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Syrie : Israël a déplacé de force des villageois dans le sud occupé

Le déplacement forcé est un crime de guerre ; des maisons ont été rasées, et des Syriens ont été détenus et transférés illégalement vers Israël

Des soldats israéliens patrouillaient dans une rue de Jubata al-Khashab, ville située dans le sud de la Syrie, le 20 décembre 2024. © 2024 Aris Messinis/AFP via Getty Images
  • Les forces israéliennes qui occupent certaines parties du sud de la Syrie depuis décembre 2024 ont commis divers abus à l’encontre des habitants, notamment des déplacements forcés, qui constituent un crime de guerre.
  • Parmi les autres abus figurent des saisies et démolitions de maisons, le refus d’accès aux moyens de subsistance et le transfert illégal de détenus syriens vers Israël.
  • Les autres gouvernements devraient suspendre toute forme de soutien militaire à Israël qui est susceptible de faciliter les atteintes aux droits humains et les violations du droit international dans le sud de la Syrie, et imposer des sanctions ciblées aux responsables de ces abus.

(Beyrouth) – Les forces israéliennes qui occupent certaines parties du sud de la Syrie depuis décembre 2024 ont commis divers abus contre les habitants, notamment des déplacements forcés, qui constituent un crime de guerre, a déclaré aujourd’hui Human Rights Watch. Les forces israéliennes ont saisi et démoli des maisons, empêché des habitants d’accéder à leurs biens et moyens de subsistance, et arrêté arbitrairement des habitants pour les transférer en Israël.

Depuis la chute de l’ancien gouvernement syrien en décembre 2024, Israël a pénétré en profondeur dans la zone démilitarisée surveillée par l’ONU qui sépare le plateau du Golan – un territoire syrien occupé par Israël depuis 1967 – de la partie du gouvernorat de Quneitra qui reste sous contrôle syrien, et a rapidement établi neuf postes militaires s’étendant du mont Hermon à la ville de Quneitra et à certaines parties de l’ouest de Deraa. Israël a également intensifié ses frappes aériennes contre des infrastructures militaires. Depuis février, des responsables ont déclaré à plusieurs reprises leur intention de « démilitariser complètement » le sud de la Syrie et ont affirmé à maintes reprises que les forces israéliennes resteraient indéfiniment sur le territoire nouvellement conquis. De récentes informations parues dans les médias font état de nouvelles incursions terrestres israéliennes dans le village de Quneitra et d’une intensification des opérations aériennes au-dessus de Quneitra et de Deraa, qui confirment que les opérations se poursuivent dans le sud de la Syrie. Depuis 1967, Israël empêche des dizaines de milliers de Syriens déplacés de retourner dans le Golan.

Carte du sud de la Syrie
Carte du sud de la Syrie, montrant les sites d’installations militaires israéliennes établies depuis début janvier 2025. Ces installations ont entraîné la destruction de forêts près de Jubata al-Khashab, et la démolition de maisons à Al-Hamidiya. La zone grise (à gauche) correspond à la partie du plateau du Golan occupée par Israël. La zone à rayures rouges (à droite) correspond à la zone surveillée par la Force des Nations Unies chargée d'observer le désengagement (FNUOD, ou UNDOF en anglais). Graphique © 2025 Human Rights Watch

« Les forces militaires israéliennes qui mènent des opérations en Syrie ne devraient pas avoir carte blanche pour saisir des maisons, les démolir et en expulser les familles », a déclaré Hiba Zayadin, chercheuse senior sur la Syrie à Human Rights Watch. « Les récentes interventions d’Israël dans le sud de la Syrie ne sont pas des actes légitimes dictés par la nécessité militaire, mais des exemples issus du manuel déjà utilisé dans les territoires palestiniens occupés et dans d’autres parties de la région visant à priver les habitants de leurs droits et libertés fondamentaux. »

Entre juin et septembre 2025, Human Rights Watch a mené des entretiens avec huit habitants de la région, dont cinq habitants du village d’Al-Hamidiya dont les maisons ont été démolies, un avocat qui est aussi activiste et qui a été brièvement détenu par les forces israéliennes, un leader communautaire et un habitant du village de Jubata al-Khashab, situé à huit kilomètres de là, où les forces israéliennes ont empêché les habitants d’accéder à leurs terres agricoles. Les chercheurs ont examiné des photographies et des vidéos envoyées par les personnes interrogées et ont analysé des images satellite afin de corroborer leurs témoignages, de déterminer quand et où des installations militaires avaient été construites et d’évaluer l’étendue des zones rasées ou démolies.

