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Russie : Un an après la mort de Navalny, ses partisans continuent d’être ciblés

Au moins 17 personnes sont emprisonnées, et des dizaines d'autres sont visées par de fausses accusations criminelles et administratives

Sous le regard de policiers russes, une femme déposait des fleurs sur le site d’une structure dénommée « Mémorial des victimes de la répression politique » à Saint-Pétersbourg, le 16 février 2025. Cette date marquait le premier anniversaire de la mort en détention de l’ancien leader de l'opposition russe Alexeï Navalny, le 16 février 2024. © 2025 Sipa via AP Images

(Berlin, le 20 février 2025) – Les dizaines d’arrestations effectuées lors du premier anniversaire de la mort de l’ex-leader de l’opposition russe Alexeï Navalny ne sont que la pointe de l’iceberg de la répression exercée sans relâche par le Kremlin contre ses partisans, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui.

Le 16 février, les forces de l’ordre russes ont arrêté au moins 42 personnes lors de rassemblements commémorant Alexeï Navalny à l’occasion du premier anniversaire de sa mort en prison, le 16 février 2024. Tout au long des douze derniers mois, les autorités ont utilisé leur vaste arsenal d’outils répressifs pour étouffer d’autres voix dissidentes, et pour effacer l’héritage politique de Navalny.

« La loi anti-extrémisme russe, vaguement formulée et d’une vaste portée, est utilisée pour poursuivre des personnes qui appellent à des élections libres et équitables, dénoncent la corruption, défendent les prisonniers politiques ou sont perçues comme des partisans de Navalny », a déclaré Hugh Williamson, directeur de la division Europe et Asie centrale à Human Rights Watch. « Le Kremlin considère l’exercice des droits humains fondamentaux comme une menace qui doit être stoppée, comme l’avait reconnu Navalny qui a fini par payer le prix de ce point de vue répressif. »

Alexeï Navalny est mort dans une prison isolée, située dans l’extrême nord de la Russie, où il purgeait une peine de 19 ans de prison basée sur de fausses accusations à motivation politique. Les autorités l’ont emprisonné en 2021, dès son retour en Russie depuis l’Allemagne, où il avait été soigné après avoir survécu à une tentative d’empoisonnement apparemment orchestrée par les services de sécurité russes.

En septembre 2024, The Insider, un important média d’investigation russe, a allégué que sa mort résultait d’un autre empoisonnement par des agents du gouvernement. Les autorités pénitentiaires l’avaient alors enfermé à plusieurs reprises dans diverses cellules disciplinaires, de manière arbitraire, sans lui fournir de soins médicaux adéquats.

Le 17 février, la Rapporteure spéciale des Nations unies sur la situation des droits de l’homme en Fédération de Russie a condamné l’absence d’« enquête crédible » par les autorités russes sur la mort d’Alexeï Navalny. Elle a ajouté que son décès avait reflété « la répression systématique et généralisée contre les dissidents pacifiques » en Russie.

Au cours des deux premiers jours qui ont suivi la mort de Navalny, le 16 février 2024, la police avait arrêté arbitrairement au moins 425 personnes qui avaient honoré sa mémoire dans différentes régions du pays. Le 1er mars 2024, le jour de ses funérailles, 106 autres personnes avaient été arrêtées. Un an plus tard, la police des grandes villes russes a de nouveau bouclé les sites de mémoriaux locaux dédiés aux victimes de la répression politique. Les policiers ont interrogé des personnes qui étaient venues déposer des fleurs, enregistré leurs données personnelles et arrêté certaines d’entre elles.

En juin 2021, le Tribunal municipal de Moscou avait qualifié d’« extrémistes » plusieurs organisations dirigées par Navalny, dont la Fondation anti-corruption, ainsi que le siège de sa campagne politique, connu sous le nom de « Quartier général de Navalny ».

Human Rights Watch a examiné plus d’une centaine de dossiers pénaux sur le « financement de l’extrémisme » et des centaines de résumés de dossiers que d’importantes organisations russes de défense des droits humains, dont Memorial, qualifient de motivés par des considérations politiques. Ces dossiers indiquent qu’en février 2025, les autorités avaient ouvert des poursuites pénales contre plus de 50 personnes pour leur implication présumée avec la Fondation anti-corruption ou d’autres organisations liées à Navalny à travers le pays.

Au moins 37 autres personnes ont été inculpées pénalement pour avoir fait des dons en vue de soutenir le travail de la Fondation anti-corruption ; certains de ces dons ne dépassaient pas l’équivalent de deux dollars US. Au moins 17 personnes sont actuellement derrière les barreaux en raison de leurs liens présumés avec Navalny. Parmi eux figurent trois avocats, qui ont été reconnus coupables d’avoir facilité des activités extrémistes, et condamnés à des peines de prison en janvier 2025.

Les autorités utilisent également des poursuites administratives contre des personnes ayant exprimé des opinions favorables à Navalny. En utilisant les sites Internet officiels des tribunaux, Human Rights Watch a examiné des milliers d’affaires administratives jugées par les tribunaux russes en 2024, en vertu de l’article 20.3 du Code des infractions administratives de la Russie portant sur l’« affichage de symboles interdits ». Une analyse de la formulation de ces décisions et des facteurs contextuels, tels que les informations diffusées dans les médias et les réseaux sociaux, indique qu’au moins 57 de ces décisions étaient liées à Navalny. Le nombre réel pourrait être plus élevé.

Les données indiquent que 53 de ces 57 affaires ont abouti des condamnations. Dans 23 d’entre elles, les accusés ont été condamnés à une détention allant jusqu’à 15 jours, la peine maximale pour ces chefs d’accusation pour une première infraction. Dans 20 des 57 affaires, les juges ont prononcé des amendes et des peines d’emprisonnement de courte durée pour punir des personnes qui avaient simplement mentionné le nom de Navalny, ou affiché sa photo.

En février 2024, un juge de Novy Ourengoï avait statué que la désignation par le Tribunal municipal de Moscou des organisations affiliées à Navalny comme « extrémistes » équivalait à leur « interdiction sur le territoire de la Fédération de Russie ». En mars 2024, un juge de Yaroslavl avait condamné un électeur pour avoir écrit symboliquement le nom de Navalny sur un bulletin de vote lors de l’élection présidentielle.

Parmi les autres comportements passibles de sanctions figurent l’utilisation des slogans « La Russie sans Poutine » ou, précédemment, « Libérer Navalny », ainsi que le fait de republier des précédentes enquêtes de la Fondation anticorruption sur la corruption. L’affichage répété de tout symbole interdit est passible d’une peine pouvant aller jusqu’à quatre ans de prison. Ces symboles comprennent le drapeau blanc-bleu-blanc utilisé par les manifestants antiguerre, les symboles nazis même lorsqu’ils sont utilisés pour critiquer les autorités, le drapeau arc-en-ciel du mouvement LGBT, les mots « Gloire à l’Ukraine », et même les logos de Facebook et d’Instagram.

« Au lieu d’utiliser à mauvais escient et de manière abusive la législation anti-extrémiste pour punir et faire taire les partisans d’Alexeï Navalny, les autorités russes devraient plutôt mener enfin une véritable enquête sur sa mort en détention », a conclu Hugh Williamson.

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