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Myanmar : La frappe avec une bombe thermobarique était probablement un crime de guerre

L’utilisation d’une bombe thermobarique dans la région de Sagaing a fait plus de 160 morts

Un soldat de l'armée du Myanmar était debout sur un véhicule militaire transportant des missiles lors d'un défilé commémorant la 77ème Journée des forces armées du Myanmar à Naypyitaw, au Myanmar, le 27 mars 2022. © 2022 AP Photo/Aung Shine Oo

(Sydney, le 9 mai 2023) – L'armée du Myanmar a utilisé une munition « thermobarique » lors d’une attaque contre un bâtiment de l'opposition dans la région de Sagaing le 11 avril 2023 ; cette attaque a tué plus de 160 personnes, dont des enfants, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui.

La frappe aérienne à l'aide d'une munition à effet de souffle dans le village de Pa Zi Gyi, dans le Haut-Myanmar, a fait des victimes civiles de manière indiscriminée et disproportionnée, en violation du droit international humanitaire, et s’apparentait à un crime de guerre. Les gouvernements étrangers devraient empêcher le transfert de fonds, d’armes et de carburant d'aviation à l'armée du Myanmar, qui continue de commettre de graves abus en toute impunité.

« L'utilisation par l'armée du Myanmar d'une arme conçue pour causer un maximum de morts dans une zone peuplée de civils démontre un mépris flagrant pour la vie humaine », a déclaré Elaine Pearson, directrice de la division Asie à Human Rights Watch. « Les gouvernements étrangers devraient supprimer tout financement de la junte, ainsi que les livraisons d’armes et de kérosène, afin d’empêcher de nouvelles atrocités. »

Environ 300 habitants du canton de Kantbalu s’étaient rassemblés dans le village de Pa Zi Gyi le 11 avril, avant le Nouvel an bouddhiste, afin d’y ouvrir un bureau administratif contrôlé par l'opposition. Deux témoins ont déclaré à Human Rights Watch que vers 7 h 30 ce matin-là, un avion militaire a survolé la zone et a largué au moins une munition, qui a explosé au milieu de la foule rassemblée autour du bâtiment. Quelques minutes plus tard, selon un témoin, un hélicoptère de combat a tiré des obus, des grenades et des roquettes sur la foule alors que les gens tentaient de fuir.

Un habitant de Pa Zi Gyi a déclaré que des membres des Forces de défense du peuple (FDP), une milice anti-junte, assistaient à l’inauguration de ce bureau qui était destiné à des usages civils tels que l’enregistrement de déclarations d’impôts, les réunions de canton et des processus judiciaires. Le témoin a déclaré que les FDP y stockaient des marchandises, des fonds et des médicaments, mais aussi des munitions.

Human Rights Watch a examiné 59 photos des corps des victimes et une vidéo du site à la suite des attaques, et a conclu que la frappe initiale avait été menée avec une munition de large taille à effet de souffle, larguée par voie aérienne. Ce type d'arme est souvent appelé « thermobarique », qui fonctionne généralement selon le même principe : un matériau explosif est dispersé sous forme de nuage de vapeur qui utilise l'oxygène atmosphérique comme combustible, lorsqu'il explose. L'ampleur de l'explosion et des dommages thermiques au bâtiment, ainsi que la nature profonde des brûlures et des lésions subies par les victimes, sont des effets caractéristiques de cette arme.

Dans les médias officiels, dans la soirée du 11 avril, l'armée du Myanmar a revendiqué la responsabilité de ces frappes aériennes. Un porte-parole de l'armée, Zaw Min Tun, a déclaré que ces frappes visaient des membres des Forces de défense du peuple, et que la détonation d’explosifs et de mines terrestres stockés par les forces FDP a ensuite fait des victimes parmi les personnes présentes sur les lieux.

Le Gouvernement d'unité nationale (National Unity Government, NGU) – un groupement de l’opposition – a déclaré que les personnes tuées étaient principalement des résidents civils de Pa Zi Gyi, dont 40 enfants. La plus jeune victime avait 6 mois et la plus âgée avait 76 ans. Au 5 mai, le NGU a déclaré que 168 personnes au total avaient été tuées lors de cette attaque. Human Rights Watch n'a pas été en mesure de confirmer ces chiffres.

Le droit international humanitaire oblige toutes les forces belligérantes à faire la distinction entre combattants et civils, et à veiller à ce que les cibles des attaques soient des objectifs militaires et non des civils ou des biens de caractère civil.

Les lois de la guerre interdisent les attaques menées sans discernement, qui incluent l'utilisation de méthodes ou de moyens de combat qui ne peuvent être limités de manière à minimiser les pertes de vies civiles et les dommages aux biens de caractère civil. Les attaques dont on peut s'attendre à ce qu'elles causent des dommages civils disproportionnés par rapport à l'avantage militaire concret et direct prévu dans l'attaque sont également interdites.

La présence de combattants de l'opposition et de munitions aurait pu faire du bâtiment un objectif militaire légitime susceptible d'être attaqué. Mais même dans ce cas, l'utilisation d'une arme à effet de souffle renforcé était illégalement indiscriminée, car son utilisation dans une zone civile surpeuplée ne pouvait pas minimiser la perte de vies civiles.

Lors de sa prochaine réunion en Indonésie du 9 au 11 mai, l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ASEAN) devrait soutenir des mesures plus fortes pour couper les flux de trésorerie destinés à l'armée, et faire pression sur la junte pour entreprendre des réformes.

Le Conseil de sécurité des Nations Unies devrait donner suite à sa résolution de décembre 2022 sur le Myanmar et à sa réunion de suivi en mars 2023, en adoptant d'urgence une nouvelle résolution visant à dissuader l’armée du Myanmar de commettre d’autres exactions ; il s’agirait notamment de mettre en place un embargo sur les armes, de renvoyer le Myanmar devant la Cour pénale internationale, et d’imposer des sanctions ciblées aux dirigeants de la junte et aux entreprises appartenant à l'armée.

Communiqué complet en anglais : en ligne ici.

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Articles

FranceTVInfo (1)       FranceTVInfo (2)      L’Express    

20 Minutes/AFP    News24

 

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