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Le président français Emmanuel Macron s'adresse aux médias lors d'une visite dans les entrepôts du Croissant-Rouge égyptien où est stockée l'aide humanitaire destinée à Gaza, dans la ville frontalière d'El-Arish, en Égypte, le 8 avril 2025. © 2025 Eliot Blondet/Abaca/Sipa via AP Photo

Alors que la France se prépare à coorganiser en juin une conférence à l'ONU sur la Palestine et la solution à deux États, le président Emmanuel Macron a exprimé sa volonté d’avancer vers la reconnaissance d’un État palestinien. Il est peut-être guidé par de bonnes intentions, mais son projet sonnerait creux en l'absence de mesures concrètes pour mettre fin aux atrocités commises par le gouvernement israélien contre les Palestiniens à Gaza et à la poursuite de la politique de colonisation illégale en Cisjordanie.

La conférence de juin trouve son origine dans un avis consultatif historique rendu en juillet 2024 par la Cour internationale de justice (CIJ), qui a estimé que l'occupation du Territoire palestinien par Israël est illégale, intrinsèquement liée à de graves violations, notamment le crime d’apartheid, et devrait être démantelée. La Cour a clairement indiqué que tous les Etats ont l'obligation de ne pas reconnaître ni soutenir cette occupation, y compris par le biais du commerce et des investissements. En septembre, la France a voté pour une résolution de l'Assemblée générale de l’ONU approuvant cet avis et appelant à la tenue de la conférence qu'elle co-organise avec l'Arabie saoudite.

La France et l'UE ont de manière répétée dénoncé les colonies israéliennes. Quelle logique y-aurait-t-il donc à ce que la France reconnaisse un État palestinien tout en continuant à autoriser le commerce avec les colonies qui rendent son existence impossible et privent les Palestiniens de leurs terres et de leurs moyens de subsistance ?

Le commerce avec les colonies alimente l'annexion et l'apartheid

Le commerce avec les colonies est non seulement illégal, mais il les légitime et contribue à les rendre profitables. Il renforce les violations graves et systémiques qui sous-tendent l'entreprise de colonisation, notamment la violence (souvent meurtrière) en toute impunité, les déplacements forcés, l'expropriation des terres et le crime d’apartheid.

L'UE a adopté deux séries de sanctions ciblées contre une poignée de colons israéliens violents. Une troisième série, portée par la France, est en cours de négociation. Mais plusieurs pays de l’UE considèrent que cibler des officiels israéliens est une ligne rouge à ne pas franchir, malgré les preuves évidentes que les graves violations en Cisjordanie sont soutenues par l'État.

Des ministres israéliens comme Bezalel Smotrich et Itamar Ben Gvir ont été accusés d'avoir appelé à commettre et soutenu des meurtres, des destructions et d'autres violations. Depuis les attaques dirigées par le Hamas le 7 octobre 2023, les meurtres de Palestiniens en Cisjordanie par les forces israéliennes et les colons ont explosé. Human Rights Watch a également documenté que l'armée israélienne a directement participé à ces actes ou n'a pas protégé les Palestiniens.

En 2024, les autorités israéliennes ont approuvé la plus grande appropriation de terres en Cisjordanie depuis 30 ans et continuent de s'orienter vers une annexion totale, ce qui est exactement le contraire des obligations énoncées par la CIJ et des demandes répétées de l'UE.

Pour être cohérent et respecter les obligations internationales de la France et de l'UE, le président Macron devrait faire pression sur von der Leyen pour interdire tout commerce et relation commerciale avec les colonies illégales, comme 163 organisations de toute l’Europe l’ont appelée à le faire en février.

Gaza : extermination et actes de génocide

La situation est d’une gravité encore plus extrême à Gaza.

Depuis 20 mois, les forces israéliennes y mènent des attaques illégales et indiscriminées et ont réduit en ruines une grande partie de l’enclave. Selon le ministère de la Santé de Gaza, plus de 54 000 personnes, dont près de 17 000 enfants et des dizaines de travailleurs humanitaires, de professionnels de santé et de journalistes, ont été tuées et plus de 123 000 blessées.

Des milliers d'autres sont très vraisemblablement mortes du fait du blocage délibéré de l'aide humanitaire par Israël, de l'utilisation de la famine comme arme de guerre et de la destruction systématique du système de santé et des installations hydrauliques. Alors que la population est affamée, l'assistance de l'UE pourrit aux frontières de Gaza en raison de ce blocus illégal.

Human Rights Watch, l'ONU et d'autres ont abondamment documenté les violations graves du droit de la guerre par les autorités israéliennes, qui constituent des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité, notamment d'extermination, et des actes de génocide, et violent trois ordonnances contraignantes de la CIJ. Mais le gouvernement israélien ne subit toujours pas de conséquences réelles de la part de la France et de l'UE. Le récent durcissement de la position française et de celle d’autres pays va dans le bon sens mais est toujours loin de ce qui est nécessaire.

L’urgence d’agir

L'UE et la France ont pourtant des outils pour faire pression sur les autorités israéliennes. Mais elles ont fait le choix de ne pas les utiliser, malgré leur obligation d’agir pour prévenir un génocide.

Depuis trop longtemps, les États minimisent la gravité des violations commises par Israël en les traitant comme des symptômes temporaires auxquels la solution à deux États apporterait un remède miracle. Cela a permis à Israël de commettre de graves crimes impunément pendant des décennies. Cela ne peut plus durer.

Des sanctions ciblées contre des responsables israéliens ou la suspension totale de l'accord d'association UE-Israël nécessitent l'unanimité des Etats membres, ce qui parait malheureusement illusoire vu la position de pays comme la Hongrie, la Tchéquie, l'Allemagne et l'Italie. Les mesures commerciales, elles, ne requièrent « que » la majorité qualifiée ; et d'autres mesures pourraient être prises par les États à titre individuel.

A l’approche de la conférence de l’ONU qu’elle copréside, la France devrait assortir ses efforts diplomatiques de mesures concrètes pour respecter le droit international et mettre fin à toute complicité dans les atrocités perpétrées par les autorités israéliennes.

Le lancement récent d'un réexamen de l'accord d'association UE-Israël, soutenue par la France et 16 autres États de l'UE, est un pas important dans la bonne direction. Il est indispensable que cet examen soit rapide et approfondi et, si, comme cela devrait être le cas, il en ressort qu’Israël a gravement manqué à ses obligations en matière de droits humains, la France devrait soutenir l'adoption de mesures appropriées, y compris envisager la suspension d’au moins le volet commercial de l’accord.

La France devrait aussi demander une interdiction à l'échelle de l'UE du commerce avec les colonies, suspendre toutes les exportations de matériel militaire à Israël, et soutenir sans équivoque les efforts de justice, notamment en s’acquittant de son obligation de coopérer avec la Cour pénale internationale pour l'arrestation de toute personne recherchée par la Cour, y compris le Premier ministre israélien.

Plus encore que la crédibilité internationale de la France, ce sont les droits les plus élémentaires de tout un peuple qui sont en jeu, et la crédibilité même de l'ordre international fondé sur le droit que la France affirme vouloir défendre.

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