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Dans les prisons d’Haïti, les conditions de détention demeurent abjectes

Le gouvernement devrait écourter la période de détention provisoire et renforcer l’indépendance de l’appareil judiciaire

Ce détenu tirait une marmite contenant du riz et des haricots dans un couloir du Pénitencier national à Port-au-Prince, en Haïti, le 13 février 2017. © 2017 Dieu Nalio Chery/AP Photo

« On est plus capable de vivre comme ça, notre vie est pire que celle des animaux », a récemment confié un prisonnier haïtien au Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH). Son témoignage figure aux côtés de ceux de plus de 800 autres détenus de 12 prisons dans un rapport détaillé rendu public aujourd’hui par le BINUH et le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme. Ce rappel brutal de la réalité des prisons haïtiennes devrait être un signal d’alarme pour les autorités de ce pays, qui doivent engager des réformes nécessaires de longue date.

Le rapport révèle la manière dont la plupart des détenus coexistent dans des cellules surpeuplées et mal éclairées, sans ventilation adéquate, eau potable ou installations sanitaires. Ils défèquent dans des seaux qui ne sont pas régulièrement vidés et reçoivent une ration quotidienne de nourriture, avec un accès limité ou inexistant aux soins de santé. Ces conditions s’apparentent à des traitements cruels, inhumains et dégradants, voire à des actes de torture, selon l’ONU. Elles sont également antérieures à la pandémie de Covid-19, qui n’a fait qu’aggraver la situation.

Les mécanismes de surveillance n’ont pas fonctionné pour remédier à ces conditions épouvantables. Les fonctionnaires de l’administration pénitentiaire haïtienne manquent de ressources pour inspecter les prisons régulièrement. Un bureau spécial ouvert en 2018 à cet effet n’a pas effectué de visites. Il n’existe aucun mécanisme officiel permettant aux détenus de signaler les abus à l’Inspection générale de la police nationale.

L’une des principales causes de la surpopulation carcérale est le recours excessif par les autorités à la détention provisoire. Au 1er juin, plus de 82 % des détenus n’avaient pas été jugés. Souvent, ils sont détenus de façon arbitraire pendant plus d’un an avant même de comparaître devant un juge. En mars 2021, le Conseil de sécurité de l’ONU a de nouveau appelé Haïti à mettre fin à la pratique de la détention provisoire prolongée après des années de résolutions et d’investissements en ce sens.

Un nouveau code pénal et un nouveau code de procédure pénale, adoptés par décret présidentiel en 2020 et qui doivent entrer en vigueur en juin 2022, prévoient qu’Haïti devra envisager des mesures alternatives à la détention provisoire et ne placer en détention des mineurs qu’en dernière instance. Qu’elles soient mises en œuvre sous leur forme actuelle ou adoptées par un futur parlement, ces mesures pourraient limiter le recours à la détention provisoire.

Mais pour réduire la surpopulation et protéger les droits des prisonniers, les principaux acteurs internationaux devraient exhorter Haïti à mettre aussi en œuvre intégralement les autres recommandations des organisations de la société civile haïtienne et du BINUH, notamment le renforcement de l’indépendance du système judiciaire et la lutte anticorruption.

Sans une telle pression, les autorités haïtiennes auront des incitations très limitées, voire aucune, pour mettre fin aux conditions d’incarcération abjectes qui règnent dans les prisons haïtiennes depuis au moins 25 ans.

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