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Arabie saoudite : La stratégie d’embellissement d’image vise à dissimuler les abus

Human Rights Watch lance une campagne pour contrer les tentatives du royaume d’escamoter ses violations des droits humains

(Beyrouth) – Le gouvernement saoudien a dépensé des milliards de dollars pour accueillir d’importants événements dans les domaines du spectacle, de la culture et des sports, dans le cadre d’une stratégie délibérée visant à modifier auprès de la communauté internationale son image en tant que pays qui viole systématiquement les  droits humains, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Le 2 octobre 2020, Human Rights Watch a lancé une campagne à l’échelle mondiale pour contrecarrer les efforts du gouvernement saoudien visant à dissimuler son bilan déplorable en matière de droits.

Les deux années écoulées depuis l’assassinat brutal du journaliste Jamal Khashoggi par des agents saoudiens en octobre 2018 n’ont donné lieu à aucune mise en cause de responsables de haut rang impliqués dans ce meurtre. Depuis lors, le gouvernement du prince héritier Mohammed ben Salmane a été extrêmement actif dans l’organisation et le financement d’événements à haute visibilité mettant en vedette des personnalités internationales de premier plan dans les domaines des arts, des sports et de la notoriété, et il en prévoit de nombreux autres. Actuellement, l’Arabie saoudite assure également la présidence tournante du G20, forum de coopération économique internationale, dont elle accueillera le sommet des dirigeants fin novembre.

« Il est normal que les citoyens et les résidents d’Arabie saoudite puissent profiter d’événements de haute gamme en matière de spectacle et de sport, mais ils devraient également pouvoir jouir de droits humains fondamentaux tels que les libertés d’expression et de réunion pacifique », a déclaré Michael Page, directeur adjoint de la division Moyen-Orient à Human Rights Watch. « Par conséquent, lorsque des personnalités de Hollywood, des athlètes de renommée internationale et d’autres célébrités mondialement connues perçoivent de l’argent du gouvernement pour se produire en Arabie saoudite, tout en restant silencieux sur le bilan épouvantable de ce gouvernement dans le domaine des droits humains, ils participent à la stratégie du royaume consistant à blanchir le prince héritier Mohammed ben Salmane de ses abus. »

Ces investissements dans d’importants événements dans les domaines du spectacle, de la culture et des sports sont liés au projet Vision 2030 de Mohammed ben Salmane, un plan visant à rénover l'économie du pays et à attirer des investisseurs et des touristes étrangers. Parmi les programmes prévus par ce plan pour concrétiser cette vision, il en est un qui consiste à créer davantage d’options en matière de loisirs et de divertissement afin de « rehausser l’image internationale du Royaume. » 

Dans le cadre du projet Vision 2030, l’Arabie saoudite a investi massivement pour créer sa propre industrie du spectacle et attirer des talents de premier plan venus du monde entier. En mai 2016, elle a créé une Autorité générale des spectacles (General Entertainment Authority) dans le but d’investir 64 milliards de dollars dans les domaines de la musique, des spectacles, des sports, des arts et du cinéma, entre autres. Les ministères des Sports, du Tourisme et de la Culture sont également mobilisés.

Parmi les vedettes qui se sont produites en Arabie saoudite depuis 2018, figurent: Enrique Iglesias, Mariah Carey, Andrea Bocelli, Janet Jackson, 50 Cent, Jennifer Lopez et David Guetta. Les grands événements sportifs incluent le rallye Dakar 2020, le Tournoi saoudien de golf sur invitation, ainsi que des spectacles de catch professionnel télévisés à la carte organisés par la compagnie World Wrestling Entertainment (WWE). Le pays accueillera également un Grand Prix de Formule 1 à partir de 2023.

De tels événements peuvent servir à contrebalancer l’image négative projetée par les violations des droits humains commises par le gouvernement saoudien, notamment l’assassinat de Khashoggi, et à saper les efforts visant à faire rendre des comptes à certains responsables saoudiens, a déclaré Human Rights Watch.

La création par Mohammed ben Salmane d’une industrie du spectacle a été mise en œuvre en même temps que certaines avancées en matière de droits pour les femmes et les jeunes. Quoique importants et de large portée, ces changements ont également aidé à masquer une restriction drastique des droits civils et politiques depuis que Mohammed ben Salmane est devenu prince héritier en 2017. Pendant que la toute nouvelle industrie saoudienne du spectacle était saluée internationalement, les autorités saoudiennes ordonnaient simultanément des vagues d’arrestations arbitraires de dissidents, d’activistes, d’intellectuels et de membres de la famille royale.

De la même manière, sa promotion d’une vie sociale et culturelle a aidé l’Arabie saoudite à éviter un examen minutieux de son rôle dans le conflit armé actuellement en cours au Yémen. Sous la direction de Mohammed ben Salmane en tant que ministre de la Défense, la coalition menée par l’Arabie saoudite a, depuis 2015, bombardé des habitations, des marchés, des écoles, des hôpitaux et des mosquées, dans des attaques illégales qui ont causé la mort de centaines de civils et dont certaines pourraient constituer des crimes de guerre.

Human Rights Watch va s’efforcer de contrer les efforts saoudiens pour occulter ces abus, en lançant une campagne d’information auprès des industries du spectacle et des sports sur le bilan de l’Arabie saoudite en matière de droits humains, qui visera notamment des célébrités, des artistes et des sportifs de renom. Cette campagne s’adressera également aux organisateurs et aux participants aux grands événements internationaux parrainés par le gouvernement saoudien, les invitant à s’exprimer publiquement sur les questions relatives aux droits humains ou, lorsque l’objectif d’un événement est principalement de redorer l’image de l’Arabie saoudite, à ne pas y participer.

Depuis l’assassinat de Khashoggi, un certain nombre de célébrités et de personnes influentes sur les réseaux sociaux ont décliné des invitations à se rendre en Arabie saoudite, invoquant son bilan déplorable en matière de droits humains. Parmi elles figurent: Nicki Minaj, Emily Ratajkowski, Martha Hunt, John Cena et Daniel Bryan. Richard Branson a suspendu son partenariat avec l’Arabie saoudite pour son entreprise de tourisme spatial. En mars 2019, l’agence d’artistes Endeavour a renvoyé un investissement de 400 millions de dollars provenant d'un fonds souverain saoudien.

« Le gouvernement saoudien a tout fait, au cours des deux dernières années, pour escamoter l’assassinat de Jamal Khashoggi derrière un écran de spectacles publics et d’événements sportifs », a affirmé Michael Page. « Tant que les hautes autorités saoudiennes n’auront pas réellement établi les responsabilités pour ce meurtre et pour d’autres crimes, les personnes qui bénéficient silencieusement des largesses du royaume risquent de se faire les complices d’une opération de blanchiment des abus saoudiens. »

Le communiqué complet en anglais est en ligne ici.

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