(New York, le 11 janvier 2018) – Les attaques perpétrées par les forces syriennes et russes dans une zone située aux abords de Damas fin octobre et début novembre 2017 ont provoqué la mort de huit enfants et détruit ou endommagé quatre écoles, a déclaré aujourd’hui Human Rights Watch. Cette offensive contre la Ghouta orientale, située à 15 kilomètres de la capitale syrienne, a entraîné la fermeture d’écoles, privant de nombreux enfants de la zone assiégée d’accès à l’éducation.
L’impunité pour les attaques illégales et le siège meurtrier de la Ghouta orientale par les forces gouvernementales exposent les enfants de l’enclave à de graves dangers. Le gouvernement syrien et les milices affiliées figurent sur la « liste de la honte » dressée par l’ONU pour les violations graves des droits des enfants dans les conflits armés.
« Les forces syriennes et russes semblent considérer comme entièrement négligeables les vies des enfants de la Ghouta orientale », a déclaré Bill Van Esveld, chercheur senior sur le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord à la division Droits des enfants de Human Rights Watch. « Le Conseil de sécurité de l’ONU devrait exiger la fin immédiate de toutes les attaques illégales, en premier lieu celles qui tuent des enfants et détruisent des écoles, en brandissant la menace de sanctions ciblées contre les responsables. »
Human Rights Watch s’est entretenu avec neuf témoins en novembre dernier et a examiné des photographies, des vidéos et des informations fournies par des organisations syriennes des droits de l’homme et des médias sur les attaques visant les écoles, lesquelles semblent avoir été commises aveuglément, en violation des lois de la guerre.
L’alliance militaire syro-russe a attaqué à plusieurs reprises de nombreuses villes de la Ghouta orientale. L’offensive contre l’enclave s’est intensifiée après que des groupes armés antigouvernementaux ont attaqué les forces syriennes sur une ligne de front de ce secteur à la mi-novembre, et a été marquée par le recours à des armes à sous-munitions. Cette offensive a repris après une brève accalmie en décembre. Selon le Centre de documentation des violations, une organisation non gouvernementale syrienne, les forces syriennes et leurs alliés ont tué 45 garçons et 30 filles dans la banlieue de Damas entre le 1er novembre et le 3 janvier.
Dans la matinée du 31 octobre, un obus de mortier a explosé devant une école primaire de Jisreen, une ville de l’enclave assiégée, tuant six écoliers et un homme qui vendait des sucreries sur une charrette. Une demi-heure plus tard, deux autres obus ont atterri presque simultanément de chaque côté d’une école de la ville de Mesraba, tuant deux adultes et deux enfants, dont un père et son fils. Les attaques du 8 novembre, dont au moins un raid aérien, ont détruit une crèche dans la ville de Hamouriyeh et gravement endommagé deux écoles élémentaires dans les localités de Saqba et de Kafr Batna.
Des résidents et un personnel éducatif de la Ghouta orientale ont déclaré à Human Rights Watch qu’en octobre, les écoles de la région avaient réduit la durée des classes, qui se déroulent désormais de 7h00 à 10h30, en vue d’assurer la sécurité des enfants. Mais les attaques se sont poursuivies, tuant et mutilant des élèves et provoquant des évacuations d’urgence d’écoles et de crèches. En novembre, les conseils locaux ont fermé les écoles publiques en réponse à ces dangers. Dans une communauté où une école a été attaquée, les résidents ont improvisé un enseignement « alternatif » dans le sous-sol d’un immeuble résidentiel pour plus de sécurité, mais une frappe aérienne a détruit le bâtiment en décembre.
Les groupes armés antigouvernementaux Faylaq al-Rahman et Jaysh al-Islam contrôlent les localités où les écoles ont été attaquées. Mais les résidents ont déclaré que ces groupes armés n’y avaient pas de matériel ou de personnel stationnés, en vertu d’accords passés avec les conseils civils locaux. Des témoins et des résidents ont déclaré que les tirs de mortier provenaient de zones contrôlées par les forces gouvernementales syriennes, d’où avaient déjà été menées les précédentes attaques.
