« Mes parents m'ont prévenu qu'ils me tueraient si jamais je quittais ce refuge », m'a confié Najla, une femme âgée d'une trentaine d'années. « Le pire, c’est que je n’ai personne pour me soutenir. » Depuis quelques années, elle vit dans un refuge à Herat, dans l'ouest de l'Afghanistan. Elle y était venue après avoir déposé auprès de la police une plainte accusant son mari de l’avoir battue à plusieurs reprises. Lorsque je lui ai parlé, les poursuites judiciaires contre son mari étaient encore en cours ; le tribunal n'avait toujours pas rendu de verdict dans cette affaire.
Le cas de Najla (pseudonyme), est semblable à celui de plusieurs autre femmes et filles afghanes avec qui j'ai parlé, et qui ont tenté d’obtenir justice dans des affaires de violence conjugale. Leur seul outil juridique était la loi afghane sur l’élimination des violences faites aux femmes, l’une des principales avancées pour les femmes de ce pays dans l'ère post-2001. Adoptée en 2009, cette loi offre aux femmes et aux filles afghanes une protection juridique contre la violence domestique, ainsi que l'accès à des soins de santé gratuits pour des survivantes, à une aide juridique et à des refuges.
Pour de nombreuses femmes fuyant les violences, ces refuges – entièrement financés par des donateurs étrangers – constituaient leur unique voie de secours. Déposer une plainte concernant des violences conjugales ou des agressions sexuelles n'a jamais été facile, mais avec l'accès à ces refuges, des femmes pouvaient échapper à des environnements dangereux et commencer une nouvelle vie. Aujourd’hui, de nombreuses femmes ont toujours un sentiment d’anxiété, parmi d’autres répercussions, après avoir subi pendant des années des violences et n’ayant accès qu’à très peu de ressources pour obtenir de l’aide.
Maryam (pseudonyme), qui avait 17 ans lorsque j’ai discuté avec elle dans un refuge situé dans la ville de Bamiyan, avait été violée et sa famille faisait pression pour qu'elle épouse son agresseur. Elle a refusé de le faire, et a préféré vivre dans un refuge, afin de se protéger de ses propres parents.
Suite à la prise de contrôle de l'Afghanistan par les talibans, l'avenir de Maryam, de Najla et d'autres femmes et filles comme elles s’est assombri. Les procureurs, juges et avocats qui avaient tenté de rendre justice aux femmes se maintiennent eux-mêmes dans l’ombre, craignant les représailles des talibans. Avec la fermeture des refuges qu'elles considéraient comme leur maison, elles n'ont d'autre choix que de retourner vivre chez leurs familles abusives. Les progrès durement acquis en Afghanistan, en matière de droits des femmes, sont en train de disparaître subitement, sous leurs yeux.
-------------