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Myanmar : Une frappe aérienne contre un village était apparemment un crime de guerre

L’attaque dans l’État de Kachin montre la nécessité d’un embargo sur la vente d’armes au Myanmar, et de restrictions de livraisons de carburant d’avions

Un habitant du village de Mung Lai Hkyet, dans l'État de Kachin, au Myanmar, photographié le 10 octobre 2023 parmi les décombres de huttes détruites la veille lors d'une frappe aérienne et tirs d'artillerie menés par l’armée du Myanmar. © 2023 AP Photo

(Bangkok, 17 octobre 2023) – Une attaque menée par l’armée du Myanmar le 9 octobre contre un village abritant des centaines de civils dans l'État de Kachin a tué 28 civils dont 11 enfants, et a apparemment constitué un crime de guerre, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui. L'attaque nocturne contre le village de Mung Lai Hkyet, où vivent des centaines de civils déplacés par des combats dans des zones voisines, a blessé plus de 60 autres personnes et causé d'importants dégâts aux structures civiles ; elle ne semblait pas viser un objectif militaire. 

Human Rights Watch a mené des entretiens avec cinq témoins, et examiné 20 photos et trois vidéos montrant les effets de l'attaque. Ces éléments tendent à indiquer que les forces du Myanmar ont d'abord mené contre le village une frappe aérienne, suivie de tirs d’artillerie – notamment des obus de mortier – effectués depuis le sol. Les photos des zones touchées par la frappe initiale montrent des débris et des dégâts caractéristiques des effets des ondes de choc créées par l’explosion de grosses bombes larguées par des avions. Human Rights Watch n'a trouvé aucune preuve de la présence de groupes armés de l’opposition à proximité du village au moment de l'attaque.

« Les frappes répétées de l'armée du Myanmar et le bombardement d'un village abritant de nombreuses personnes déplacées étaient soit délibérées, soit indiscriminées, donc illégales dans les deux cas », a déclaré Manny Maung, chercheuse sur le Myanmar à Human Rights Watch. « Les gouvernements préoccupés ne devraient pas se contenter de condamner ce mépris flagrant de la vie de civils, mais devraient prendre des mesures significatives et concrètes pour empêcher l’armée de commettre de telles futures violations. »

Le village de Mung Lai Hkyet est situé à environ cinq kilomètres du quartier général de l'Armée pour l'indépendance Kachin (KIA) à Laiza, près de la frontière avec la Chine. Depuis des décennies, la KIA est engagée dans un conflit avec l’armée du Myanmar, qui commet depuis longtemps des crimes de guerre dans l’État de Kachin et ailleurs. Lorsqu'un cessez-le-feu avec la KIA a été rompu en 2011, le village de Mung Lai Hkyet, dont les habitants étaient principalement des membres de l'ethnie Lisu, a commencé à accueillir des personnes déplacées internes fuyant la reprise des hostilités.

Les affrontements dans l’État de Kachin se sont intensifiés depuis que la KIA s’est opposée au coup d’État militaire mené au Myanmar en février 2021, provoquant de nouveaux déplacements de civils vers le village de Mung Lai Hkyet. La KIA forme également des recrues dans de nouveaux groupes armés opposés à la junte birmane.

Le général Zaw Min Tun, porte-parole de l’armée du Myanmar, a nié dans les médias d'État toute responsabilité de celle-ci dans l'attaque, et a suggéré que l'explosion avait été causée par des explosifs stockés dans le village par la KIA.

L’armée du Myanmar a précédemment mené de nombreuses frappes aériennes sur des zones peuplées, en violation des lois de la guerre. En avril dernier, ses forces ont tué au moins 160 personnes lors d’une frappe aérienne utilisant une bombe thermobarique (parfois appelée « explosif combustible-air ») dans la région de Sagaing.

Selon le site d’Armed Conflict Location and Event Data (« Données sur les sites et événements des conflits armés » - ACLED), le nombre de frappes aériennes au Myanmar a augmenté chaque mois, depuis février 2023.

Le droit de la guerre interdit les attaques ciblant des civils et des biens de caractère civil, celles qui ne distinguent pas entre les combattants et les civils, et celles qui sont susceptibles de causer des dommages aux civils ou aux biens civils de manière disproportionnée par rapport à l’avantage militaire attendu.

Les individus qui commettent ou ordonnent de graves violations du droit de la guerre avec une intention criminelle, c'est-à-dire délibérément ou par imprudence, sont responsables de crimes de guerre. Les informations concernant les attaques illégales répétées contre le village de Mung Lai Hkyet, menées sans preuve d’une présence de cibles militaires, suggèrent fortement qu’elles étaient délibérées ou imprudentes.

Des responsables des Nations Unies, de Human Rights Watch, d’Amnesty International et d’autres organisations ont recommandé que le Conseil de sécurité de l’ONU impose un embargo sur la vente d’armes à l’armée du Myanmar, prenne des mesures pour limiter le carburant requis par ses avions, et mette en place des sanctions ciblées.

Les États-Unis, l’Union européenne, le Royaume-Uni et d’autres pays ont déjà imposé certaines sanctions ciblées à l’armée du Myanmar et pris d’autres mesures. Ces gouvernements devraient faire pression sur le Conseil de sécurité pour qu'il fasse de même, à l'échelle mondiale, a déclaré Human Rights Watch.

Texte complet en anglais : en ligne ici.

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