(Beyrouth, le 22 avril 2020) - La mort le 18 avril d'une jeune femme de 20 ans à Najaf, en Irak, peut-être aux mains de son mari, devrait inciter le parlement à adopter le projet de loi contre les violences domestiques, a déclaré aujourd'hui Human Rights Watch. Les autorités irakiennes devraient enquêter sur tous les cas de ce type, mener des poursuites judiciaires et s’assurer que des peines appropriées soient prévues pour les violences faites aux femmes.
« Le fléau des violences domestiques perdure depuis trop longtemps en Irak », a déclaré Belkis Wille, chercheuse senior auprès de la division Crises et les conflits à Human Rights Watch. « Malgré la succession d’incidents dans lesquels des femmes ou des filles ont perdu la vie aux mains d’un membre de leur famille, les législateurs irakiens n'ont toujours pas pris les mesures nécessaires qui auraient pu sauver leurs vies. »
Le 12 avril, une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux a montré une jeune femme grièvement brûlée, dans sa chambre d’hôpital. Sa mère a déclaré à Human Rights Watch qu'il y a huit mois, sa fille avait épousé un policier qui par la suite lui a interdit de rendre visite à ses parents, hormis une exception. Le 8 avril, ce policier a appelé la mère pour lui dire que sa fille avait de « légères brulures » suite à un « accident », et se trouvait à l'hôpital.
Le 11 avril, la mère a finalement été autorisée à rendre visite à sa fille dans sa chambre d'hôpital. Sa fille lui a dit que trois jours auparavant, son mari l'avait battue si violemment qu'elle s’était aspergée d’essence et avait dit à son mari que s’il n’arrêtait pas de la frapper, elle s’immolerait.
« Je ne sais toujours pas si c’est lui qui a alors allumé le feu ou si elle l'a fait elle-même, mais elle m'a dit qu'elle avait brûlé pendant trois minutes alors qu'il la regardait simplement », a dit la mère. « Son beau-père, lui-même policier, est finalement entré dans la pièce et a éteint le feu. Elle les a suppliés de l'emmener à l'hôpital, mais ils ont attendu plus d'une heure avant de le faire. Son beau-père a ensuite prétendu à la police qu'il était son père, et a soutenu que l'incendie avait été un accident. »
La jeune femme est décédée le 18 avril. Le gouverneur de Najaf, Loai al-Yasiri, a déclaré à Human Rights Watch que les autorités avaient créé un comité d'enquête et arrêté le mari, son père et son oncle. Al-Yasiri a ajouté que cette affaire serait probablement réglée par une médiation au cours de laquelle le clan (« ashira ») de la famille du mari négocierait avec le clan de la famille de Samira, pour parvenir à un règlement non judiciaire de cette affaire.
Le problème des violences domestiques est largement répandu en Iraq. Une enquête sur la santé des familles en Irak (IFHS) menée en 2006/07 a révélé qu’une femme irakienne sur cinq était victime de violences domestiques. En 2012, une étude du ministère de la Planification a indiqué qu'au moins 36 % des femmes mariées avaient déclaré avoir subi une forme de violence psychologique de la part de leur mari. Les femmes mariées interrogées ont également affirmé avoir subi des violences verbales (23 %), sexuelles (9 %) et physiques (6 %).
Thikra Sarsim, directrice adjointe de Babel Tower, une organisation non gouvernementale à Bagdad, a déclaré à Human Rights Watch le jour de la mort de la jeune femme : « Elle ne sera pas la dernière, tant que la loi ne protégera pas les femmes. Mon organisation a documenté de nombreux crimes d'honneur au fil des ans, mais les certificats de décès les qualifient de suicides. »
La constitution irakienne interdit « toutes les formes de violence et d'abus au sein de la famille », mais seule la région du Kurdistan d'Iraq dispose d’une loi sur la violence domestique. Le code pénal irakien incrimine les agressions physiques, mais ne mentionne pas explicitement la violence domestique. L'article 41 (1) du code pénal confère même à un mari le droit de « punir » sa femme, « dans les limites prescrites par la loi ou la coutume ». Le code pénal prévoit des peines atténuées pour les actes de violence, y compris le meurtre, commis pour des « motifs honorables », parmi d’autres circonstances.
Les initiatives visant l’adoption par le parlement irakien d’un projet de loi contre les violences domestiques ont échoué en 2019, et jusqu’à présent en 2020.
Les mesures de lutte contre les violences domestiques sont particulièrement urgentes dans le contexte de la pandémie de Covid-19. Ainsi, ONU Femmes a averti que les mesures de confinement sont susceptibles de provoquer « une augmentation des [cas] de violence domestique pendant la crise ». De tels incidents ont été signalés en Afrique du Sud, au Brésil, en Chine, en France, au Kenya, au Kirghizistan, et au Royaume-Uni.
Communiqué complet en anglais :
www.hrw.org/news/2020/04/22/iraq-urgent-need-domestic-violence-law
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#Irak : Il est urgent d’adopter une loi sur les #violencesdomestiques, comme le rappelle le cas tragique d’une jeune femme décédée à la suite de graves brûlures. Les préoccupations sont encore plus vives dans le contexte du #confinement dû au #Covid19. https://t.co/FpTR05RKo2
— HRW en français (@hrw_fr) April 26, 2020
#Coronavirus en #Irak : avec le #confinement, les #violencesdomestiques ont augmenté. "On ne devrait pas avoir besoin d'une pandémie pour que les députés s'occupent de la pandémie des violences domestiques", selon @belkiswille @hrw. https://t.co/L9hmZGGM0D via @rtbfinfo #AFP
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