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Au Rwanda, la mort d’un journaliste demeure inexpliquée

Un « suspect » est reconnu coupable d’homicide involontaire après un procès précipité et passé sous silence

John Williams Ntwali © 2017 Facebook

Trois semaines après la mort suspecte de John Williams Ntwali, l’un des derniers journalistes d’investigation indépendants du Rwanda, les autorités rwandaises n’ont pas garanti une enquête crédible et transparente sur les circonstances de son décès. Au contraire, elles ont préféré suivre leur stratégie bien rodée qui consiste à faire obstruction aux enquêtes, à éluder les questions qui leur sont posées et à détourner l’attention de l’affaire.

Mardi, des journalistes ont été invités à entendre le verdict du tribunal contre le conducteur impliqué dans l’accident de voiture qui aurait coûté la vie à John Williams Ntwali. Le fait que le procès ait déjà eu lieu a été une nouvelle pour beaucoup. Un juge du tribunal de première instance de Kagarama a déclaré que le conducteur, Moise Emmanuel Bagirishya, accusé d’homicide involontaire, avait « plaidé coupable et présenté ses excuses pour l’accident ». Bagirishya, qui n’était pas présent lors de la lecture du verdict, a été condamné à une amende d’un million de francs rwandais (920 dollars US).

Le procès qui, selon les médias, s’est déroulé le 31 janvier essentiellement à huis clos, ressemble beaucoup à une tentative maladroite de dissimulation. À ce jour, nous ne connaissons toujours pas le lieu de l’accident présumé, ainsi que la marque et la description des véhicules impliqués. Nous n’avons pas vu non plus de photos ou vidéos éventuelles de l’accident ou le procès-verbal de la police.

Depuis son annonce, la mort de John Williams Ntwali était suspecte. Il avait exposé des violations des droits humains dans un pays où ceux qui défient le gouvernement sont régulièrement portés disparus ou meurent dans des circonstances mystérieuses, notamment dans des accidents de voiture. John Williams Ntwali avait été menacé et avait laissé entendre qu’il s’inquiétait pour sa sécurité. La version des autorités – selon laquelle il a été tué dans un accident de la route à 2h50 du matin, sans la moindre pièce d’identité, et sans la présence de témoins – laisse perplexe. Le fait que les autorités n’aient pas informé sa famille pendant près de 48 heures renforce ces soupçons.

Le silence de la plupart des partenaires du Rwanda est assourdissant. Le Commonwealth, que préside le président Paul Kagame, est resté silencieux. Des appels à la transparence et à la nécessité pour le gouvernement rwandais de rendre des comptes ont été accueillis avec mépris.

Malgré une déclaration conjointe signée par plus d’une centaine d’organisations en faveur d’une enquête indépendante sur la mort de John Williams Ntwali, il est clair que le gouvernement rwandais ne souhaite pas qu’une telle enquête ait lieu. La question qui se pose désormais est la suivante : les alliés et bailleurs du Rwanda vont-ils laisser le nom de John Williams Ntwali s’ajouter silencieusement à la liste grandissante des personnes critiques et opposants morts dans des circonstances obscures et inexpliquées ? Car si le silence sur la mort de John Williams Ntwali demeure, cette liste risque encore de s’allonger.

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