Depuis 2016, une violence brutale s'est installée dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest du Cameroun, où des groupes séparatistes armés tentent d'obtenir l'indépendance de ces deux régions anglophones minoritaires. Les attaques contre les communautés et les actes de banditisme y sont devenus la norme.
Les forces de sécurité gouvernementales ont été déployées pour mettre fin aux attaques et rétablir la stabilité, mais le conflit n'a fait que s'aggraver. Les forces de sécurité et les groupes séparatistes ont tous deux été responsables de graves abus à l'encontre des civils. Cependant, un épisode particulièrement effroyable met en lumière le rôle des forces de sécurité dans des attaques perpétrées de sang-froid, ainsi que les tentatives du gouvernement de retarder l'obligation de rendre des comptes.
Le 14 février 2020, des soldats camerounais et des membres armés de l'ethnie peule ont attaqué le village de Ngarbuh, dans la région du Nord-Ouest, tuant au moins 21 civils, dont 13 enfants, et brûlant des maisons. Les corps de certaines victimes ont été retrouvés carbonisés à l'intérieur de leurs maisons. Cette tuerie a ébranlé la communauté et a provoqué une onde de choc dans tout le pays. Cette attaque a été menée en représailles contre des habitants que les forces gouvernementales accusaient de collaborer avec les combattants séparatistes.
Le gouvernement a d'abord nié que ses troupes étaient impliquées dans le massacre, et a qualifié de fausses les allégations portées contre elles. Toutefois, sous la pression nationale et internationale, le président camerounais Paul Biya a mis en place une commission d'enquête en mars 2020. Le gouvernement a fini par admettre le rôle des forces de sécurité dans l'attaque, et a annoncé l'arrestation de deux soldats et d'un gendarme en juin 2020.
Un procès s'est ouvert en décembre 2020 devant un tribunal militaire à Yaoundé, la capitale. Cependant, le procès a connu de nombreux retards et a été entaché d'irrégularités. Les audiences ont été reportées à plusieurs reprises pour diverses raisons, notamment l'absence de juges et d'autres membres du tribunal. Les familles des victimes n'ont que peu participé à la procédure et le tribunal a refusé d'admettre des preuves essentielles, notamment des certificats de décès. Aucun officier de haut rang n'a été arrêté ni inculpé, et 17 miliciens d'origine peule, qui ont été inculpés de meurtre, sont toujours en liberté.
La dernière audience a eu lieu le 17 octobre 2024, et la prochaine est prévue pour le 20 février. En raison de la lenteur de la procédure, les familles des victimes se demandent si la justice sera un jour rendue.
Le procès du massacre de Ngarbuh est l'occasion pour le gouvernement de montrer à son peuple et au monde entier qu'il peut tenir ses officiers supérieurs pour responsables de leurs actes. La question est maintenant de savoir si le système judiciaire camerounais agira.