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Afghanistan : Les exactions des talibans suscitent une peur croissante

Des habitantes de la ville d’Herat ont décrit la suppression de leurs libertés individuelles du jour au lendemain

Un taliban surveillait un rassemblement de femmes qui manifestaient en faveur du respect de leurs droits à Herat, en Afghanistan, le 2 septembre 2021. © 2021 AFP via Getty Images

(New York, le 23 septembre 2021) – Dans la ville d’Herat, située dans l’ouest de l’Afghanistan, les talibans se livrent à des violations graves et généralisées à l’encontre des femmes et des filles, ont déclaré aujourd’hui Human Rights Watch et l’Institut des droits humains de San Jose State University (SJSU). Depuis qu’ils ont pris le contrôle d’Herat le 12 août 2021, les talibans y ont semé la peur parmi les Afghanes, y compris en recherchant les femmes qui avaient une certaine notoriété. Les talibans ont restreint la liberté de circulation des femmes à l’extérieur de leur domicile et leur ont imposé des codes vestimentaires obligatoires. Ils ont strictement limité leur accès à l’emploi et à l’éducation, ainsi que leur droit de réunion pacifique.

Des femmes d’Herat ont déclaré aux deux organisations que leurs vies avaient été complètement chamboulées le jour où les talibans ont pris le contrôle de la ville. Les femmes étaient auparavant employées en dehors de leur foyer ou étudiaient et jouaient des rôles actifs et souvent de leadership au sein de leurs communautés. Immédiatement après l’arrivée des talibans, ont-elles relaté, elles se sont retrouvées piégées à leurs domiciles, craignant de s’en absenter sans un membre masculin de leur famille ou en raison des restrictions vestimentaires, leur accès à l’éducation et à l’emploi ayant fondamentalement changé ou complètement pris fin. Elles ont dit nourrir beaucoup d’anxiété sur le plan économique à la suite de la perte de leurs revenus et de leur incapacité à travailler. Elles ont également confié être en détresse et souffrir d’autres problèmes de santé mentale consécutifs à la fin abrupte des projets auxquels elles avaient œuvré des années durant.

« Pour les femmes d’Herat avec lesquelles nous nous sommes entretenues, la vie telle qu’elles la connaissaient a disparu du jour au lendemain, et elles se cachent à l’intérieur de leurs maisons, craignant que les talibans ne viennent les chercher », a déclaré Halima Kazem-Stojanovic, membre de l’Institut des droits humains de SJSU et chercheuse sur l’Afghanistan. « Pour ces femmes, le meilleur scénario possible est d’être indemne mais contrainte de vivre une existence considérablement limitée. Le pire pour elles, c’est de se trouver arrêtées ou attaquées pour leurs accomplissements passés ou leur combat en vue de préserver leurs droits acquis de haute lutte. »

Les chercheuses de Human Rights Watch et de l’Institut des droits humains de SJSU ont mené des entretiens téléphoniques approfondis en dari (l’une des principales langues parlées en Afghanistan) avec sept femmes basées à Herat, au sujet de leurs expériences depuis que les talibans se sont emparés de la ville. Ces sept femmes – dont des activistes, des enseignantes et des étudiantes –ont témoigné sous couvert d’anonymat, craignant pour leur sécurité.

Les Afghanes d’Herat ont été parmi les premières à organiser des manifestations pour défendre les droits des femmes après que les talibans ont pris le pouvoir à Kaboul et dans la majeure partie du pays. Les organisatrices et les manifestantes ont déclaré ne pas vouloir participer à des rassemblements anti-talibans ou ne pas soutenir l’ancien gouvernement, mais appelaient au respect de leurs droits : vivre sans crainte de représailles, y compris leurs familles ; pouvoir continuer à travailler sans avoir besoin d’un mahram (membre masculin de la famille jouant le rôle de chaperon); et pour que les filles au-dessus de la sixième retournent à l’école.

Quelques jours après la prise de contrôle de Herat par les talibans, un groupe de femmes a demandé à s’entretenir avec des dirigeants talibans locaux de leurs droits, et plusieurs jours après, elles ont pu rencontrer l’un d’entre eux. Cependant, il s’est montré inflexible, leur disant de cesser de parler de leurs droits et que si elles prêtaient allégeance aux talibans, une amnistie totale pour leurs activités passées leur serait accordée et peut-être même la possibilité d’occuper des postes au sein du nouveau gouvernement.

Certaines, estimant qu’elles n’avaient pas d’autre choix que de protester, ont organisé deux manifestations. Environ 60 à 80 d’entre elles ont pris part à la première, le 2 septembre, et les talibans ne sont pas intervenus. Mais leur réponse à la deuxième manifestation, le 7 septembre, a été violente et abusive. Leurs combattants ont fouetté les manifestants et tiré à l’aveuglette pour disperser la foule, tuant deux hommes et en blessant au moins huit autres. Les talibans ont par la suite interdit les manifestations qui n’avaient pas obtenu l’approbation préalable du ministère de la Justice à Kaboul, ordonnant aux organisateurs d’inclure des informations sur l’objet de toute manifestation et des slogans à présenter dans toute demande adressée au ministère.

« Les Afghanes ont le droit d’exprimer leurs opinions sur n’importe quel sujet, en particulier lorsque leurs droits les plus élémentaires – étudier, travailler et même s’absenter de leurs foyers – sont menacés », a déclaré Heather Barr, co-directrice par intérim de la division Droits des femmes à Human Rights Watch.  « Les talibans aggravent les abus qu’ils commettent à l’encontre des femmes en leur refusant également le droit de s’exprimer. »

Les femmes interrogées se sont dites particulièrement préoccupées du fait que les talibans appliqueraient à nouveau la politique consistant à leur demander d’être chaperonnées par un mahram à chaque fois qu’elles sortent de chez elles, comme l’ont fait les talibans lorsqu’ils étaient auparavant au pouvoir, de 1996 à 2001. Il leur était interdit de prendre part à la vie publique, d’avoir accès à l’éducation, à l’emploi et à la vie sociale, rendant difficile l’accès aux soins de santé. Cela les a également rendus complètement dépendantes des membres masculins de leurs familles, les empêchant de s’échapper si elles étaient victimes d’abus à domicile.

Zabiullah Mujahid, un porte-parole des talibans, a déclaré dans une interview à Kaboul le 7 septembre qu’être accompagnée d’un mahram ne serait requis que pour les voyages de plus de trois jours, et non pour les activités quotidiennes telles que le travail, l’école, les courses, les rendez-vous médicaux entre autres. Mais les responsables talibans à Herat n’ont pas été cohérents dans la mise en œuvre de cette politique. Certaines des femmes interrogées ont déclaré que les combattants talibans les avaient arrêtées dans les rues, dans les universités et dans d’autres lieux publics, et leur avaient interdit de vaquer à leurs occupations si elles n’étaient pas accompagnées d’un mahram.

« L’expérience des femmes d’Herat soulève de graves inquiétudes quant à la capacité ou volonté des dirigeants talibans à Kaboul de contrôler les actions de leurs membres à travers le pays en matière de droits humains, y compris ceux des femmes », a conclu Halima Kazem-Stojanovic. « Les dirigeants talibans devraient veiller à ce que leurs déclarations en faveur des droits humains soient respectées concrètement dans toutes les provinces afghanes. Leurs affirmations seront vides de sens si les femmes et les filles afghanes doivent vivre dans la peur constante d’être maltraitées par les talibans dans la rue. »

Suite en anglais, avec davantage d’informations : en ligne ici.

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