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Turquie : Le maire d'Istanbul placé en détention

Les arrestations de masse du 19 mars constituent une attaque, basée sur des motifs politiques, contre l'opposition

Des manifestants turcs protestaient à Istanbul contre l’arrestation d’Ekrem İmamoğlu, maire de cette ville et opposant politique au président Recep Tayyip Erdoğan, le 19 mars 2025. L’arrestation a eu lieu quatre jours avant une primaire du parti d’opposition CHP, qui compte designer İmamoğlu comme candidat à la prochaine élection présidentielle. Une femme brandissait une affiche du CHP avec sa photo, et les mots en rouge : « La Turquie gagnera ! » © 2025 AP Photo/Francisco Seco

(Istanbul, 19 mars 2025) – L'arrestation du maire d'Istanbul, Ekrem İmamoğlu, ainsi que d'environ 106 autres élus municipaux et responsables politiques, le 19 mars, a été basée sur des motifs politiques et vise à entraver des activités politiques légales, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui. La détention arbitraire du maire porte atteinte aux droits des électeurs qui ont voté pour lui, ainsi qu’au au processus démocratique en Turquie.

Le Parquet général d'Istanbul a déclaré avoir ordonné l'arrestation d'Ekrem İmamoğlu et d'autres personnes dans le cadre de deux enquêtes criminelles distinctes à son encontre. Son arrestation a eu lieu quatre jours avant le 23 mars, date à laquelle il doit être désigné par le Parti républicain du peuple (Cumhuriyet Halk Partisi, CHP), principal parti d'opposition turc, pour se présenter contre le président Recep Tayyip Erdoğan à la prochaine élection présidentielle prévue en 2028.

« Ekrem İmamoğlu et les autres individus détenus devraient être immédiatement libérés », a déclaré Hugh Williamson, directeur de la division Europe et Asie centrale de Human Rights Watch. « Le gouvernement du président Erdoğan devrait veiller à ce que les résultats des élections municipales d'Istanbul soient respectés, et à ce que le système judiciaire ne soit pas instrumentalisé à des fins politiques. »

Au cours des cinq derniers mois, le Parquet d'Istanbul a mené une série d'enquêtes et d’arrestations à motivation politique visant des municipalités gouvernées par le Parti républicain du peuple. Les deux dernières enquêtes menées contre İmamoğlu, l'une concernant des liens présumés avec le terrorisme et l'autre portant sur des allégations de corruption, s'inscrivent dans cette tendance.

Parmi les personnes arrêtées le 19 mars figuraient les maires de Şişli et de Beylikdüzü, deux districts de la province d'Istanbul.

Les procureurs ont ouvert cinq affaires pénales contre İmamoğlu, toutes fondées sur des preuves insuffisantes d'activités criminelles. Le 18 mars, l'Université d'Istanbul lui a retiré son diplôme universitaire. Les juristes turcs ont largement condamné cette décision, la qualifiant d'abus de pouvoir par l'université, visant à l'empêcher de se présenter à la prochaine élection présidentielle.

Le jour même des arrestations, le gouverneur de la province d'Istanbul a interdit les rassemblements publics et les manifestations à Istanbul, durant la période du 19 au 23 mars. L’Internet a été soumis à une réduction de la bande passante (technique du bridage), limitant l'accès aux réseaux sociaux et aux sites d'information.

Avant les arrestations du 19 mars, trois maires d'arrondissement et de nombreux conseillers municipaux du parti CHP avaient déjà été placés en détention provisoire à la suite d’enquêtes douteuses menées par le Procureur général d'Istanbul, au sujet de liens présumés avec le terrorisme et de soupçons portant sur la corruption.

La tentative d'accuser le parti CHP de liens terroristes avec le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), groupe armé, a débuté avec l'arrestation et la destitution, le 30 octobre 2024, d'Ahmet Özer, professeur d'université âgé de 65 ans et maire du district d'Esenyurt à Istanbul. Ce jour-là, un tribunal a ordonné sa détention provisoire, l’accusant d’« appartenance » au PKK, et les autorités l’ont démis de ses fonctions, nommant à sa place le vice-gouverneur d’Istanbul.

Le 13 février 2025, les autorités ont arrêté dix membres élus du Conseil municipal appartenant au parti CHP, également accusés d’« appartenance au PKK ». Tous avaient été élus à des postes municipaux dans le cadre d'une stratégie politique du parti CHP et du Parti pour l'égalité et la démocratie des peuples (DEM), pro-kurde, visant à coopérer aux élections locales.

Les accusations du procureur dans le cadre de ces enquêtes reposent sur l'hypothèse, non fondée, que tous les responsables politiques agissaient sur les instructions du PKK ou travaillaient pour un organe du PKK sous couvert d'une plateforme d'opposition, le Congrès démocratique des peuples, qui regroupe des groupes kurdes et de gauche ainsi que des organisations de la société civile. Cette plateforme, créée en 2011, n'a été ni interdite ni fermée.

Les autorités ont également invoqué des enquêtes et des accusations de terrorisme comme raison pour remplacer les maires élus dans 10 municipalités du sud-est de la Turquie contrôlées par le parti DEM et deux municipalités contrôlées par le parti CHP, dont le district d’Esenyurt, par des fonctionnaires nommés par le gouvernement.

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