(Athènes, le 6 mars 2018) – Des milliers de demandeurs d’asile sont coincés sur des îles de la mer Égée, dans des conditions déplorables et sans accès à une protection adéquate ni à des services de base, ont déclaré aujourd’hui neuf organisations humanitaires et de défense des droits humains dans le cadre de la campagne #OpenTheIslands. Le gouvernement grec devrait agir immédiatement pour mettre fin à la « politique de confinement » qui maintient les demandeurs d’asile dans ces conditions sur les îles, et les déplacer en toute sécurité vers le continent.
Près de deux ans après la signature, le 18 mars 2016, de l’accord entre l’UE et la Turquie, plus de 13 000 hommes, femmes et enfants sont pris au piège sur ces îles, selon les estimations du gouvernement grec.
« La politique de confinement a transformé les îles grecques, autrefois symboles d’espoir et de solidarité, en prisons à ciel ouvert, plaçant entre parenthèses pendant des mois les vies des réfugiés, victimes de nouvelles souffrances », a déclaré Gabriel Sakellaridis, directeur d’Amnesty International en Grèce. « Les autorités grecques, avec le soutien de l’UE, doivent immédiatement faire venir les réfugiés sur le continent, pour qu’ils y soient en sécurité. »
La politique de confinement de la Grèce, mise en place avec le soutien de la Commission européenne et d’autres États membres de l’Union européenne, vise à empêcher les demandeurs d’asile de quitter les îles pour la Grèce continentale. Le gouvernement grec soutient également que cette politique est nécessaire pour remplir son engagement dans le cadre de la déclaration relative aux migrations signée entre l’UE et la Turquie.
Aux termes de cette déclaration, acceptée en mars 2016 par les 28 États membres de l’UE, tous les nouveaux migrants qui, après l’entrée en vigueur de l’accord, traversent la Turquie pour rallier les îles grecques doivent être refoulés vers la Turquie.
Athènes et ses partenaires de l’UE devraient garantir la protection de tous les demandeurs d’asile en Grèce. Le gouvernement devrait rapidement proposer un hébergement sûr et un accès aux services de base dispensés sur le continent, et créer un système permettant aux personnes d’être rapidement transportés vers les lieux d’hébergement répondant à leurs besoins médicaux et de santé mentale.
Comme il l’avait promis début décembre 2017, le gouvernement grec a transféré à titre d’urgence plus de 7 000 demandeurs d’asile des îles vers le continent. Mais, avec plus de 5 000 nouveaux arrivants depuis cette date, le nombre d’abris de fortune inadaptés a également crû dans des camps déjà surpeuplés.
Les « hotspots » (centre d’enregistrement de migrants) des îles de Lesbos, Chios, Samos, Leros et Kos, où sont regroupés la plupart des demandeurs d’asile, comptent encore près de 10 000 personnes dans des sites dont la capacité d’accueil maximale est de 6 292. Ces chiffres vont probablement augmenter à mesure que les demandeurs d’asile seront plus nombreux à se risquer à la traversée au printemps et cet été, exacerbant la situation d’urgence humanitaire sur les îles.
Sur place, beaucoup de migrants sont contraints de dormir sur le sol ou dans des tentes inadaptées aux fortes précipitations et au froid. Femmes et enfants, déjà victimes de violences et d’exploitation dans leurs pays de provenance, sont confrontés à des risques accrus de violences et de harcèlement sexuels, en raison des tensions, de l’insécurité et de la surpopulation. Les services de base tels que les toilettes et les douches sont inaccessibles aux personnes atteintes de handicap.
« Les migrants fuyant la guerre ou les abus ne devraient pas se sentir en danger une fois arrivées sur les îles grecques », a déclaré Eva Cossé, chercheuse sur la Grèce au sein de Human Rights Watch. « Les autorités grecques et de l’UE devraient œuvrer à restaurer la dignité et l’humanité des personnes en quête de protection, et commencer par mettre fin à la politique de confinement, cause d’énormes souffrances. »
En raison des moyens limités dont disposent médecins et avocats dans les « hotspots », la grande majorité des migrants ne peuvent y obtenir les soins médicaux dont ils ont besoin et la représentation ou les conseils juridiques auxquels ils ont droit. La plupart des enfants ne sont pas scolarisés. La surpopulation, l’insalubrité, l’accès inadéquat aux services de base et l’incertitude quant à l’avenir ont exacerbé les tensions dans les hotspots.
D’après les professionnels de santé en Grèce à être intervenus auprès d’eux, la politique de confinement et ses conséquences ont exacerbé la détresse psychologique des demandeurs d’asile.
Les organisations participant à la campagne #OpentheIslands, qui a débuté le 1er décembre, demandent au Premier ministre grec, Alexis Tsípras, de mettre fin à la politique de confinement. Les autorités grecques devraient immédiatement transférer les demandeurs d’asile sur le continent, et veiller concrètement à ce qu’aucun d’entre eux ne soit abandonné à des conditions déplorables. D’autres dirigeants de l’UE devraient adopter une position claire pour mettre fin à la politique de confinement qui continue de piéger les demandeurs d’asile se trouvant sur les îles dans le cadre de l’accord de l’UE avec la Turquie pour renvoyer les migrants en provenance de ce pays.
« La situation dans les îles grecques est au seuil de la rupture, les personnes déplacées dans les îles grecques étant confrontées à une violation quotidienne de leurs droits humains et à des conditions humanitaires en deçà des normes tolérables », a déclaré Marta Welander, la directrice exécutive de Refugee Rights Europe. « Une action urgente est nécessaire de la part du gouvernement grec et de l’UE pour défendre les droits humains des milliers de personnes bloquées sur les îles. »
Organisations signataires de ce communiqué :
Amnesty International
Caritas Hellas
Comité espagnol d’aide aux réfugiés (CEAR)
Conseil grec des réfugiés (GCR)
Forum grec des réfugiés (GFR)
Human Rights Watch
Oxfam
Praksis
Refugee Rights Europe
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Grèce: des milliers de demandeurs d’asile piégés dans des conditions déplorables sur les îles et sans accès à une protection adéquate. Grèce et UE doivent permettre leur transfert sur le continent https://t.co/Xlp5dXM8hi
— HRW en français (@hrw_fr) 6 mars 2018