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Interdiction de la conduite homosexuelle

La Constitution de 2005 interdit le mariage entre personnes du même sexe, mais aucune loi antérieure n'interdisait la conduite homosexuelle au Burundi. En adoptant pareille interdiction, l'Assemblée est allée à l'encontre de la tendance mondiale à l'abolition des lois dites « anti-sodomie » et une telle loi, si elle était adoptée, serait une violation des droits à l'égalité et à la vie privée garantis par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (ICCPR), auquel le Burundi est un Etat partie. L'article 28 de la Constitution de 2005 protège aussi le droit à la vie privée.

Le Comité des droits de l'homme des Nations Unies, qui contrôle le respect de l'ICCPR, a soutenu en 1994 que l'orientation sexuelle devait être considérée comme un statut protégé contre la discrimination en vertu des articles 2 et 26.  Le Comité a aussi observé que la criminalisation de la conduite homosexuelle va « à l'encontre de la mise en place de programmes éducatifs effectifs pour la prévention du VIH/SIDA. »

L'application d'une interdiction de la conduite homosexuelle est susceptible d'entraver les efforts pour combattre la propagation du VIH/SIDA. Les personnes stigmatisées pour leur conduite sexuelle pourraient renoncer à se faire soigner par crainte d'être identifiées comme homosexuelles. Les groupes de la société civile qui éduquent les hommes homosexuels sur le VIH craignent que leur travail ne soit rendu plus difficile.

Des Burundais se définissant comme homosexuels et interrogés par Human Rights Watch ont exprimé des craintes que les gays risquent davantage d'être frappés et maltraités par la police ou par des citoyens ordinaires si cette disposition du code est adoptée. Ils ont suggéré qu'un manque de prise de conscience à l'égard de l'homosexualité a conduit à des lois discriminatoires, comme l'amendement 98. Selon l'un d'entre eux : « La sexualité est une identité ; c'est quelque chose que vous vivez. C'est quelque chose d'inné. La plupart des Burundais ne comprennent pas encore cela. J'aimerais les encourager à se renseigner, pour comprendre vraiment ce qu'est l'homosexualité.... [La loi] ne changera l'identité de personne. Nous sommes nés homosexuels, et c'est ce que nous continuerons à être. »

Le président de la Commission des droits de l'homme de l'Assemblée nationale, Fidele Mbunde, un partisan de l'amendement, a déclaré à Human Rights Watch que son intention n'était pas que des arrestations soient effectuées en application de la loi, mais que celle-ci « adresse un message » à propos des valeurs burundaises.

Si la police reçoit l'ordre de faire appliquer la loi, elle détournera des ressources qui sont nécessaires pour enquêter sur des crimes tels que les homicides et les viols, afin de faire appliquer l'interdiction de conduite homosexuelle. Un officier supérieur de la  police judiciaire a affirmé à Human Rights Watch : « Je ne comprends pas pourquoi le pouvoir législatif a adopté cette loi. La police ne devrait pas s'occuper d'interférer avec la vie privée des gens. »

Fin des sanctions pour les agents de l'Etat qui portent atteinte aux droits humains

Selon l'article 392 du code pénal actuel, les agents de l'Etat qui violent les droits des citoyens encourent une peine d'emprisonnement allant de 15 jours à un an, ou une amende, ou les deux.  Dans la révision récente du code, l'Assemblée a supprimé cet article.

Un membre de l'Assemblée, Jean-Baptiste Manwangari, a fait plusieurs tentatives pour que soient rétablies les sanctions et qu'elles soient portées à un maximum de trois ans d'emprisonnement, mais la Commission de la justice et des droits de l'homme a rejeté les motions, disant que la question serait traitée dans une révision envisagée du code de procédure pénale. Cependant, un nouveau code de procédure pénale n'a toujours pas été présenté aux parlementaires ; son adoption pourrait prendre un temps considérable ; et, s'il est basé sur le code actuel, il ne prévoirait pas de sanctions pour violations de procédure.

Si cette modification de la loi était effectuée, les citoyens se retrouveraient exposés aux arrestations arbitraires menées par la police et d'autres agents de l'Etat, pratique fréquemment documentée par Human Rights Watch.

