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Pakistan : Abandonner les poursuites contre un journaliste ayant dénoncé des abus

Matiullah Jan est le dernier journaliste pakistanais injustement poursuivi en vertu de lois draconiennes

Le journaliste pakistanais Matiullah Jan, photographié lors d'un entretien dans son bureau à Islamabad, la capitale du pays, le 13 mars 2019. © 2019 Akhtar Soomro/Reuters

(Bangkok) – Un tribunal antiterroriste d'Islamabad, au Pakistan, a prévu d’inculper le journaliste Matiullah Jan sur la base de motifs apparemment politiques, a déclaré aujourd'hui Human Rights Watch ; ce journaliste dénonce depuis longtemps les abus policiers dans ce pays. Les autorités pakistanaises devraient immédiatement abandonner les accusations sans fondement portées contre lui en vertu de plusieurs articles de la loi antiterroriste de 1997, et pour possession présumée de stupéfiants.

Ces dernières années, les journalistes pakistanais ont été confrontés à des obstacles de plus en plus importants entravant leur travail, notamment des actes de harcèlement, des menaces, des agressions, des arrestations et des placements en détention arbitraires, des disparitions forcées et même des assassinats. Les autorités ont exercé une pression croissante sur les rédacteurs en chef et les propriétaires de médias, afin d’entraver les reportages critiques. Depuis le début de l'année 2025, les autorités ont engagé environ 689 poursuites en vertu de la loi de 2016 sur la prévention des crimes électroniques (Prevention of Electronic Crimes Act), une loi draconienne et d’une vaste portée souvent utilisée contre les journalistes, ainsi qu'en vertu de la loi antiterroriste. Des chaînes de télévision critiques à l'égard du gouvernement ont subi des perturbations de signal pendant la diffusion de reportages sur des rassemblements de l'opposition.

« Les poursuites engagées par les autorités pakistanaises contre Matiullah Jan semblent être une tentative flagrante de réduire au silence les voix de journalistes exprimant des critiques », a déclaré Patricia Gossman, directrice adjointe de la division Asie à Human Rights Watch. « Le gouvernement devrait abandonner les poursuites visant Matiullah Jan, et cesser d'utiliser le système pénal pour punir les journalistes qui font leur travail. »

La police a indiqué avoir interpellé Matiullah Jan à un poste de contrôle dans le quartier E-9 d'Islamabad le 27 novembre 2024 ; il aurait été en possession de 246 grammes de méthamphétamine, et aurait commis des actes de terrorisme en résistant à son arrestation et en s'échappant. Toutefois, Matiullah Jan soutient que les autorités exercent des représailles à son encontre en raison de ses reportages sur l'usage excessif de la force par la police contre des manifestants politiques. Les autorités ont également accusé Matiullah Jan de diffuser de « fausses informations pour de l'argent », mais ces allégations ne figurent pas dans les accusations pénales portées contre lui.

Matiullah Jan a nié les informations fournies par la police concernant la présumée tentative de l’arrêter à un poste de contrôle, le 27 novembre 2024. Il a déclaré qu'au lieu de cela, ce jour-là, après que les autorités eurent enregistré une plainte pénale contre lui, des hommes non identifiés et vêtus en uniformes noirs l'ont enlevé, ainsi qu'un autre journaliste, Saqib Bashir, alors qu’ils se trouvaient dans un parking. Il a ajouté que ces hommes leur ont bandé les yeux et les ont forcés à monter dans un véhicule. Saqib Bashir a été libéré trois heures plus tard. Le 30 novembre, la Haute Cour d'Islamabad a accordé la liberté sous caution à Matiullah Jan.

Cela fait trois décennies que les autorités ont pris pour cible Matiullah Jan, qui couvre les questions juridiques et politiques au Pakistan. Le 21 juillet 2020, des assaillants non identifiés ont enlevé Matiullah Jan à Islamabad, la veille du jour où il devait comparaître devant la Cour suprême pour répondre à des accusations d'« utilisation d'un langage désobligeant/méprisant et de diffamation de l'institution judiciaire ». Il a été libéré après 12 heures. Jan a porté plainte contre ses ravisseurs, mais personne n'a jamais été arrêté.

Des organisations pakistanaises et internationales de journalistes et de la société civile, notamment le Comité pour la protection des journalistes, la Fédération internationale des journalistesl'Union fédérale des journalistes du Pakistan et la Commission des droits de l'homme du Pakistan, ont appelé les autorités à abandonner les poursuites contre Matiullah Jan.

Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), ratifié par le Pakistan en 2010, interdit les restrictions à la liberté d'expression pour des raisons de sécurité nationale, sauf si elles sont prévues par la loi, strictement interprétées et nécessaires et proportionnées pour faire face à une menace légitime. Les lois qui imposent des sanctions pénales pour des expressions pacifiques d’opinions sont particulièrement préoccupantes, en raison de leurs effets dissuasifs sur la liberté d'expression.

Le Comité des droits de l'homme des Nations Unies, l'organe d'experts indépendants qui surveille le respect du PIDCP, a déclaré dans son Observation générale n° 34 sur la liberté d'expression que « le simple fait que des formes d’expression soient considérées comme insultantes pour une personnalité publique n’est pas suffisant pour justifier une condamnation pénale. […] De plus, toutes les personnalités publiques […] sont légitimement exposées à la critique et à l’opposition politique. »

Les autorités pakistanaises devraient mener des enquêtes rapides, impartiales et efficaces sur les récentes attaques et poursuites douteuses à l'encontre de journalistes, a déclaré Human Rights Watch. Le gouvernement devrait modifier ou abroger les lois et annuler les politiques officielles qui violent le droit à la liberté d'expression et la liberté des médias, et promouvoir plutôt un espace de débat public et de libre expression, face aux menaces des groupes extrémistes et de certains responsables gouvernementaux.

« Le gouvernement pakistanais devrait cesser de harceler et de poursuivre injustement des journalistes, et veiller plutôt à ce qu'ils puissent effectuer librement des reportages, sans crainte de représailles », a conclu Patricia Gossman. « Les autorités devraient reconnaître la valeur pour la société pakistanaise des journalistes qui couvrent les questions relatives aux droits humains, au lieu d'essayer de les museler. »

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