Depuis 2013, les forces gouvernementales syriennes assiègent la Ghouta orientale, qui compte environ 400 000 habitants. En octobre 2017, le gouvernement a imposé des restrictions au seul point de passage autorisé pour les biens commerciaux, exacerbant ainsi la pénurie de denrées alimentaires et d’articles médicaux. Le gouvernement a refusé que soit fournie une aide humanitaire adéquate, laquelle n’a atteint que le quart environ des résidents de l’enclave en 2017, et entravé inutilement l’évacuation de patients nécessitant des soins médicaux urgents.
Au moins trois enfants sont morts en novembre après le refus des autorités syriennes d’autoriser leur évacuation d’urgence pour qu’ils bénéficient d’un traitement médical inexistant dans l’enclave. Le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) a déclaré qu’en décembre 137 enfants avaient besoin d’une telle évacuation. Mais le gouvernement a autorisé le Croissant-Rouge syrien à évacuer seulement 17 d’entre eux et 12 adultes en danger de mort, de même que les membres de leur famille, manifestement dans le cadre d’un accord avec Jaysh al-Islam, qui a libéré des détenus, entre le 27 et le 29 décembre. Selon la Société médicale syrienne américaine, une organisation non gouvernementale, l’un des enfants figurant sur la liste des personnes à évacuer est déjà décédé.
Le droit de la guerre, qui s’applique à toutes les parties au conflit en Syrie, interdit les attaques qui visent des civils ou des infrastructures civiles comme les écoles, ne font pas de distinction entre cibles civiles et militaires, ou causent un préjudice disproportionné aux civils. Les parties sont tenues de prendre toutes les mesures possibles dans le cadre de leurs opérations militaires afin d’éviter, ou à tout le moins de minimiser, la perte de vies civiles, de blesser des civils et d’endommager des biens civils. Le droit de la guerre interdit en outre les sièges s’ils causent un préjudice disproportionné à la population civile et contraint les parties à ménager un accès à l’aide humanitaire aux nécessiteux. Quiconque commet, facilite ou encourage des violations graves du droit de la guerre intentionnellement ou dangereusement peut être poursuivi pour crimes de guerre.
La Russie a exercé à plusieurs reprises son droit de veto de membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU pour empêcher l’établissement des responsabilités dans la commission des crimes de guerre par toutes les parties au conflit en Syrie. Moscou et Damas devraient mettre fin à leurs attaques illégales contre les écoles et les civils. Le Conseil de sécurité, qui a renouvelé en décembre l’autorisation donnée à la fourniture d’une aide humanitaire transfrontalière à des millions de civils syriens désespérés, devrait exiger du gouvernement syrien qu’il mette immédiatement fin aux restrictions illégales à l’aide dans la Ghouta orientale sous peine de sanctions ciblées contre les responsables.
« En 2017, un tir de mortier a emporté les jambes d’un garçon à l’entrée de son école, un avion de chasse a rasé une crèche, et des enfants ont succombé à des maladies qui auraient pu être soignées à quelques kilomètres de là », a rappelé Bill Van Esveld. « La souffrance des enfants de la Ghouta orientale, qui devrait choquer les consciences, se poursuivra sans relâche en 2018 tant que la Russie et la Syrie persisteront dans leurs attaques illégales. »
Communiqué intégral en anglais (comprenant divers témoignages) :
www.hrw.org/news/2018/01/11/syria-children-under-attack-damascus-enclave
#Syrie – Halte aux attaques en Ghouta orientale qui mettent aussi en danger la vie des #enfants https://t.co/Mb8hxlo9iB
— HRW en français (@hrw_fr) 11 janvier 2018
Syrie: le régime accusé d'une nouvelle attaque chimique près de Damas (OSDH) https://t.co/OD32fRsgg6 pic.twitter.com/NGjUO9YSze
— romandie.com (@romandie) 22 janvier 2018