- Les forces israéliennes ont occupé des écoles dans le sud du Liban lors des hostilités entre septembre et novembre 2024. Dans les semaines qui ont suivi, elles ont utilisé certaines d'entre elles comme casernes et semblent avoir intentionnellement vandalisé, pillé et détruit des biens scolaires.
- Les hostilités entre Israël et le Hezbollah ont eu un impact dévastateur sur l'accès des enfants à l'éducation, et le pillage d'au moins deux écoles semble constituer un crime de guerre.
- Les donateurs internationaux et les organismes d'aide devraient soutenir le gouvernement libanais afin d'assurer la reconstruction équitable des écoles dans le sud du Liban. Le Liban devrait également donner compétence à la Cour pénale internationale pour enquêter et poursuivre les crimes atroces commis depuis octobre 2023.
(Beyrouth, 6 août 2025) – Les forces terrestres israéliennes ont occupé des écoles dans le sud du Liban lors des hostilités avec le Hezbollah entre septembre et novembre 2024 et dans les semaines qui ont suivi. Dans au moins deux écoles, elles semblent avoir intentionnellement vandalisé, pillé et détruit des équipements scolaires, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui. Plusieurs actes de ce type ont constitué des crimes de guerre.
Alors que les enfants libanais subissent depuis plus de six ans d'importantes perturbations dans leur scolarité depuis la crise économique de 2019, le Liban et les gouvernements donateurs devraient donner la priorité à la reconstruction des infrastructures essentielles, notamment des écoles, de manière transparente, responsable et exempte de corruption.
« De nombreux villages situés près de la frontière dans le sud du Liban ont été rasés ; parmi les écoles qui s’y trouvent encore, plusieurs ont été vandalisées et au moins deux ont été saccagées par les forces israéliennes », a déclaré Ramzi Kaiss, chercheur sur le Liban à Human Rights Watch. « En pillant des écoles, les forces israéliennes ont manifestement commis des crimes de guerre, et ont compromis l'éducation des élèves libanais. »
Plus de 100 écoles dans le sud du Liban ont été détruites ou « gravement endommagées » depuis le début des hostilités en octobre 2023, selon le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF).
Entre janvier et mars 2025, des chercheurs de Human Rights Watch se sont rendus sur les sites de sept écoles dans le sud du Liban, près de la frontière avec Israel, situées dans sept villes et villages : Aita al-Shaab, Tayr Harfa, Naqoura, Yarine, Ramieh, Aitaroun et Bani Hayyan. Les chercheurs y ont documenté les dégâts et les destructions subis par ces écoles, ainsi que dans des villages environnants.
Dans cinq des sept écoles, Human Rights Watch a recueilli des preuves – notamment des produits alimentaires israéliens, d'autres déchets portant des inscriptions en hébreu et des graffitis en hébreu sur les murs et les tableaux des écoles – indiquant que les forces israéliennes avaient occupé les lieux ; de telles preuve d’occupation n’ont pas été trouvées dans les écoles d'Aitaroun et de Bani Hayyan, qui ont toutefois été endommagées, comme les cinq autres établissements.
Sites d'écoles au Sud-Liban occupées par les forces israéliennes
Human Rights Watch a mené des entretiens avec des directeurs et des administrateurs d’écoles, qui ont souhaité conserver l'anonymat, au sujet des conséquences sur l'accès des enfants à l'éducation. Human Rights Watch a également mené des entretiens avec des représentants de deux organisations humanitaires internationales qui ont également documenté des dégâts et des destructions d'écoles au Liban, ainsi que d'autres impacts sur l'éducation.
Les cinq écoles occupées ont subi des dégâts causés par des tirs d'armes légères et explosives. Dans chacune de ces cinq écoles, des graffitis et des inscriptions en hébreu et en anglais étaient encore visibles sur les murs et les tableaux des salles de classe. À Yarine et Naqoura, les éléments de preuve suggèrent que les forces israéliennes ont délibérément détruit et pillé les écoles, ce qui constitue des crimes de guerre. Suite au retrait des forces israéliennes, les salles de classe et les bureaux administratifs étaient endommagés, et avaient manifestement été saccagés. Les équipements scolaires qui s’y trouvaient encore, notamment des ordinateurs et du matériel pédagogique, étaient en grande partie détruits ou endommagés.
