(Beyrouth, le 22 décembre 2017) – Le gouvernement syrien et les forces russes ont intensifié leurs frappes aériennes sur la Ghouta orientale, une banlieue située à environ 15 kilomètres de la capitale syrienne Damas, tuant des dizaines de civils dans des attaques manifestement illégales. Les forces syriennes ont renforcé le siège de l’enclave, contrôlée par des groupes armés antigouvernementaux, restreint drastiquement l’aide humanitaire, en violation du droit la guerre, et empêchent les civils de quitter la région.
Le Conseil de sécurité de l’ONU, qui a renouvelé le 19 décembre 2017 l’autorisation donnée à l’aide humanitaire transfrontalière destinée à des millions de civils syriens désespérés, devrait exiger du gouvernement syrien qu’il mette immédiatement fin aux restrictions illégales à l’aide à la Ghouta orientale, sous peine de sanctions ciblées contre les responsables.
« Le monde regarde silencieusement la Russie et la Syrie resserrer leur étreinte autour de la population en détresse de la Ghouta orientale à l’aide de frappes illégales, d’armes proscrites et d’un siège dévastateur », a déclaré Lama Fakih, directrice adjointe de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch. « Le Conseil de sécurité devrait exiger que la Syrie mette fin immédiatement à ses tactiques consistant à affamer la population, à empêcher les civils de fuir et à bloquer l’aide humanitaire. »
En novembre et en décembre, Human Rights Watch a mené des entretiens téléphoniques et par voie électronique avec 12 résidents, travailleurs humanitaires et médecins de la Ghouta orientale, au sujet des frappes aériennes russo-syriennes et des restrictions sur l’aide humanitaire.
Le siège de cette banlieue, et des 400 000 habitants qui y vivent, par les forces gouvernementales, dure depuis 2013. En octobre 2017, le gouvernement a resserré son étau autour du passage d’al-Wafideen, le seul pour le transit de marchandises. Cette décision a eu pour conséquences l’amenuisement des stocks de vivres et de médicaments rares et une flambée des prix.
Du 14 au 30 novembre, la Ghouta orientale a été la cible de plus de 400 frappes aériennes menées dans le cadre de l’opération militaire conjointe russo-syrienne, selon la Défense civile syrienne, un groupe de bénévoles œuvrant dans les zones antigouvernementales, et l’Observatoire syrien des droits de l’homme. Plus de la moitié des villes de l’enclave assiégée ont été frappées au moins une fois au cours de cette période, selon les médias locaux. Des maisons, une école improvisée et un marché figuraient parmi les structures civiles touchées.
Human Rights Watch a documenté trois attaques aériennes perpétrées dans la Ghouta orientale depuis le 14 novembre, qui constituent des violations du droit de la guerre en raison de leur caractère indiscriminé. Lors de l’un de ces incidents, des armes à sous-munitions, largement interdites, ont été utilisées, alors qu’elles frappent sans discrimination. Ces trois attaques ont provoqué la mort d’au moins 23 civils et fait plusieurs blessés.
La menace que fait peser l’intensification de cette campagne aérienne a été exacerbée par le manque d’accès aux soins médicaux et aux denrées alimentaires de base, selon Human Rights Watch. Entre le 14 et le 30 novembre, les attaques aériennes et terrestres et le siège ont entraîné la mort d’au moins 190 civils, dont 51 enfants, selon le Réseau syrien des droits de l’homme.
«Nous ne savons pas si nous devons nous réfugier dans les sous-sols, ou prendre le risque de faire la queue pendant deux heures dans l’espoir d’obtenir du pain pour nos enfants. C’est le choix auquel nous sommes confrontés, et la situation est plus que tragique », a confié Anas al-Ta’an, un résident local, à Human Rights Watch:
Le droit de la guerre n’interdit pas les sièges tant que les dommages causés à la population civile n’excèdent pas les gains militaires escomptés, que la famine n’est pas utilisée comme méthode de guerre et que l’aide humanitaire n’est pas entravée.
