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UE / Balkans : Le plan d’action relatif à la migration comporte des éléments contradictoires

Ce plan risque de remettre en cause certaines mesures prises pour atténuer les souffrances des migrants

(Bruxelles, le 27 octobre 2015) – Approuvé par l'Union européenne (UE) et par les dirigeants des Balkans le 25 octobre 2015, un plan élaboré en réponse aux besoins des réfugiés en cours de migrations au travers des Balkans occidentaux, risque parallèlement d'exacerber les souffrances et de bloquer l'accès de ces personnes à la protection dont elles ont besoin, a déclaré aujourd'hui Humans Right Watch.

Le plan d'action, qui vise à empêcher les migrants qui passent par des pays de transit d’en partir et de rendre ces mêmes pays responsable du traitement de leurs demandes d’asile, pourrait aboutir à de nouvelles impasses. En outre, il ne prévoit pas de mesures susceptibles d’améliorer les efforts de coordination et d'aide dans les Balkans.

« Il est satisfaisant de voir l'UE et les dirigeants des Balkans prendre la mesure de la crise humanitaire et tomber d’accord sur la nécessité d’éviter la catastrophe alors que les conditions météorologiques se détériorent », a déclaré Benjamin Ward, directeur adjoint de la division Europe et Asie centrale à Human Rights Watch. « Mais au lieu de parvenir à un flux mieux contrôlé et plus prévisible, et à un traitement des demandes d'asile plus juste et efficace, le plan pourrait tout simplement dérouter les demandeurs d'asile et les empêcher d'obtenir une protection ».

Le plan d'action en 17 points a été approuvé le 25 octobre par les dirigeants de huit États membres de l'UE – l’Allemagne, l’Autriche, la Bulgarie, la Croatie, la Grèce, la Hongrie, la Roumanie et la Slovénie – ainsi que par l’Albanie, l'ancienne République yougoslave de Macédoine et la Serbie, pays candidats à l'Union européenne. Le plan vise à améliorer la coordination le long de l’itinéraire emprunté par les migrants dans les Balkans occidentaux, qui est actuellement la principale route des demandeurs d'asile qui tentent de rejoindre l’UE via la Turquie et la Grèce.

Selon Human Rights Watch, le Président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a correctement cerné les enjeux des pourparlers du 25 octobre lorsqu’il a averti qu’en l’absence d’une solution, « nous verrons bientôt des familles périr de façon misérable dans des rivières froides dans les Balkans ».

Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, lors du Sommet sur la crise migratoire dans les Balkans occidentaux, tenu à Bruxelles, le dimanche 25 octobre 2015. © 2015 Reuters

Le plan d'action contient nombre d'éléments positifs qui, s’ils sont mis en œuvre de manière adéquate, pourraient considérablement améliorer les conditions de vie des demandeurs d'asile aux frontières de l'Europe. Parmi ces éléments, l'amélioration de la coordination par les gouvernements concernés et un engagement à ouvrir des espaces d'accueil pour les 50.000 demandeurs d'asile se trouvant en Grèce. Vingt-mille d’entre eux seraient financés par le HCR, l'agence des réfugiés des Nations Unies, tandis qu’un effort serait déployé pour créer 50.000 places de plus le long de la route des migrations dans les Balkans occidentaux. Le plan envisage également de renforcer la capacité de fournir des « abris, des vivres, des soins de santé, de l'eau et un assainissement à titre provisoire » aux demandeurs d'asile et aux migrants, y compris en recourant au Mécanisme européen de protection civile, qui fournit une aide d'urgence coordonnée aux États qui y sont parties.

Le plan prévoit également un certain nombre de mesures pour la police des frontières et les retours. Les États ont le droit souverain de contrôler leurs frontières et peuvent expulser des demandeurs d'asile déboutés qui ne s’exposent pas à des risques de violations des droits humains, à condition aussi de respecter des procédures équitables. Mais certaines de ces mesures pourraient empêcher les demandeurs d'asile de bénéficier d’une protection, les contraindre sommairement à retourner dans le pays de transit, ou les piéger dans les pays qui ne disposent pas des capacités de les accueillir et de les traiter correctement.

L'établissement d'un système crédible de répartition des responsabilités au sein de l'UE en matière de réinstallation de demandeurs d'asile demeure essentiel, mais ce plan pourrait rendre de tels efforts encore plus difficiles à réaliser, selon Human Rights Watch.

