La semaine dernière, une délégation kenyane est arrivée en Haïti, pays déchiré par une crise ; cette visite ouvre la voie au déploiement d'une mission chargée d’aider la police haïtienne à lutter contre les groupes criminels à l'origine de la violence et du chaos à Port-au-Prince, la capitale du pays.
Cette mission, dirigée par le Kenya et autorisée par le Conseil de sécurité des Nations Unies en octobre 2023, devrait être déployée prochainement. La Mission multinationale d’appui à la sécurité (MMAS) a pour mandat est d’aider la police haïtienne à sécuriser les infrastructures clés et à lutter contre les groupes criminels, qui contrôlent la quasi-totalité de la capitale du pays et sont responsables d’abus généralisés.
Une délégation comprenant le commandant de la MMAS est arrivée le 20 mai, et évalué les préparatifs du gouvernement américain pour le déploiement de la mission. Le président kenyan William Ruto a récemment rencontré à Washington le président américain Joe Biden, qui s'est engagé à renforcer le soutien américain à la MMAS.
Une question clé est de savoir si les pays concernés prennent des mesures suffisantes pour garantir que la MMAS respecte les droits humains. Le gouvernement américain a confirmé à Human Rights Watch qu’il soumet tous les membres de la MMAS à une procédure de « vetting » (contrôle), comme l’exige la loi américaine, et que le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) collabore à la conception du cadre réglementaire de la mission. Le Conseil présidentiel de transition d’Haïti a annoncé que la police haïtienne superviserait les opérations de la MMAS et que le prochain conseil de sécurité nationale définirait plus précisément le type d’assistance fournie par la mission.
Le Conseil de sécurité des Nations Unies doit encore recevoir les informations nécessaires de la part de la MMAS sur les règles d’engagement, la diligence raisonnable en matière de droits humains pour les forces déployées, les garanties en matière de droits humains et les mécanismes de mise en œuvre de l’obligation de rendre des comptes.
La MMAS est également confrontée à des obstacles juridiques et financiers, eu égard notamment à une décision de la Haute Cour kenyane du 26 janvier qui a jugé inconstitutionnelle la décision de déployer des officiers de police en Haïti. Un appel a été déposé et une nouvelle action en justice fondée sur les mêmes motifs est prévue en juin. Le fonds fiduciaire de la mission a reçu 21 millions de dollars, une somme bien inférieure aux coûts opérationnels initiaux qui on été estimés à 600 millions de dollars.
Les Haïtiens ont besoin de toute urgence d’un soutien international respectueux des droits pour rétablir la sécurité. Les gouvernements, en particulier les États-Unis, la France, ainsi que ceux d’Amérique latine et des Caraïbes, devraient veiller à ce que la mission autorisée par l’ONU dispose des fonds, du personnel et des capacités techniques dont elle a besoin.
Pour éviter de répéter les échecs et les abus des réponses internationales passées, les membres du Conseil de sécurité de l'ONU devraient exiger de tous les pays fournisseurs de troupes qu'ils mettent en œuvre une solide politique de diligence raisonnable en matière de droits humains, y compris un mécanisme de surveillance indépendant, impliquant la société civile haïtienne, pour surveiller et rapport sur la conduite du personnel de la Police nationale d’Haïti et de la MMAS.
Compte tenu de la complexité de la crise haïtienne, il est indispensable d’adopter une approche globale fondée sur les principes des droits humains. Les Haïtiens méritent que des mesures robustes soient prises pour garantir le plein respect du droit international et de leurs droits humains, et la transparence à leur sujet.
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