Or, les forces syriennes ont considérablement restreint l’entrée de nourriture et de médicaments essentiels et l’évacuation des civils de la Ghouta orientale en violation du droit de la guerre, a déclaré Human Rights Watch. L’arrivée de l’aide humanitaire par le biais de convois de l’ONU a été extrêmement limitée, le gouvernement syrien n’autorisant l’Organisation à entrer qu’au compte-gouttes au cours de l’année écoulée. Alors que la force assiégeante peut empêcher l’entrée d’armes et de nourriture et d’autres fournitures destinées à des forces ennemies, le feu vert doit être donné aux articles de première nécessité pour les civils.
Un responsable onusien a assuré à Human Rights Watch que « le gouvernement bloque systématiquement les médicaments et les équipements médicaux qui pourraient sauver des vies ». L’ONU estime que l’aide n’a atteint en 2017 qu’un quart de la population assiégée de la Ghouta orientale.
Le gouvernement a également entravé sans raison l’évacuation de personnes nécessitant des soins médicaux d’urgence, a relevé Human Rights Watch. Selon l’ONU, près de 500 personnes ont besoin d’une évacuation médicale immédiate et une dizaine au moins sont mortes depuis juin en attendant l’autorisation du gouvernement syrien de pouvoir quitter la Ghouta orientale pour recevoir un traitement ailleurs. Le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), a signalé qu’en décembre, 137 enfants âgés de sept mois à 17 ans avaient besoin d’une évacuation médicale de toute urgence.
L’escalade des frappes aériennes et le resserrement du siège en novembre ont eu pour conséquence une surpopulation des hôpitaux, confrontés à une pénurie de matériel médical et de médecins. « Un enfant âgé de cinq ans, Oussama Al-Tukhi, a succombé à une infection cérébrale », a expliqué à Human Rights Watch un représentant d’un centre médical de la Ghouta orientale. « Nous aurions pu le sauver. Tout ce dont il avait besoin, c’était un vaccin antiviral facilement accessible dans n’importe quelle pharmacie de Damas, mais pas ici. »
Les luttes intestines entre les factions armées antigouvernementales et les restrictions à la liberté de circulation au sein de l’enclave ont contribué à l’aggravation des conditions humanitaires sur place, a constaté Human Rights Watch. Les groupes armés antigouvernementaux devraient lever toute entrave à l’accès humanitaire et autoriser les déplacements de civils loin des zones de conflit, a recommandé Human Rights Watch.
En décembre, selon les médias locaux, des négociations étaient en cours entre les gouvernements russe et syrien et les groupes armés non étatiques opérant dans la Ghouta orientale pour assurer l’évacuation de l’enclave assiégée du groupe armé Hay’et Tahrir al-Sham (ex-Jabhat al-Nusra). Tout accord devrait être compatible avec les protections prévues par le droit de la guerre tant pour les civils qui sont évacués que pour ceux qui restent sur place, et devrait garantir la fourniture de l’aide humanitaire aux populations dans le besoin, a encore préconisé Human Rights Watch.
« La Russie aura du mal à rapprocher les Syriens à Sotchi si elle bombarde aveuglément des civils tout en permettant à son allié, le gouvernement syrien, de poursuivre son siège meurtrier de la Ghouta orientale », a conclu Lama Fakih. « Ce pays devrait à tout le moins faire pression sur le gouvernement syrien pour qu’il autorise l’aide humanitaire et évacue les patients nécessitant une hospitalisation d’urgence. »
Des médecins ont déclaré que le manque de médicaments et de soins médicaux adéquats ont engendré un sentiment de désespoir parmi les habitants. Le 15 décembre, la Direction de la santé de Damas et de ses environs, qui est responsable des services médicaux en Ghouta, a adressé à l'Organisation mondiale de la santé une lettre décrivant la forte pression subie par le système médical en Ghouta orientale, déjà très fragilisé, en raison des obstacles systématiques à l’acheminement de médicaments et de fournitures médicales dans cette région.
Communiqué intégral en anglais avec davantage d’informations :
www.hrw.org/news/2017/12/22/syria/russia-airstrikes-siege-killing-civilians
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Les hôpitaux à la #Ghouta reçoivent plus de 30 blessés par jour, en plus des dizaines d'opérations réalisées quotidiennement...les médicaments et fournitures médicales les plus élémentaires sont en rupture de stock !
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