Aux termes du plan, les gouvernements européens acceptent de « dissuader le départ de réfugiés ou de migrants vers la frontière d'un autre pays de la région ». Cela suppose un retour au règlement de Dublin dit du « premier pays d'arrivée », qui a échoué, et déplace le fardeau de l'hébergement et de l’enregistrement des demandeurs d'asile sur les épaules des pays souvent les moins capables d’assumer une telle responsabilité. Le plan prévoit également des efforts redoublés de contrôle aux frontières, y compris le déploiement d'agents de police en Slovénie et de gardes-frontières Frontex à la frontière de la Croatie et de la Serbie et le long de celle entre la Bulgarie et la Turquie. Le plan stipule également qu'un pays « peut refuser l'entrée » à des personnes qui « n’expriment pas le souhait de solliciter une protection internationale ».

Ces mesures comportent deux risques connexes. La première, c’est que les pays le long de la route des Balkans, comme la Grèce, pourraient refuser l'accès à une protection à ceux qui en ont besoin en refusant l'entrée aux demandeurs d’asile ou en les renvoyant sommairement aux frontières européennes si ces individus ne font pas une demande officielle dans ce pays. De nombreux demandeurs d'asile sont réticents à déposer leurs demandes dans les pays de transit. Ils ne sont pas confiants dans le fait que leurs revendications seront suffisamment prises en considération, échaudés par un mauvais accueil ou un traitement discriminatoire et xénophobe dans ces mêmes pays, ou parce qu'ils ont de la famille ou des liens dans d'autres pays européens.

Le deuxième risque, c’est que si un plus grand nombre exprime leur intention de demander l'asile dans des pays de transit, dont la Slovénie, la Croatie, la Serbie, la Macédoine et la Grèce, cela pourrait excéder leur capacité d’accueil correct et l’efficacité de l’examen des demandes d’asile. Une telle situation pourrait les amener à suivre l'exemple de la Hongrie et à fermer leurs frontières, au risque de provoquer les mêmes scènes de chaos et de détresse humanitaire observées au cours des dernières semaines.

Le plan appelle aussi spécifiquement à intensifier la coopération avec l'Afghanistan pour le retour et la réadmission des ressortissants afghans. Mais les États membres de l'UE ont accordé à ces derniers l'asile ou une autre forme de protection au rythme de 64 pour cent en 2014 et pour la première moitié de 2015, cependant que la situation sécuritaire en Afghanistan s’est détériorée au cours des derniers mois.

Il est extrêmement important pour les gouvernements d’exécuter ce plan avec pour priorité de sauver des vies et de protéger les migrants, et de faire passer les questions de la protection des frontières et de la souveraineté au second rang, a déclaré Human Rights Watch.

Human Rights Watch a documenté les conséquences d’une coordination et d’une fourniture insuffisantes d'une assistance aux demandeurs d'asile suite à la fermeture des frontières de la Hongrie avec la Serbie le 15 Septembre, puis de celle que la Hongrie partage avec la Croatie le 16 octobre.

Des familles entières sans abri – y compris de jeunes enfants, des personnes âgées et des personnes handicapées – ont subi des souffrances à la frontière entre la Croatie et la Slovénie sous une pluie verglaçante ininterrompue. Des familles ont été séparées dans le chaos à la frontière. Des allégations crédibles d’usage excessif de la force ont été portées contre la police.

Au cours des mois écoulés, des incidents semblables ont éclaté aux frontières de la Croatie, de la Serbie, de la Hongrie, de la Slovénie et de la Macédoine, selon Human Rights Watch.

« Le véritable test de ce nouveau plan d'action aura lieu dans les prochaines semaines », a souligné Benjamin Ward. « Est-ce que grâce à sa mise en œuvre, les gens obtiendront l’accueil et la protection dont ils ont besoin? Ou seront-ils repoussés loin de l’Europe occidentale et du Nord pour se retrouver piégés dans des pays qui ne peuvent leur garantir des conditions d'accueil décentes ou des procédures de demande d'asile équitables? »

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À lire aussi :

Communiqué CE 25.10.15

LEssentiel.lu 25.10.15

LeFigaro.fr / AFP 26.10.15

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