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Grèce : Une année de souffrance pour les demandeurs d’asile

L'accord UE-Turquie soumet des milliers de personnes à des conditions abusives et les prive de toute possibilité de refuge

(Athènes, le 15 mars 2017) – L'accord entre l’Union européenne (UE) et la Turquie a piégé des milliers de personnes dans des conditions déplorables sur les îles grecques l'année dernière, tout en entravant l’accès aux procédures de demande d’asile ou de protection des réfugiés, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Cette évaluation des conditions est publiée juste avant le premier anniversaire de l’accord signé le 18 mars 2016.

Pour mener à bien cet accord, le gouvernement grec a adopté une politique de rétention, laissant les demandeurs d’asile confinés sur les îles, notamment dans les fameux « hotspots » de réfugiés et dans d’autres installations d’accueil, afin de faciliter un traitement accéléré et un renvoi rapide vers la Turquie. Toutefois, les arrivées continues, la mauvaise gestion des aides financières, la lenteur des décisions, ainsi que les décisions positives des comités d’appel grecs rejetant la dangerosité des renvois sommaires vers la Turquie, ont mené à des conditions de surpopulation effroyables dans les îles grecques. Ces facteurs, combinés à l’incapacité des autorités grecques à identifier correctement les demandeurs d’asile vulnérables afin de les transférer vers le continent, ont engendré des conditions de sécurité désastreuses, des souffrances inutiles et le désespoir.
Des demandeurs d’asile algériens dans un squat de réfugiés sur l’île grecque de Lesbos. Les demandes de personnes de certaines nationalités considérées par inférence comme des « migrants économiques », notamment les Algériens, sont souvent traitées comme infondées, entraînant la détention de ces personnes dans ces cas. © 2017 Arash Hampay pour Human Rights Watch

« L’accord UE-Turquie a été un véritable désastre pour ceux-là mêmes qu’il est censé protéger – les demandeurs d’asile vivant dans des conditions affligeantes sur les îles grecques », a déclaré Eva Cossé, chercheuse sur la Grèce à Human Rights Watch. « Les autorités grecques devraient s’assurer que les personnes débarquant sur les côtes du leur pays soient en mesure de demander l’asile et mettre fin à la politique de rétention visant ces personnes. »

Human Rights Watch a visité à de multiples reprises les installations d’accueil officielles et informelles sur les îles grecques depuis l’entrée en vigueur de l’accord UE-Turquie, la visite la plus récente remontant à fin février 2017 à Lesbos. Les dizaines d’interviews de demandeurs d’asile et de migrants piégés sur les îles démontrent l’impact néfaste de l’accord sur leurs droits humains. Human Rights Watch a également constaté des conditions épouvantables dans les installations d’accueil officielles sur le continent, mais avec davantage de perspectives d’amélioration des conditions d’accueil et des procédures de traitement des demandes d’asile que sur les îles.

D’après les chiffres du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR),, la capacité maximale d’accueil officielle dans les installations officielles et informelles sur les cinq îles principales abritant des demandeurs d'asile et des migrants est de 8 759, alors que 12 963 demandeurs d'asile se trouvaient sur les îles le 14 mars. Avec presque deux fois plus de population que ce qu’elles sont censées accueillir, les installations ne peuvent pas faire face aux arrivées continues de petits groupes de personnes fuyant les zones de conflit comme la Syrie, l’Irak et l’Afghanistan. Les conditions dans certaines installations sur le continent sont également déplorables et doivent être améliorées pour se conformer aux normes humanitaires en vertu des obligations de la Grèce, a déclaré Human Rights Watch.

Bien que la Grèce ait reçu une aide importante des institutions de l’Union européenne et des États membres, la Commission européenne a également exercé des pressions sur la Grèce pour qu’elle réduise ses garanties procédurales et ses mesures de protection des groupes vulnérables et qu’elle accélère les opérations afin de faciliter les transferts vers la Turquie.

La fausse hypothèse de l’accord selon laquelle la Turquie serait un pays sûr pour les demandeurs d'asile permettrait à la Grèce de les renvoyer vers la Turquie sans tenir compte du bien-fondé de leurs demandes. Néanmoins, dans les mois qui ont suivi l’accord, les comités d’appel grecs en matière d’asile ont statué plusieurs fois, à juste titre, que la Turquie n’offrait pas de protection efficace aux réfugiés et que les candidatures d’asile devraient être admises pour examen régulier de leur bien-fondé en Grèce.

Face à la pression de l’UE, Athènes a malgré tout modifié la composition de ces comités en juin et, une fois restructurés, ils ont jugé, dans au moins 20 cas, que la Turquie était un pays sûr, bien qu’elle exclue les non-Européens de sa protection des réfugiés. Ce verdict a été remis en question par deux demandeurs d'asile syriens devant la plus haute cour grecque, le Conseil d’État, qui a entendu leur affaire le 10 mars.

À ce jour, personne n’a été renvoyé de force en Turquie au motif que leur demande d’asile était irrecevable car ils pouvaient obtenir une protection efficace en Turquie. Toutefois, si le Conseil d’État rejetait l’appel, cela pourrait ouvrir la voie à des renvois massifs de demandeurs d'asile en Turquie.

Dans un plan d’action publié en décembre 2016, la Commission européenne a recommandé des mesures plus sévères visant à accroître le nombre de renvois en Turquie, notamment en mettant fin aux exonérations offertes aux groupes vulnérables et aux personnes éligibles à un regroupement familial en ce qui concerne l’obligation de rester sur les îles et du passer par la procédure d’admissibilité accélérée qui pourrait causer leur renvoi vers la Turquie. La Commission a aussi recommandé l’expansion de la détention sur les îles et la limitation des droits à l’appel. Le Parlement grec devait envisager des modifications légales afin d’appliquer ces recommandations au cours de la semaine du 13 mars 2017.

La Grèce devrait résister à la pression exercée par l’UE pour affaiblir les mesures de protection des demandeurs d'asile vulnérables, pour étendre la détention sur les îles, pour diminuer les droits à l’appel et pour renvoyer les demandeurs d'asile en Turquie sans déterminer au préalable leurs besoins de protection, a déclaré Human Rights Watch.

Alors que l’accord UE-Turquie ne requiert pas explicitement de maintenir les demandeurs d'asile sur les îles, les représentants de l’UE et de la Grèce invoquent la mise en œuvre de l’accord pour justifier la politique de rétention. Même si le transfert des demandeurs d'asile vers le continent compliquerait les renvois possibles en Turquie, cette excuse est inacceptable et ne devrait pas condamner ces personnes à des conditions mettant en péril leur santé et causant une angoisse profonde, a ajouté Human Rights Watch.

« Si l’UE a réellement l’intention de veiller au droit d’asile, elle doit examiner attentivement comment s'appliquent les faiblesses de l’accord UE-Turquie en pratique », a précisé Eva Cossé. « Une approche de l’UE mieux gérée et axée sur les droits aurait moins accablé la Grèce et permis une meilleure protection et moins de souffrances pour les milliers de personnes fuyant la guerre et la persécution. »
 
Pour plus d'informations sur les failles du système d’asile de la Grèce liées à l'accord UE-Turquie et pour lire certains témoignages, veuillez consulter la version intégrale en anglais de ce communiqué :
http://www.hrw.org/news/2017/03/15/greece-year-suffering-asylum-seekers

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