- Les pays préoccupés par les graves dommages physiques, psychologiques, socioéconomiques et environnementaux causés par les armes incendiaires devraient œuvrer pour renforcer le traité international qui les régit.
- Les armes incendiaires provoquent des brûlures atroces, des lésions respiratoires et des souffrances à vie. Elles ont été utilisées cette année dans la bande de Gaza, au Liban, en Ukraine et en Syrie, et au cours des 15 dernières années en Afghanistan, en Irak et au Yémen.
- Le Protocole III à la Convention sur les armes classiques, le traité qui régit ces armes, présente de graves lacunes. Les pays préoccupés devraient tenir des discussions lors de la prochaine réunion du traité et au-delà pour envisager des mesures nationales et internationales visant à résoudre les problèmes posés par les armes incendiaires.
(Genève, le 7 novembre 2024) – Les pays préoccupés par les graves dommages physiques, psychologiques, socioéconomiques et environnementaux causés par les armes incendiaires devraient s’efforcer de renforcer le traité international qui les régit, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd’hui. Les États parties à la Convention sur certaines armes classiques (CCAC) devraient condamner l’utilisation d’armes incendiaires et évaluer l’adéquation du Protocole III de la CCAC sur les armes incendiaires, lors de leur réunion annuelle qui se tiendra du 13 au 15 novembre, au siège européen des Nations Unies à Genève.
Le rapport de 28 pages, intitulé « Beyond Burning : The Ripple Effects of Incendiary Weapons and Increasing Calls for International Action » (« Au-delà des brûlures : Effets domino des armes incendiaires et appels croissants à une action internationale »), examine l’utilisation récente d’armes incendiaires dans des conflits armés et ses vastes répercussions. Human Rights Watch présente des études de cas sur l’utilisation par l’armée israélienne de phosphore blanc – une arme aux effets incendiaires – dans la bande de Gaza et au Liban depuis octobre 2023, ainsi que sur l’utilisation en Ukraine et en Syrie d’autres types d’armes incendiaires. Le rapport évoque également l’intérêt croissant de nombreux pays pour répondre aux multiples préoccupations humanitaires soulevées par les armes incendiaires.
« Les armes incendiaires sont utilisées dans plusieurs conflits, mettant en danger la vie et les moyens de subsistance des civils », a déclaré Bonnie Docherty, conseillère senior auprès de la division Armes à Human Rights Watch et auteure du rapport. « Les gouvernements devraient prendre des mesures immédiates pour protéger les civils, les infrastructures civiles et l’environnement contre les effets horribles de ces armes. »
Les armes incendiaires comptent parmi les armes les plus cruelles de la guerre moderne. Elles infligent des brûlures atroces, des lésions respiratoires et des traumatismes psychologiques. La mise à feu de maisons, d’infrastructures et de cultures cause des dommages socioéconomiques et environnementaux. Les personnes qui survivent souffrent souvent toute leur vie.
Le rapport s’appuie sur des entretiens menés par Human Rights Watch avec des survivants, des professionnels de la santé et des membres de groupes de la société civile qui ont décrit les effets de l’utilisation d’armes incendiaires.
Depuis octobre 2023, l’armée israélienne a utilisé des munitions au phosphore blanc à explosion aérienne lancées depuis le sol contre des zones peuplées du Liban et de Gaza, comme le montrent des preuves vidéo et photographiques. Human Rights Watch a vérifié l’utilisation de munitions au phosphore blanc par les forces israéliennes dans au moins 17 municipalités, dont 5 où des munitions à explosion aérienne ont été utilisées illégalement au-dessus de zones peuplées du sud du Liban entre octobre 2023 et juin 2024.
Des armes incendiaires lancées depuis le sol et larguées depuis le ciel continuent d’être utilisées en Ukraine. Il n’est pas possible d’attribuer précisément la responsabilité de leur utilisation, mais la Russie et l’Ukraine possèdent toutes deux les mêmes types de roquettes incendiaires que celles utilisées dans les attaques. Les deux camps ont également utilisé des drones, dont un type familièrement appelé « drone dragon », pour larguer des munitions incendiaires sur le champ de bataille. Le drone dragon survole la zone ciblée et largue de la thermite ou un composé incendiaire similaire qui brûle à des températures exceptionnellement élevées, dispersant des étincelles ou du gaz chaud après l’allumage.
Les forces gouvernementales syriennes continuent d’utiliser des armes incendiaires lancées depuis le sol en Syrie. Au cours de la dernière décennie, Human Rights Watch a également documenté l’utilisation d’armes incendiaires en Afghanistan, en Irak et au Yémen.
À ce jour, 117 pays ont adhéré au Protocole III de la CCAC sur les armes incendiaires, mais il contient deux lacunes qui compromettent sa capacité à protéger les civils. Tout d’abord, la définition de ces armes par le Protocole exclut les munitions polyvalentes, notamment le phosphore blanc, qui ne sont pas « principalement conçues » pour mettre le feu ou brûler des personnes ; toutefois, elles provoquent les mêmes terribles effets incendiaires. En outre, le Protocole contient des réglementations plus faibles pour les armes incendiaires lancées depuis le sol que pour celles larguées par voie aérienne.
Au Liban, des centaines de civils ont été déplacés à la suite d’attaques au phosphore blanc. Les survivants ont été confrontés à des problèmes de santé, notamment des lésions respiratoires, des mois après avoir été exposés à des armes incendiaires. Le phosphore blanc a brûlé des oliveraies et d’autres cultures, détruisant les moyens de subsistance des agriculteurs et affectant les communautés locales. Le phosphore blanc menace également l’environnement car le feu et la fumée peuvent nuire à la faune, détruire les habitats et altérer la qualité du sol, de l’eau et de l’air. Ses produits chimiques toxiques peuvent produire une contamination dangereuse dans certaines situations.
La volonté de répondre aux préoccupations concernant les armes incendiaires s’est accrue ces dernières années. Lors de la dernière réunion de la CCAC en novembre 2023, plus de 100 pays ont critiqué les conséquences humanitaires de l’utilisation d’armes incendiaires et ont appelé à l’ouverture de discussions pour répondre à ces préoccupations.
Les États parties au traité devraient lancer des consultations informelles qui, au minimum, évalueraient l’adéquation du Protocole III et chercheraient à créer des normes internationales plus strictes, a déclaré Human Rights Watch. Ils devraient tenir des discussions en dehors de la réunion du traité pour envisager des mesures nationales et internationales visant à résoudre les problèmes posés par les armes incendiaires.
« Les gouvernements devraient saisir cette occasion pour réitérer leurs inquiétudes concernant les armes incendiaires et discuter des moyens de renforcer le traité afin de mieux protéger les civils », a conclu Bonnie Docherty. « Une interdiction totale des armes incendiaires aurait sans aucun doute les plus grands avantages humanitaires. »
………….