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Soudan : Démarches en vue de procès d’ex-dirigeants à la CPI

L’ex-président Omar el-Béchir pourrait enfin être jugé pour ses crimes présumés au Darfour

L'ex-président soudanais Omar el-Béchir, démis de ses fonctions en avril 2019, photographié lors d'une conférence de presse tenue au palais présidentiel  à Khartoum le 2 mars 2017. © 2017 Reuters

(Khartoum, le 12 février 2020) – Les dirigeants du Soudan affirment qu’ils coopéreront avec la Cour pénale internationale (CPI), ce qui pourrait signifier que l’ancien président Omar el-Béchir va enfin comparaître devant la justice pour les graves crimes internationaux commis au Darfour, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Le transfert à La Haye, où siège la CPI, des cinq ressortissants soudanais faisant l’objet de mandats d’arrêt émis par cette Cour constituerait un pas majeur dans les efforts visant à faire rendre des comptes aux auteurs de graves crimes, après des années d’obstruction, et signalerait au monde que le nouveau gouvernement de transition est déterminé à permettre que justice soit rendue à toutes les victimes d’abus au Soudan.

« Les victimes et leurs familles attendent depuis plus de 15 ans que justice soit faite pour les nombreuses atrocités commises au Darfour », a déclaré Kenneth Roth, directeur exécutif de Human Rights Watch. « Désormais, elles vont peut-être enfin voir l’ancien président el-Béchir et les autres suspects inculpés par la CPI comparaître devant cette Cour. » 

Mohammed Hassan al-Taishi, un membre du Conseil souverain qui dirige actuellement le Soudan, a annoncé cet engagement le 11 février 2020. Il a affirmé, devant des journalistes qui couvraient des négociations de paix avec des groupes rebelles afin de mettre fin aux guerres civiles qui déchirent le Soudan, que les parties s’étaient mises d’accord pour que la CPI soit l'un des quatre mécanismes de justice transitionnelle au Darfour, qui incluront également un tribunal pénal spécial et un processus de Vérité et Réconciliation au Soudan.  

« Nous sommes convenus que quiconque fait l’objet d’un mandat d’arrêt comparaîtra devant la CPI. Je le dis très clairement », a-t-il dit selon des informations parues dans la presse.

Le Premier ministre, Abdalla Hamdok, et le Conseil souverain ont confirmé l’engagement du gouvernement à coopérer avec la CPI, le 12 février lors de réunions à Khartoum avec Kenneth Roth et Mausi Segun, directrice de la division Afrique de l’organisation.

Le général Abel Fattah al-Burhan, qui préside le Conseil souverain, a déclaré à Human Rights Watch: « Nous nous sommes mis d’accord pour estimer que personne n’est au-dessus des lois et que des personnes comparaîtront devant la justice, que ce soit au Soudan ou à l’extérieur avec l’aide de la CPI. » Il a ajouté: « [N]otre collègue a annoncé hier… que nous coopérerons pleinement avec la CPI. »

El-Béchir a été destitué en avril 2019 après des mois de manifestations au Soudan, que les forces de sécurité du gouvernement ont violemment dispersées,  tuant des centaines de personnes, selon un décompte établi seulement depuis décembre 2018. Aux termes de l’accord de partage du pouvoir intervenu au Soudan et signé le 17 août 2019, le gouvernement de transition est dirigé par un Conseil souverain de 11 membres pour une période de trois ans, à l’issue de laquelle des élections doivent avoir lieu.

Les autorités de transition avaient précédemment insisté pour qu’el-Béchir soit jugé par des tribunaux soudanais, plutôt que transféré devant la CPI. En décembre, el-Béchir a été condamné à deux ans de prison pour corruption et blanchiment d’argent, mais ces chefs d’inculpation n’ont rien à voir avec les violations des droits humains ou les graves crimes internationaux dont il est accusé par la CPI. Les autorités soudanaises ont commencé à enquêter sur divers autres crimes et violations des droits humains commis depuis 1989, lorsque le gouvernement d’el-Béchir est arrivé au pouvoir.

À la CPI, el-Béchir est visé par cinq chefs d’accusation de crimes contre l’humanité, de deux chefs d’accusation de crimes de guerre et de trois chefs de génocide. Ces chefs d’accusation se rapportent à des allégations de meurtres, d’extermination, de déplacements forcés, d’actes de torture, d’attaques délibérées contre la population civile, de pillages et de viols commis entre 2003 et 2008 au Darfour.

Des mandats d’arrêt ont également été émis par la CPI à l’encontre de quatre autres Soudanais soupçonnés de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité: Ahmed Haroun, ancien ministre d’État pour les Affaires humanitaires et ancien gouverneur de l’État du Kordofan du Sud; Abdulraheem Mohammed Hussein, ancien ministre de la Défense; Ali Kushayb (ou Kosheib), un chef de milice; et Abdallah Banda Abakaer, chef du Mouvement pour la justice et l’égalité, un groupe rebelle du Darfour.

Le gouvernement de transition devrait inviter d’urgence au Soudan des responsables de la CPI pour discuter des termes de la coopération et de la manière de procéder aux poursuites, a déclaré Human Rights Watch.

Lors de recherches effectuées au Darfour en 2004 et 2005, Human Rights Watch a constaté que les plus hauts échelons du pouvoir soudanais étaient responsables de la création et de la coordination de la politique du gouvernement en matière de lutte contre l’insurrection au Darfour, laquelle visait délibérément et systématiquement les civils, en violation des droits humains reconnus internationalement et du droit humanitaire.

En 2005, le Conseil de sécurité des Nations Unies avait donné mandat au Procureur de la CPI pour ouvrir une enquête sur les crimes commis au Darfour, dans sa résolution 1593. Du fait que le Soudan n’est pas un État partie à la CPI, le procureur ne pouvait agir sans être saisi par le Conseil de sécurité ou par le Soudan lui-même. Le précédent gouvernement, dirigé par el-Béchir, a fait obstruction à toute coopération avec la Cour, alors même que le Conseil de sécurité avait exigé sa coopération, dans sa résolution 1593.

« Pendant des années, le gouvernement el-Béchir a paralysé toute perspective que des comptes soient un jour rendus pour les crimes commis au Darfour », a affirmé Kenneth Roth. « Les nouveaux dirigeants du Soudan ouvriront un nouveau chapitre en matière de respect des droits humains et de la justice en faisant en sorte que les individus inculpés par la CPI soient enfin jugés. »

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Dans les médias

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