Les écoles d'Aita al-Shaab, de Tayr Harfa et de Ramieh ont subi d'importants dégâts, probablement dus à des combats terrestres. L'armée israélienne a déclaré avoir frappé l'école de Tayr Harfa parce que des membres du Hezbollah utilisaient le bâtiment scolaire. Les forces israéliennes l'ont ensuite occupé. Les directeurs d'école ont déclaré à Human Rights Watch que des biens scolaires avaient disparu. Toutefois, les chercheurs n’ont pas pu attribuer la responsabilité de la disparition des biens scolaires à la lumière des combats qui ont eu lieu dans ou autour des écoles, en plus du fait que ces villages et villes avaient été en grande partie vidés de leurs habitants depuis le début des hostilités le 8 octobre 2023.
Des graffitis en hébreu aperçus à l'école publique intermédiaire de Naqoura suggèrent que l'armée israélienne a continué d'occuper certaines écoles plusieurs semaines après le cessez-le-feu de novembre 2024.
Le 16 mai, Human Rights Watch a envoyé à l'armée israélienne, Tsahal – aussi appelée Israel Defense Forces (IDF), soit Forces de défense israéliennes (FDI) – une lettre présentant ses conclusions et comprenant plusieurs questions. Un porte-parole des FDI a répondu que l'armée israélienne « est parfois amenée à opérer depuis des bâtiments civils pendant des périodes variables, en fonction des besoins opérationnels et des circonstances sur le terrain ». Il a ajouté que « le vandalisme contre des biens civils est contraire aux valeurs de Tsahal, et constitue une violation de ses règlements » et que « les incidents exceptionnels soulevant des inquiétudes quant à un écart par rapport aux ordres et à la conduite attendue de Tsahal seront traités en conséquence ».
Le 4 juin, Human Rights Watch a en outre transmis une lettre au Hezbollah, demandant notamment si ce groupe armé avait occupé des écoles ou engagé des combats terrestres sur des sites d’écoles ou à proximité, mais n'a pas reçu de réponse.
Les violations graves des lois de la guerre commises par des individus avec une intention criminelle – c'est-à-dire délibérément ou par imprudence – constituent des crimes de guerre. Les crimes de guerre comprennent un large éventail d'infractions, telles que les attaques délibérées, indiscriminées et disproportionnées contre des biens civils, et le pillage. Les écoles et autres biens culturels, y compris certains biens publics, doivent être protégés : « Toute saisie, destruction ou dégradation intentionnelle de semblables établissements […] est interdite et doit être poursuivie. »
En 2015, le Liban a adhéré à la Déclaration sur la sécurité dans les écoles, un engagement politique international visant à protéger l'éducation en temps de guerre en renforçant la prévention et la réponse aux attaques contre les élèves, les enseignants, les écoles et les universités. Aux termes de cette déclaration, les gouvernements s'engagent à ce que leurs armées s'abstiennent d'utiliser les écoles et les universités à des fins militaires.
Israël n'a pas adhéré à la Déclaration sur la sécurité dans les écoles. Les alliés d'Israël devraient faire pression sur le gouvernement israélien pour qu'il cesse immédiatement les attaques délibérées, indiscriminées et disproportionnées contre les civils et les biens civils, y compris les écoles, et qu'il évite d'utiliser les établissements scolaires à des fins militaires.
Les donateurs internationaux et les agences humanitaires devraient soutenir le gouvernement libanais en vue d'assurer la reconstruction rapide des écoles et des autres infrastructures civiles essentielles. Afin de garantir l'obligation de rendre des comptes et la justice pour les graves abus commis, le gouvernement libanais devrait conférer à la Cour pénale internationale (CPI) la compétence pour enquêter sur les crimes internationaux commis sur le territoire libanais depuis octobre 2023, et engager des poursuites a cet égard.
« Des mesures urgentes de reconstruction sont nécessaires, afin que les dizaines de milliers de personnes déplacées puissent commencer à retourner dans leurs villages, et que les enfants puissent bénéficier pleinement de leur droit à l'éducation », a conclu Ramzi Kaiss. « Il est aussi important que le gouvernement libanais garantisse que justice soit rendue pour les abus et les crimes commis, notamment en conférant à la CPI la compétence pour enquêter sur de tels actes commis au Liban. »
Suite détaillée en anglais.
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