Human Rights Watch a également mené des entretiens avec des proches et des témoins de la détention de sept Syriens détenus depuis décembre 2024 et d’un enfant qui avait 17 ans au moment de sa détention en avril 2024. Les huit personnes ont été transférées en Israël, où, selon témoins et proches, elles sont toujours détenues au secret sans avoir été inculpées. Human Rights Watch a écrit aux Forces de défense israéliennes le 3 septembre 2025 pour leur faire part de ses conclusions et leur demander des informations sur les détenus. Une réponse écrite a été reçue le 8 septembre, dans laquelle l’armée israélienne a déclaré qu’elle opérait dans le sud de la Syrie « pour protéger les citoyens de l’État d’Israël ». Les points clés de cette réponse sont repris dans le présent communiqué, le cas échéant.

Présence militaire israélienne à Al-Hamidiya, en Syrie (5 septembre 2025)
Image satellite du 5 septembre 2025, montrant une douzaine de bâtiments détruits près d'Al-Hamidiya (sud de la Syrie), suite aux démolitions menées le 16 juin 2025 par l'armée israélienne, qui y a construit une nouvelle installation militaire. © 2025 Planet Labs PBC (image satellite) / Human Rights Watch (graphique/analyse).

Le 16 juin, à Al-Hamidiya, dans la zone démilitarisée surveillée par l’ONU le long de la « ligne de séparation » avec le plateau du Golan occupé par Israël, les forces israéliennes ont démoli au moins 12 bâtiments, obligeant huit familles à quitter leur domicile. Les soldats ont expulsé ces familles en décembre 2024, le jour où le gouvernement de Bachar al-Assad en Syrie est tombé, et leur ont ensuite expliqué que ces expulsions et démolitions étaient nécessaires en raison de la création récente d’une installation militaire à proximité.

« Notre maison était celle qui était la plus proche du poste militaire, elle a donc été la première à être démolie », a déclaré un habitant. « Le terrain qui l’entourait, que nous avions planté d’arbres, a été complètement rasé avec la maison. Il ne restait plus rien. Nous vivons dans des conditions extrêmement difficiles depuis que nous avons perdu notre maison et nos terres. »

Jubata al-Khashab : destruction de la forêt (6 mai - 6 septembre 2025)
Annotated satellite image Annotated satellite image

Jubata al-Khashab’s forest May 6, 2025: Satellite imagery: May 6, 2025 © 2025 Planet Labs PBC. Analysis and Graphic © 2025 Human Rights Watch. Jubata al-Khashab’s forest September 6, 2025: Satellite imagery: September 6, 2025 © 2025 Planet Labs PBC. Analysis and Graphic © 2025 Human Rights Watch.

Comparaison de deux images satellite de Jubata al-Khasab (sud de la Syrie), montrant des terrains agricoles détruits et l’abattage croissant de la zone forestière près de la nouvelle installation militaire israélienne, entre le 6 mai et le 6 septembre 2025.

À Jubata al-Khashab, les forces israéliennes ont construit une autre installation militaire et ont commencé à défricher de vastes étendues de terres, notamment une réserve forestière vieille de plus d’un siècle. Les habitants ont indiqué que les forces israéliennes leur avaient interdit l’accès aux terres agricoles et aux pâturages situés à proximité de l’installation.

Des images satellite analysées par Human Rights Watch ont confirmé que la construction des deux installations militaires avait commencé début janvier 2025, à moins d’un kilomètre au nord des limites des villages concernés.