La division des droits de l'homme de la BINUB, la mission de l'ONU au Burundi, a aussi documenté des milliers de cas de détention arbitraire commis par des agents de l'Etat l'année dernière, dont certains semblent résulter de règlements de comptes personnels ou de tentatives d'extorquer  des pots-de-vin aux détenus. Des arrestations arbitraires sont faites non seulement par la police, mais aussi par des administrateurs publics et autres fonctionnaires locaux n'ayant aucune autorité légale pour procéder à des arrestations en aucun  cas.

Limites sur les poursuites contre les violences entre conjoints

L'obligation pour les victimes de violences conjugales de déposer plainte elles-mêmes afin d'obtenir une action de l'Etat représente une entorse gênante aux principes  usuels du droit pénal, au regard desquels l'Etat a le devoir de poursuivre les crimes. Cette obligation ferait une distinction arbitraire entre les violences conjugales et toutes les autres formes d'agressions.

Si cette disposition est maintenue, les membres de la famille des victimes et d'autres personnes concernées n'auraient plus la possibilité de déposer de plaintes.

Bien que le Burundi ne dispose pas de statistiques officielles sur la fréquence des violences sexuelles et fondées sur le sexe à la maison, les violences conjugales sont répandues, et plusieurs femmes ont été torturées et mutilées par leurs conjoints au cours de l'année dernière. Selon une enquête de l'Association des femmes catholiques juristes, une femme sur trois dans la capitale, Bujumbura, est battue à la maison.

L'article 218 du nouveau code pénal, qui remplace l'article 146 de l'ancien code, stipule que toute personne ayant intentionnellement blessé une autre personne est passible de deux à huit mois de prison, une amende, ou les deux, avec des sanctions plus lourdes si la violence est préméditée. La loi antérieure prévoyait huit jours à six mois de prison.

Toutefois, contrairement à l'ancienne loi, le nouveau code spécifie que : « Les poursuites contre les conjoints ayant commis ce délit font suite à une plainte déposée par la victime. » Pareille restriction des pouvoirs du ministère public crée une situation à part et inégalitaire pour les personnes agressées par leur conjoint, étant donné que la plupart des victimes sont des femmes.

Cette disposition entre aussi en conflit avec une loi burundaise qui pénalise « le défaut d'assistance à personne en danger. »

Béatrice Nyamoya, ancienne présidente de l'Association des femmes juristes, a fait remarquer dans une interview accordée à une station de radio burundaise que cette disposition pourrait conduire à une situation dans laquelle « un homme pourrait battre sa femme à mort ... et des organisations [comme la nôtre] ne pourraient rien faire pour aider. »

En rejetant un amendement proposé par trois parlementaires qui aurait éliminé la nouvelle disposition, la Commission de la justice et des droits de l'homme a prétexté : « Le bureau du procureur et la police ne devraient pas intervenir dans des affaires familiales. Cela pourrait compromettre la possibilité de réconciliation entre conjoints. »

Faire dépendre les poursuites pénales d'une plainte de la victime semble constituer une violation de la résolution 61/143 de l'Assemblée générale des Nations Unies du 19 décembre 2006, qui souligne que « les États ont l'obligation de promouvoir et défendre tous les droits de l'homme et libertés fondamentales des femmes et des filles et doivent agir avec la diligence voulue pour prévenir les actes de violence dirigés contre elles, enquêter à leur sujet, en punir les auteurs et offrir une protection aux victimes, et que tout manquement à cette obligation porte atteinte aux droits de l'homme et libertés fondamentales des femmes et des filles ou en rend l'exercice impossible. » La Convention des Nations Unies sur 1'élimination de toutes les formes de discrimination à 1'égard des femmes (la Convention CEDAW) a exprimé sa préoccupation en 2007 à l'égard du nombre de femmes et de filles qui sont victimes de violences conjugales au Burundi. 

Progrès notables

Abolition de la peine de mort et création de sanctions alternatives

Par le passé, les juges burundais infligeaient la peine de mort en cas d'homicide, d'enlèvement contre rançon, menace à la sécurité de l'Etat, espionnage, trahison, et participation à des groupes armés. Elle a été appliquée pour la dernière fois en 1997.

