(New York) – Les coupures d’Internet infligées par les talibans portent gravement atteinte aux droits et aux moyens de subsistance des personnes de tout l’Afghanistan, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Ces interruptions, qui ont commencé mi-septembre 2025 et ont été étendues à l’ensemble du pays à la fin du mois, ont entravé l’accès aux services éducatifs, commerciaux, médiatiques et médicaux.
Des représentants des talibans ont affirmé qu’ils avaient décidé de couper Internet afin de prévenir les « comportements immoraux », en bloquant initialement les connexions par fibre optique dans plusieurs provinces du nord. Cette coupure s’est étendue à la capitale, Kaboul, le 29 septembre à 17 heures, avec la suspension aussi bien de la des connexions par fibre optique que via les réseaux de téléphonie mobile. Proton VPN a indiqué le 30 septembre qu’Internet était complètement coupé dans tout le pays.
« La décision des talibans de couper l’accès à Internet menace la subsistance de millions d’Afghans et les prive de leurs droits fondamentaux à l’éducation, aux soins médicaux et à l’information », a déclaré Fereshta Abbasi, chercheuse sur l’Afghanistan à Human Rights Watch. « Les talibans devraient abandonner leurs argumentations infondées et cesser de couper Internet. »
Lorsque le black-out a commencé à Kaboul, les entreprises ont rapporté des perturbations, tandis que les vols en direction et en provenance de Kaboul étaient annulés, ont rapporté les médias.
Les élèves et étudiant·e·s accédant à l’éducation via Internet – en particulier les filles et les femmes déjà privées d’enseignement secondaire et supérieur par les politiques des talibans qui les bannissent largement de l’éducation – se sont rendu compte qu’il leur était impossible de se connecter aux cours. Le 29 septembre, une personne enseignant dans un cursus universitaire en ligne a confié à Human Rights Watch que sur 28 étudiant·e·s suivant ces cours, dont 18 femmes en Afghanistan, seulement neuf avaient pu y assister.
Les coupures isolent encore davantage les femmes et les filles en venant rompre un des derniers moyens qui leur reste pour apprendre, travailler en ligne, accéder à l’information et à tous les services qui dépendent d’une connectivité numérique. Des activistes ont témoigné que ce blocage portait atteinte à leurs efforts pour soutenir leurs communautés, sachant que les initiatives dirigées par des femmes et les services destinés aux femmes et aux filles étaient particulièrement affectés.
Des journalistes couvrant l’Afghanistan ont rapporté qu’ils ne pouvaient plus passer d’appels locaux et internationaux, car la coupure affectait autant les réseaux mobiles que la fibre, y compris les plateformes comme WhatsApp et Signal. Il est même difficile de documenter l’impact de la coupure, puisqu’il est impossible de joindre qui que ce soit à l’intérieur du pays tant qu’Internet et les téléphones sont hors service.
Les organisations d’aide humanitaire ont déclaré que le black-out freinerait leurs interventions en Afghanistan, qui dépendent de la connectivité Internet pour joindre les personnes, se coordonner et apporter l’aide. Indrika Ratwatte, le coordonnateur humanitaire des Nations Unies en Afghanistan, a déclaré que les coupures affectaient le travail quotidien et l’apport d’aides vitales : « C’est une nouvelle crise qui vient s’ajouter aux crises existantes ; et ce sont les vies des Afghan·e·s qui seront impactées. »
L’accès à Internet est largement reconnu comme un facteur indispensable facilitant la réalisation de divers droits humains. Le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) a rapporté les effets dramatiques des coupures d’Internet, notamment l’impact sur la liberté d’expression, la participation politique, la sûreté publique, l’éducation, le travail et la santé, ainsi que l’exacerbation d’inégalités sociales, économiques et de genre préexistantes. Les coupures restreignent encore davantage l’accès des femmes et des filles à des aides et des informations cruciales, notamment les services médicaux d’urgence. Le HCDH et le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies ont appelé les gouvernements à se garder d’imposer de telles coupures.
« Les Afghan·e·s étaient déjà coupé·e·s du monde extérieur, mais à présent elles et ils sont complètement isolé·e·s », a conclu Fereshta Abbasi. « Plus les coupures d’Internet par les talibans durent, plus les conséquences seront nocives pour la population et pour le pays. »