabire étant jugée par contumace.

Le parquet fonde ses accusations, telles que complot en vue d'inciter à l'insurrection, sur l'acquisition par le groupe d'un livre intitulé « Blueprint for Revolution » (« Comment faire tomber un dictateur quand on est seul, tout petit et sans armes »), écrit par Srdja Popovic, et sur la participation à une session de formation organisée par l'organisation de l'auteur, le Centre pour les actions et stratégies non violentes appliquées (Center for Applied Non-Violent Actions and Strategies, CANVAS). Le livre et la formation portent sur les stratégies pacifiques de résistance à l'autoritarisme, telles que la protestation non violente, la non-coopération, le boycott et la mobilisation. Le parquet rwandais a utilisé le contenu du livre et de la formation, y compris l'utilisation de Jitsi – une plateforme de communication en ligne cryptée – et l'utilisation de pseudonymes pendant la formation, comme preuves d'actes criminels.

Les chefs d'accusation comprennent « la diffusion de fausses informations ou de propagande préjudiciable dans l'intention de susciter une opinion internationale hostile à l'égard du gouvernement rwandais » et « association de malfaiteurs ».

Le 17 juin, le tribunal a convoqué Victoire Ingabire à comparaître le 19 juin, car elle avait été citée pendant le procès. Après avoir été interrogée au tribunal sur les accusés et leurs déclarations, le panel de trois juges, apparemment insatisfait, a ordonné au procureur d'enquêter sur elle directement et a ordonné sa détention.

Les manifestations et mobilisations sociales offrent aux citoyens la possibilité de faire part de leurs doléances et griefs légitimes aux autorités de manière non violente. Les gouvernements ont la responsabilité de créer un environnement sûr permettant aux individus et aux groupes d’exercer leurs droits à la liberté de réunion pacifique, d'expression et d'association, a déclaré Human Rights Watch.

Le Front patriotique rwandais (FPR) au pouvoir contrôle étroitement l'espace politique du pays en combinant restrictions légales, surveillance et intimidation des figures de l'opposition et des voix indépendantes. Les détracteurs sont souvent victimes de harcèlement ou d'emprisonnement, ou sont contraints à l’exil. Ces dernières années, certains prisonniers politiques sont morts dans des circonstances obscures. La société civile et les médias opèrent sous de lourdes contraintes, avec des lignes rouges autour de la critique du gouvernement ou des forces de sécurité, ou de tout écart par rapport aux discours officiels sur le génocide.

La nouvelle arrestation de Victoire Ingabire intervient alors que le Rwanda fait l'objet d'une surveillance internationale accrue en raison de son soutien militaire au groupe rebelle M23 dans l'est de la RD Congo, accusations qui ont conduit à la suspension de certaines aides occidentales et à des sanctions de la part des États-Unis et de l'Union européenne.

« Il est plus que troublant que les autorités rwandaises considèrent une formation sur la manière de résister pacifiquement à l'autoritarisme comme preuve d’association de malfaiteurs et une incitation à l'agitation », a déclaré Lewis Mudge. « Au lieu d’emprisonner des membres de l'opposition et de les traduire en justice, le gouvernement devrait ouvrir l'espace démocratique du pays à un débat politique dont il a grandement besoin. »

GIVING TUESDAY MATCH EXTENDED:

Did you miss Giving Tuesday? Our special 3X match has been EXTENDED through Friday at midnight. Your gift will now go three times further to help HRW investigate violations, expose what's happening on the ground and push for change.
Région/Pays