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Haïti : Il faut enquêter sur l’assassinat du président

Deux journalistes et activistes ont aussi été tués lors d’autres actes de violence récents

Le président haïtien Jovenel Moïse photographié à l’entrée de son domicile dans le quartier Pèlerin 5 situé à Pétion-Ville, une commune dans la banlieue de Port-au-Prince, le 7 février 2020. Tôt dans la matinée du 7 juillet 2021, le président Moïse a été tué lors d'une attaque chez lui, et la première dame Martine Moïse a été grièvement blessée. © 2020 AP Photo/Dieu Nalio Chery

(Washington) – Les autorités haïtiennes devraient solliciter une assistance internationale afin de mener des enquêtes rapides, exhaustives et impartiales sur l’assassinat du président Jovenel Moïse, ainsi que sur d’autres graves actes de violence commis récemment, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Parmi les autres personnes récemment assassinées, figurent deux journalistes qui étaient également des activistes à Port-au-Prince, la capitale.

Tôt dans la matinée du 7 juillet 2021, un groupe armé a fait irruption dans la résidence privée du président Moïse, dans le quartier Pèlerin 5 situé dans la banlieue de Port-au-Prince, et l’a tué. Les assaillants ont également blessé l’épouse de Moïse, a indiqué le Premier ministre par intérim, Claude Joseph. Près de 24 heures plus tard, la police haïtienne a engagé une fusillade avec des individus qu’elle a présentés comme étant les assassins présumés, tuant quatre d’entre eux et en arrêtant deux autres.

« Nous condamnons l’assassinat du président d’Haïti, Jovenel Moïse, acte criminel qui compromet la stabilité du pays », a déclaré Tamara Taraciuk Broner, directrice adjointe de la division Amériques à Human Rights Watch. « Les autorités haïtiennes, avec l’appui de la communauté internationale et de membres de la société civile représentatifs de sa diversité, devraient prendre des mesures pour mettre fin aux violences, faire rendre des comptes à leurs responsables et résoudre l’actuelle crise institutionnelle, tout en veillant à respecter les droits. »

Alors que la ligne de succession pour un nouveau président n’est pas clairement définie, les autorités haïtiennes devraient déployer tous les efforts possibles pour garantir la conduite d’enquêtes exhaustives et indépendantes, préserver les indices, donner des moyens supplémentaires à la Police nationale d’Haïti et fournir des ressources au personnel judiciaire qui mènera ces enquêtes, tout en assurant sa sécurité. Afin de déterminer les modalités de coopération internationale les plus efficaces pour mener à bien ces enquêtes, les autorités devraient consulter des personnalités influentes de la société civile et des experts internationaux.

Haïti traverse une crise de plus en plus aigüe découlant du conflit politique lié aux incertitudes quant à la date exacte de la fin du mandat présidentiel de Jovenel Moïse. La décision prise récemment par les autorités électorales de reporter un référendum constitutionnel au mois de septembre, afin qu’il coïncide avec les élections présidentielle et législatives, semble avoir accru les tensions. Joseph a pris ses fonctions de Premier ministre par intérim en avril, mais il était prévu qu’un nouveau Premier ministre, Ariel Henry, lui succède cette semaine et ce dernier a émis des objections au maintien de Joseph à son poste. Dans une déclaration à la nation mercredi matin, Joseph a proclamé l’état de siège et affirmé que le Conseil supérieur de la Police nationale s’était réuni et que la situation était maîtrisée.

Les violences en Haïti se sont accrues ces dernières années. Selon le Réseau national haïtien de défense des droits de l’homme et le Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH), les massacres, les enlèvements, les homicides, les vols à main armée et les violences sexistes sont en hausse depuis 2018.

Le 29 juin, au lendemain de l’annonce du report du référendum, des individus armés circulant à moto ont ouvert le feu sans discernement sur les passants dans divers quartiers de Port-au-Prince, tuant 19 personnes et en blessant une autre. Diego Charles, âgé de 33 ans, reporter de Radio Vision 2000 et activiste anticorruption, et Antoinette Duclaire, 33 ans, journaliste du quotidien en ligne La Repiblik et activiste politique et féministe, ont été tués dans le quartier de Christ-Roi.

Diego Charles a été touché de deux balles, une dans le flanc droit, l’autre dans l’avant-bras droit, et Antoinette Duclaire a reçu sept balles dans la tête, la poitrine et les bras, a indiqué le Réseau national de défense des droits de l’homme (RNDDH).

Le lendemain, le gouvernement a émis un communiqué de presse dans lequel il condamnait ces meurtres et la « violence aveugle » qui affecte la population haïtienne. Le gouvernement a affirmé qu’une enquête de la Police nationale avait révélé que l’incident du 29 juin était un attentat terroriste perpétré par une organisation dénommée Fantom 509.

Des organisations non gouvernementales ont affirmé à Human Rights Watch que les bandes armées qui sévissent à Port-au-Prince, y compris Fantom 509, sont réputées avoir des liens avec la Police nationale, ce qui compromet les chances qu’elles soient amenées à répondre de leurs crimes. Elles ont ajouté que les mesures prises par le gouvernement pour lutter contre la criminalité et les violences des bandes armées étaient dans une large mesure sans effet et que l'impunité règne, en partie à cause des liens présumés entre la police et ces gangs, et de la faiblesse du système judiciaire d’Haïti.

Au moins trois autres journalistes ont été assassinés en Haïti depuis 2018. Personne n’a été poursuivi en justice pour ces meurtres.

Haïti est un pays partie à d’importants traités relatifs aux droits humains, notamment au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et à la Convention interaméricaine des droits de l’homme, qui protègent les droits à la vie, à l’intégrité physique et à la liberté, entre autres. Il incombe aux autorités haïtiennes de défendre ces droits efficacement, y compris en prenant des mesures adéquates pour protéger les personnes contre des menaces raisonnablement prévisibles contre leur vie de la part d’acteurs non étatiques, notamment d’individus criminels et de membres d’organisations criminelles.

Les autorités sont également tenues d’enquêter sans retard et de manière effective, exhaustive et impartiale sur les violations des droits humains, de faire rendre des comptes aux auteurs d’abus et de garantir aux victimes l’accès à la justice et à des indemnités.

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