Le nouveau code pénal institue la prison à perpétuité comme peine maximum pour un crime. L'abolition de la peine de mort met le Burundi en conformité avec le Deuxième protocole facultatif à l'ICCPR.

Le nouveau code pénal prévoit aussi des sanctions alternatives, par exemple des travaux d'intérêt général pour des délits moins graves, ce qui contribue à répondre au surpeuplement carcéral et offre de plus grandes possibilités de réinsertion.

Intégration des crimes de génocide, crimes de guerre, crimes contre l'humanité et torture dans le droit burundais

Le nouveau code adopte les définitions complètes de génocide, crimes de guerre et crimes contre l'humanité contenues dans le Statut de Rome créant la Cour pénale internationale, les Conventions de Genève de 1949, et la Convention contre le génocide. A l'article 197, alinéa 2aa, la loi va plus loin que le Statut de Rome en définissant le recrutement d'enfants de moins de 18 ans comme crime de guerre.

La loi met également le Burundi en conformité avec une clause de la Convention contre la torture qui exige que celle-ci soit criminalisée dans le droit national. Selon la loi antérieure, la torture ne pouvait faire l'objet de poursuites pénales que dans le cadre  d'accusations générales pour agression, ce qui entraînait des sanctions relativement mineures pour un crime aussi grave.

Définition du viol et des violences sexuelles

Selon l'article 385 du code pénal de 1981, le viol constituait un crime passible de peines pouvant aller jusqu'à 20 ans d'emprisonnement, mais la loi ne donnait pas de définition claire du crime de viol.

Le nouveau code définit le viol comme la  pénétration vaginale, anale et orale par l'organe sexuel masculin, ainsi que la pénétration des organes sexuels féminins par un objet. Les peines encourues pour le viol vont de cinq ans d'emprisonnement à la prison à perpétuité, les peines les plus longues s'appliquant aux personnes en position d'autorité sur la victime (notamment les enseignants, les médecins et les membres de la famille), aux personnes se sachant porteuses du VIH, et aux personnes reconnues coupables de viol de mineur ou autre personne vulnérable.

Age de la responsabilité pénale et sanctions alternatives pour les mineurs

Le nouveau code pénal déclare qu'aucun enfant de moins de 15 ans ne peut être tenu pour pénalement responsable, une amélioration par rapport à l'âge minimum antérieur de 13 ans. Les enfants de 15 à 18 ans qui sont inculpés de crimes graves peuvent être incarcérés, mais au regard du nouveau code ils doivent être condamnés à des durées égales au quart de celles encourues par les adultes coupables du même crime. Les crimes passibles de la prison à perpétuité pour les adultes sont punis de peines de prison pouvant aller jusqu'à 10 ans pour les enfants.

Bien que plusieurs prisons du Burundi aient des sections séparées pour les enfants de moins de 18 ans, d'autres détiennent les enfants avec les adultes, les exposant au risque de violences sexuelles et autres. Cette pratique, en violation du droit international, rend particulièrement crucial de soustraire les enfants du système pénitentiaire lorsque c'est possible.

La nouvelle loi, reconnaissant que la prison échoue souvent à réinsérer, prévoit aussi de nouvelles sanctions alternatives pour les enfants, par exemple la liberté surveillée et l'affectation à une maison de correction ou dans d'autres institutions ayant pour but la réinsertion.

Selon le droit international, la détention d'un enfant devrait toujours être utilisée en dernier recours et pour la durée appropriée la plus courte.

Recommandations

Les sénateurs devraient amender le code pénal sur les points suivants : 

  1. Rejeter l'Amendement 98, qui criminalise la conduite homosexuelle entre adultes consentants ;
  2. Restaurer les sanctions pour détention arbitraire et autres atteintes aux droits humains commises par des agents de l'Etat ; et,
  3. Eliminer la distinction arbitraire entre les violences conjugales et d'autres formes d'agressions, et supprimer l'obligation pour une victime de violences conjugales de déposer plainte pour que l'Etat entame des poursuites judiciaires.

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