Les autorités rwandaises devraient permettre qu’une enquête indépendante, impartiale et efficace, et s’appuyant sur des experts internationaux, soit ouverte sur la mort de John Williams Ntwali, un journaliste d’investigation de renom, ont déclaré aujourd’hui 90 organisations de la société civile et associations de journalistes. Les partenaires internationaux du Rwanda devraient inciter les autorités à autoriser puis à coopérer pleinement avec une telle enquête.
La famille de Ntwali a été informée de son décès le 19 janvier 2023, quand la police a demandé au frère de Ntwali d’identifier son corps à la morgue de l’hôpital de Kacyiru. La police a déclaré au New Times que Ntwali était mort dans un accident de moto à Kimihurura, à Kigali, le 18 janvier à 2h50 du matin. Cependant, deux semaines après l’accident présumé, les autorités rwandaises n’ont toujours pas fourni de rapport de police, précisé le lieu exact de l’accident présumé, montré de preuves photographiques ou vidéos, ou fourni d’informations détaillées sur les autres personnes qui auraient été impliquées dans cet accident.
Un journaliste qui a vu Ntwali un jour avant sa mort a déclaré à Voice of America : « Il avait l’air prudent et a éteint son téléphone avant que l’on commence à parler... Il disait qu’on ne pouvait pas faire confiance aux téléphones. Il m’a dit que toutes les portes auxquelles il avait frappé étaient fermées mais qu’il était déterminé à affronter la vie. Sa mort a été si soudaine ».
Ntwali était régulièrement menacé et attaqué dans les médias pro-gouvernementaux pour son travail d’investigation. En juin 2022, il a dit à Human Rights Watch :
On me dit qu’après la réunion CHOGM [Commonwealth Heads of Government Meeting, la réunion des chefs de gouvernement du Commonwealth], ils ne joueront plus avec nous. On me l’a dit cinq ou six fois. Je reçois des appels téléphoniques de numéros privés. Certaines personnes [des services du renseignement] sont venues chez moi deux fois, pour me le dire. La NISS [National Intelligence and Security Services, les Services nationaux de renseignement et de sécurité] m’a dit : « Si tu ne changes pas de ton, après la réunion CHOGM, tu verras ce qui t’arrivera ».
Ntwali a joué un rôle de premier plan en couvrant et en attirant l'attention sur le sort des habitants du quartier de Kangondo, qu’un différend de longue date oppose aux autorités au sujet des expulsions foncières. À l’époque, il avait déclaré à Al Jazeera : « Je me concentre sur la justice, les droits humains et le plaidoyer... tous trois sont risqués ici au Rwanda. Mais je suis déterminé.... Ceux qui essaient de s’exprimer, ils sont emprisonnés – harcelés, intimidés ou emprisonnés. Ou alors, ils sont obligés de fuir leur pays. Troisième option, certains d’entre eux finissent par disparaître dans la nature. Ou même, ils meurent ».
Ntwali était également l’un des rares journalistes au Rwanda à couvrir de manière indépendante les procès très médiatisés et politisés de journalistes, de commentateurs et de membres de l’opposition, et à poster des vidéos à propos de leurs conditions de détention. En juin 2022, il a parlé à Human Rights Watch des blessures causées par la torture qu’il avait constatées sur certains de ces critiques et opposants. Récemment, il a aussi publié sur sa chaîne YouTube des vidéos à propos de personnes « disparues » de façon suspecte. Sa dernière vidéo, postée le 17 janvier, portait sur la disparition présumée d’une rescapée du génocide, qui s’était exprimée sur le fait d’avoir été passée à tabac par des policiers en 2018.
Le Rwanda a l’obligation, en vertu du droit international des droits humains, de garantir une enquête efficace sur la mort de Ntwali. Le droit à la vie est inscrit dans la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, et selon la Déclaration de principes sur la liberté d’expression et l’accès à l’information en Afrique, « les États prennent des mesures juridiques et autres efficaces pour initier des enquêtes et des poursuites et sanctionner les auteurs d’actes d’agression contre les journalistes et autres professionnels des médias et veiller à ce que les victimes aient accès à des voies de recours efficaces ».
Le président du Rwanda est le président en exercice du Commonwealth depuis la dernière réunion des chefs de gouvernement du Commonwealth, qui s’est tenue à Kigali, au Rwanda, en juin 2022. Le président en exercice représente le Commonwealth lors de rencontres internationales de haut niveau mène le travail de prévention et de résolution des conflits du Secrétaire général du Commonwealth pour une période de deux ans. Dans la Charte du Commonwealth de 2013, les États membres ont réaffirmé leurs valeurs et principes fondamentaux, y compris le respect des droits humains, la liberté d’expression, l’état de droit et le rôle de la société civile.
Les Principes du Commonwealth sur la liberté d’expression et le rôle des médias dans la bonne gouvernance, adoptés par les ministres du droit du Commonwealth en novembre, stipulent que « les États membres devraient agir de manière décisive pour mettre fin à l’impunité par des enquêtes impartiales, rapides et efficaces sur tous les cas présumés de meurtres, d’attaques et de mauvais traitements de journalistes et professionnels des médias, en engageant des poursuites pour traduire en justice les instigateurs et les auteurs de ces crimes et en offrant une réparation effective aux victimes ».