Selon l’article 49 de la Quatrième Convention de Genève, le droit international humanitaire interdit le déplacement forcé de civils dans un territoire occupé, sauf en dernier recours et uniquement si des raisons militaires impératives l’exigent ou si cela est nécessaire pour la sécurité de la population civile elle-même. Pour être légale, une évacuation doit en outre respecter des garanties procédurales et humanitaires strictes : les civils doivent être déplacés dans des conditions humaines, vers des logements adéquats, et leur sécurité, leur bien-être et leur retour dès que les hostilités le permettent doivent être assurés. Le déplacement forcé injustifié en territoire occupé constitue un crime de guerre. Israël n’a pas non plus le droit de transférer des détenus hors du territoire occupé vers Israël, quelles que soient les circonstances. La destruction de biens civils est également interdite, sauf si elle est absolument nécessaire dans le cadre d’opérations militaires en cours, c’est-à-dire si elle est directement liée et strictement nécessaire dans le cadre de combats en cours, et non justifiée par des considérations stratégiques ou sécuritaires de long terme.

L’armée israélienne a affirmé que ses activités étaient « conformes au droit international », que les démolitions à Al-Hamidiya étaient des mesures « opérationnelles nécessaires », qu’« aucun civil [...] ne résidait dans les bâtiments » et que les arrestations et transferts vers Israël s’appuyaient sur des renseignements et étaient soumis à un contrôle judiciaire. Toutefois, les actions documentées d’Israël dans le sud de la Syrie ont violé les lois de la guerre.

À Al-Hamidiya, aucun plan d’évacuation n’avait été mis en place ; les soldats ont pris d’assaut la zone et expulsé physiquement les habitants sans prendre aucune disposition pour assurer leur sécurité, leur hébergement ou leur retour. Il n’y avait pas non plus d’hostilités en cours dans la zone pendant les expulsions, la construction d’installations militaires ou les démolitions de maisons, ni depuis.

Plutôt que de répondre à une menace immédiate, les forces israéliennes semblent avoir évacué et détruit des habitations dans le cadre d’une stratégie plus large visant à renforcer leur présence militaire. Même si les références des responsables du pays à une présence indéfinie ne prouvent pas à elles seules l’intention de déplacer définitivement les populations, les démolitions, la construction d’infrastructures militaires fixes et les restrictions d’accès continues rendent tout retour à court terme pratiquement impossible et contredisent toute affirmation selon laquelle le déplacement serait strictement temporaire.

La lettre de l’armée israélienne ne mentionnait pas spécifiquement ses actions à Jubata al-Khashab ni la détention en avril 2024 d’un jeune de 17 ans originaire du village, et ne fournissait aucune information sur les lieux de détention ni sur l’accès à un avocat ou à leur famille pour les sept autres détenus dont Human Rights Watch a documenté les cas.

Les autres gouvernements devraient suspendre leur soutien militaire à Israël tant que ses forces continueront de commettre en toute impunité des violations graves et généralisées, notamment des crimes de guerre. Les gouvernements devraient également revoir et, le cas échéant, suspendre leur coopération bilatérale et interdire le commerce avec les colonies de peuplement israéliennes, notamment sur le plateau du Golan syrien occupé.

Les États-Unis, l’Union européenne, le Royaume-Uni et d’autres pays devraient faire pression pour que les responsables de ces actes rendent des comptes dans le cadre de procédures relevant de la compétence universelle, et soutenir les procédures de la Cour pénale internationale (CPI). Ils devraient également imposer des sanctions ciblées à l’encontre des responsables israéliens coupables de violations graves et persistantes du droit international humanitaire, notamment le blocage du retour des Syriens déplacés, et les maintenir jusqu’à ce que des mesures vérifiables permettent un retour sûr, volontaire et digne des personnes déplacées, a déclaré Human Rights Watch.

« L’inaction d’autres gouvernements face au comportement illégal d’Israël dans la région permet à ce pays d’appliquer ses tactiques répressives en toute impunité », a conclu Hiba Zayadin. « La communauté internationale devrait agir dès maintenant pour suspendre son soutien militaire, imposer des mesures ciblées et soutenir la mise en œuvre de l’obligation de rendre des comptes, notamment devant la CPI. »

Suite en anglais, comprenant des informations plus détaillées.

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