La semaine dernière, Hassan Bouba, ministre de l’Élevage et de la santé animale de la République centrafricaine, a tenu une conférence de presse lors d’un déplacement ministériel. Il était à Ngakobo, une ville de la province de Ouaka. Il a parlé de la hausse des violences commises par les groupes armés dans la région, déclarant que c’était « inacceptable » et appelant à la « justice ».
Mais lui, plus que quiconque, devrait être confronté à la justice.
Bouba a été un des dirigeants de l’Unité pour la Paix en Centrafrique (UPC), un groupe rebelle qui a commis de graves crimes pendant des années dans toute la province de Ouaka. Les autorités l’ont arrêté en novembre 2021, pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité, suite à son inculpation par la Cour pénale spéciale (CPS), le tribunal hybride intégré au système judiciaire centrafricain pour juger les auteurs présumés de crimes de guerre. Mais, plus tard au mois de novembre 2021, des gendarmes ont fait sortir Bouba de prison et l’ont escorté jusqu’à son domicile, une opération que la CPS a décrite comme une « évasion ».
Depuis lors, il est resté un fugitif tout en occupant des fonctions de ministre, devenant ainsi un symbole de l’impunité dans le pays.
Le fait que Bouba ait donné une conférence de presse à Ngakobo est véritablement un comble. De 2014 à 2017, Human Rights Watch a documenté que 246 civils avaient été tués et 2 050 habitations avaient été détruites par les miliciens UPC de Bouba dans la province de Ouaka. Et ces chiffres pourraient être revus à la hausse ; nous n’avons pas pu vérifier des centaines de cas.
L’UPC a attaqué des camps pour personnes déplacées, notamment à Ngakobo. La mère d’un enfant tué lors d’une de ces attaques en 2015 nous a déclaré : « Nous étions tous allongés sur le sol alors que les balles sifflaient au-dessus de nous. Quelques minutes après le début des tirs, j’ai entendu Junior qui disait : ‘Je suis en train de mourir.’ J’ai vu qu’il ne respirait plus et qu’il avait reçu une balle dans la tête. » L’UPC a également violé de très nombreuses femmes et filles.
Bouba devrait comparaître en justice pour son rôle présumé dans la commission de graves crimes ou pour n’avoir rien fait pour les empêcher. Un mandat d’arrêt a été émis à son encontre et si Bouba était réellement préoccupé par la justice, il se livrerait de lui-même aux autorités. L'incapacité du gouvernement à soutenir la CPS et à assurer la réarrestation de Bouba trahit une absence de volonté politique lorsqu’il s’agit de mettre en pratique son engagement en faveur de la justice. Le gouvernement devrait réarrêter Bouba, au nom des victimes de Ngakobo et de nombreuses autres qui sont en droit de le voir rendre des comptes. Sans cela, la justice ne restera qu’un mot creux, comme Bouba le présume.