Les autorités rwandaises ont systématiquement failli à leur obligation de mener des enquêtes crédibles sur les morts suspectes d’opposants politiques ou de personnalités critiques du gouvernement connus, comme celle de Kizito Mihigo en février 2020, et à faire en sorte que les responsables rendent des comptes. De ce fait, des experts régionaux et internationaux, tels que le rapporteur spécial des Nations unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires ou le Groupe de travail de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) sur la peine de mort et les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires en Afrique, devraient être associés à l’enquête.
Pour être efficace, l’enquête doit être indépendante, impartiale, approfondie et transparente, et menée en conformité avec la version révisée du Manuel des Nations Unies sur la prévention des exécutions extra-judiciaires, arbitraires et sommaires et les moyens d’enquête sur ces exécutions (Protocole du Minnesota relatif aux enquêtes sur les décès résultant potentiellement d’actes illégaux).
Nous, organisations soussignées, exhortons les partenaires internationaux du Rwanda, y compris le Commonwealth, à respecter leur engagement en faveur de la liberté des médias et à demander au Rwanda de permettre qu’une enquête efficace, indépendante et rapide soit ouverte sur la mort suspecte de John Williams Ntwali.
Ces groupes sont :
- Al Khatim Adlan Centre for Enlightenment and Human Development (Sudan)
- Amnesty International
- Article 19 Eastern Africa
- Association Des Journalistes Indépendants Du Bénin
- Association for Human Rights in Ethiopia
- Baraza Media Lab (Kenya)
- Bloggers Association of Kenya
- Botswana Editors Forum
- Center for Advancement of Rights and Democracy (Ethiopia)
- Center for Strategic Litigation (Tanzania)
- Centre for Development and Research (South Sudan)
- Centre for Journalism Innovation and Development (Nigeria)
- Chapter Four (Uganda)
- Coalition for Whistleblower Protection and Press Freedom
- Coalition of Somali Human Rights Defenders
- Committee to Protect Journalists
- Commonwealth Human Rights Initiative
- Commonwealth Journalists Association (International)
- Community Empowerment for Progress Organization (South Sudan)
- Daryel Human Rights Organization (Somalia)
- Digital Rights Lawyers Initiative (Nigeria)
- Eastern Africa Editors Society
- EG Justice (Equatorial Guinea)
- Egyptian Initiative for Personal Rights
- Ethiopian Human Rights Defenders Center
- Ethiopian Labour Rights Watch
- Ethiopian Women Rights Advocates
- Federation of African Journalists
- Federation of Somali Journalists
- Human Rights Centre Somaliland
- Human Rights Foundation
- Human Rights Network for Journalists–Uganda
- Human Rights Watch
- Inclusive Vision for Democractic Ethiopia
- Index on Censorship
- Iniskoy for Peace and Development Organization (Somalia)
- INK Centre for Investigative Journalism (Botswana)
- Institute of Commonwealth Studies
- Inter Africa Group
- International Federation for Human Rights (FIDH)
- International Press Association of East Africa
- International Press Association of Uganda
- International Press Institute
- International Service for Human Rights
- Isha Human Rights Organization (Somalia)
- Kalkaal Human Rights and Development Organisation (Somalia)
- Kenya Editors Guild
- Kenya Human Rights Commission
- Kenya National Civil Society Centre
- La Maison de la presse du Niger
- Lawyers for Human Rights (Ethiopia)
- Ligue centrafricaine des droits de l'Homme
- Maka Angola (Angola)
- Media Foundation for West Africa
- Media Institute of Southern Africa–Tanzania
- Media Rights Agenda (Nigeria)
- National Association of Black Journalists (United States)
- Network of Ethiopian Women Association
- Observatoire des Droits de l'Homme au Rwanda
- Patronat de la presse tchadienne
- Patronat de la Presse Togolaise
- PEN Afrikaans
- PEN Gambia
- PEN International
- PEN Nigeria
- PEN Sierra Leone
- PEN South Africa
- PEN Uganda
- PEN Zambia
- Premium Times (Nigeria)
- Protection International Africa
- Reporters sans Frontières
- Resource Rights Africa (Uganda)
- Robert F. Kennedy Human Rights
- Rwanda Accountability Initiative
- Somali Children Welfare and Rights Watch
- Somali Journalists Syndicate
- South African National Editors’ Forum
- South Sudan Human Rights Defenders Network
- South West Human Rights Defenders Network (Somalia)
- Surbana Vision Medias and Community Services (US/Eritrea)
- Syndicat National des Journalistes Indépendants du Togo
- Syndicat National des Professionnels de la Presse de Côte d'Ivoire
- Syndicat Professionnels Information Communication Sénégal
- The African Editors Forum
- The Daphne Caruana Galizia Foundation (Malta)
- The Horn of Africa Civil Society Forum
- Tiger Eye P (Ghana)
- Union of Journalists of South Sudan
- Vision Ethiopian Congress for Democracy
Mise à jour le 2 février 2023 :
91. CIVICUS
92. Commission Justice et Paix: République Centrafrique
93. Commonwealth Legal Education Association
94. Observatoire Centrafricain des Droits de l'Homme
95. Organisation Patronale des Médias du Gabon
96. Pan African Lawyers Union
97. PEN Eritrea
98. PEN Guinea-Bissau
99. PEN Togo
100. Réseau des Journalistes pour les Droits de l'Homme en Centrafrique
101. Tanzania Human Rights Defenders Coalition
102. World Uyghur Congress
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