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Mardi dernier, les députés français ont voté le renouvellement pour trois mois de l’état d’urgence initialement déclaré au cours de la terrible nuit du 13 novembre et renouvelé une première fois douze jours plus tard.

Même si les parlementaires qui se sont opposés à cette prolongation ont été plus nombreux qu’en novembre, le Sénat et l’Assemblée nationale ont tous deux voté à une écrasante majorité le projet de loi d’extension soumis par le gouvernement.

Ainsi, jusqu’à la fin du mois de mai, la France reste placée sous un régime d’exception conférant des pouvoirs considérables au Ministère de l’intérieur et aux forces de police, et exonérant de contrôle judiciaire des mesures fortes telles que perquisitions, assignations à résidence ou encore saisies de matériel et données informatiques.

Depuis novembre, la police a mené près de 3 400 perquisitions et assigné 400 personnes à résidence. Ces opérations n’ont mené à l’ouverture que de cinq enquêtes liées au terrorisme. L’absence de garde-fou judiciaire augmente drastiquement le risque que ces mesures soient menées de manière discriminatoire et disproportionnée, ce qui est non seulement condamnable et contraire au droit, mais engendre aussi des effets secondaires déplorables.

Comme Human Rights Watch et Amnesty International l’ont récemment documenté dans deux enquêtes séparées publiées le 4 février dernier, les opérations de police menées dans le cadre de l’état d’urgence ont conduit à de nombreux abus aux conséquences désastreuses pour les personnes visées et leurs familles. Souffrances physiques et psychologiques. Domiciles fracturés. Perte d’emploi. Suspicion des amis, et du voisinage. Toutes les personnes interviewées dans le cadre de notre enquête ont évoqué leur sentiment d’injustice, d’abandon, voire de colère et de défiance vis-à-vis des autorités françaises face à la manière dont elles ont été traitées.

Visant principalement des personnes musulmanes et d’ascendance maghrébine, ces abus manifestement discriminatoires que nous et d’autres organisations avons documentés, ont été dénoncés par le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, par le Défenseur des droits ou encore par la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), pour ne citer qu’eux.

La protection de la population contre toute nouvelle attaque est à l’évidence une priorité. Toutefois, la voie empruntée par le gouvernement, celle du renforcement extrême des pouvoirs de police et de l’effacement du pouvoir judiciaire, est doublement inquiétante : elle est d’une part dangereuse pour les droits humains et risque, d’autre part, d’aggraver l’aliénation de toute une partie de la population qui pourrait jouer un rôle précieux dans la prévention de la radicalisation et de la violence.

En remettant ces pouvoirs entre les mains du gouvernement et de la police, en dépit des dérives et des inquiétudes qui se sont exprimées, les parlementaires français prennent une lourde responsabilité. Ils devraient maintenant opérer un contrôle effectif de la mise en œuvre de ces pouvoirs à travers le comité parlementaire de suivi mis en place à cet effet, afin de s’assurer que l’état d’urgence ne soit plus employé de manière abusive contre des personnes en raison de leur profil religieux ou ethnique.

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